Bob d artois a écrit :
Je ne comprends pas pourquoi les conditions sévères de Versailles sont jugées responsables de la seconde guerre alors que les conditions imposées à la fin de cette dernière, beaucoup plus dures, ont conduit à une paix durable avec l'Allemagne.
Bob
En fait, l'erreur a été d'imposer des conditions de paix écrasantes à une Allemagne qu'on n'avait pas occupée, et qui ignorait, ou préférait ignorer, que son armée avait été vaincue.
(par exemple certains régiments de retour du front défilent fanfare en tête dans les grandes villes allemandes.) D'où un sentiment de profonde injustice dans la population allemande, que les services secrets allemands vont encore accentuer en lançant avec succès la légende du coup de poignard dans le dos. - c'est l'inconvénient de ne pas avoir occupé l'Allemagne : les services secrets allemands sont restés très actifs.
A vrai dire tout cela n'impliquait pas automatiquement la seconde guerre mondiale. Il y faudra des circonstances particulières - la crise économique, la détermination effrayante d'Hitler et de ses sbires - et surtout l'incroyable passivité des alliés face aux coups de force successifs d'Hitler. Et malgré tout, en 1939, une partie importante de l'opinion allemande n'est pas vraiment chaude pour recommencer une tuerie dont on a gardé un souvenir épouvanté, tout comme en France. C'est la chute de la France en 6 semaine qui va précipiter la quasi-totalité du peuple allemand dans une admiration sans borne pour Hitler et l'illusion que l'Allemagne peut tout écraser.
En 1945, les Allemands ne risquent pas d'ignorer qu'ils sont vaincus, et c'est un euphémisme. De plus ils n'ont pas de doute sur l'identité du vrai responsable :le slogan "Das verdanken wir Hitler" (c'est à Hitler que nous devons cela.) apparaît sur tous les murs. Le sentiment d'injustice de 1918 ne se renouvelle pas.
De plus, dans le contexte de la guerre froide, les Allemands de l'ouest vont s'apercevoir que leurs occupants sont en même temps des alliés qui les protègent des Russes et qui ne mégotent pas sur les moyens : 1948 est à la fois l'année de création de la Bundesrepublik, celle du retour à une alimentation suffisante grâce à la mise en place du Bundesmark, et surtout, surtout, celle du pont aérien pour sauver Berlin du blocus des Russes, qui montre aux Allemands de l'ouest que les alliés occidentaux font ce qu'il faut - et avec quels moyens ! - pour les défendre. Les rancunes suscitées par une occupation aux pratiques souvent abusives s'effacent. Les ennemis d'hier sont devenus des amis solides. (Par contre la haine des Russes et l'anticommunisme sont plus virulents que jamais, aggravés par le fait que les Russes ont annexé de fait toute l'Allemagne de l'Est.)
En 1918, le général Mangin disait :" Nous n'avons pas occupé l'Allemagne et détruit le militarisme prussien. Il faudra recommencer dans 20 ans." Il se trompait d'une année. Cet enchaînement de la première à la seconde guerre mondiale a quelque chose d'assez effrayant, comme s'il existait une fatalité inexorable des choses, alors que ce n'était pas le cas. Reste que le diagnostic de Mangin était le bon : il fallait occuper l'Allemagne. (ce point de vue était partagé par d'autres, Poincaré et surtout Pétain, par exemple.) Mais Wilson, pétri de bons sentiments et de l'idée que la démocratie allait transformer l'Allemagne, ne voulait pas en entendre parler. - Ce genre de croyance naïve bien américaine rappelle des événements plus récents, n'est-ce pas ? - Et le problème c'est qu'il était difficile de poursuivre la guerre malgré une abstention américaine. La solution est donc imposée à la France, 1 500 000 morts, par un allié qui avait eu moins de 100 000 tués. "Solution" adoptée par Clémenceau, qui mesure à la fois l'extrême lassitude du pays et de l'armée - les poilus en avaient marre, et on le comprend - et l'impossibilité d'agir sans les Américains. Il va prendre sa revanche sur l'Allemagne sur tapis vert, et dans ce contexte, ce n'était pas une bonne idée.
Mon grand père disait souvent : "la France a abandonné le militarisme en 1918, l'Allemagne en 1945." C'est un bon résumé.
EDIT : je relève que vous parlez des conditions de paix imposées à l'Allemagne en 1945, en tous cas votre phrase peut se lire ainsi. Mais en 1945 il n'y a pas eu de traité de paix ni de spécification des conditions qu'on allait imposer à l'Allemagne. D'ailleurs les alliés auraient sans doute été incapables de se mettre d'accord. Il y a eu exigence d'une capitulation sans conditions : aucun traité de paix ne serait négocié. Et d'ailleurs, avec qui aurait-on négocié ?