Bonjour Jean-Claude,
non, non, je ne suis absolument pas spécialiste et vous êtes bien plus grand connaisseur du protestantisme que moi. J'ai juste étudié la minorité allemande en Haute-Silésie et, par la force des choses, celle des autres régions de Pologne où elle était présente, et aussi le phénomène hitlérien en tant que tel, mais pas en profondeur. Il y a d'ailleurs beaucoup d'intervenants de PH qui connaissent bien mieux que moi l'Allemagne nazie.
Ma réponse à Barack était un faisceau de théorie vraisemblables ou possibles. Je vais essayer de vous répondre et d'étayer celles-ci...
Jean-Claude a écrit :
Enki-Ea a écrit :
Il est à peu près accepté par toute la communauté historienne que la théorie de la prédestination a intellectuellement favorisé le nazisme.
Quels sont les historiens qui acceptent ça et qui en ont explicitement parlé dans leurs travaux? Parce que je trouve ça un peu étrange à vrai dire, sans vouloir bien évidemment remettre en cause les théories de ces spécialistes qui sont bien plus au fait de ces questions que moi.
J'avais lu ça, si je me souviens bien, dans Poliakov ainsi que dans Dreyfuss. Comme leur appareil critique était me semble-t-il assez fourni sur la question, je vous avoue que je ne suis pas allé plus loin et n'ai pas creusé le problème...
Attention, ils ne disaient évidemment pas que la théorie de la prédestination était la cause du nazisme, mais que c'était une idée qui avait imprégné les esprits de la communauté protestante et avait facilité l'acceptation du phénomène nazi par celle-ci.
Citer :
On ne prêche plus vraiment la prédestination dans l'Europe réformée au XIXe, et sans doute encore moins en Allemagne qu'ailleurs (où de toute façon le calvinisme est minoritaire parmi les protestants).
Ah? Ca c'est intéressant car ça mettrait à mal cette thèse. Pourtant, je crois me souvenir que l'un de ces deux auteurs parle d'un renouveau de cette théorie en Allemagne à la fin du XIXème siècle, notamment par le biais d'un pasteur assez renommé. Ca ne vous dit rien? Désolé mais ça fait une dizaine d'années que j'ai quitté la France et je n'ai plus aucun de ces bouquins sous la main.
Citer :
Le protestantisme n'est pas à proprement parler révolutionnaire. La seule véritable révolution, c'est le sacerdoce universel, mais il a été dès le départ très strictement encadré (sauf chez les anabaptistes qui l'ont radicalisé). Du point de vue social, dès 1525 avec la Guerre des Paysans, Luther montre parfaitement qu'il est conservateur.
De plus, la Réforme protestante se conçoit comme une "Re-formation" (souvent écrit "Réformation" aujourd'hui, mais, au XVIe et au XVIIe, on parle souvent de "Reformation" et l'absence d'accent a un sens): il est un retour aux sources et certainement pas une table rase, dans un contexte intellectuel où l'absence d'ancienneté et l'absence d'ancêtres est rédhibitoire. Avant la Révolution française, aucun régime, aucune confession et aucune idéologie ne se réclame explicitement de la rupture totale avec le passé.
Ces développements sont très intéressants mais l'idée était simplement que le protestantisme était généralement plus révolutionnaire, plus apte à adopter la nouveauté et le changement que le catholicisme engoncé dans 2000 ans de certitudes et ayant une hiérarchie assez pesante. C'est peut-être un peu wébérien comme vision... Néanmoins, même si le protestantisme se voulait un retour aux origines comme vous le montrez, il n'en a pas moins constitué une rupture avec l'ordre établi.
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Enki-Ea a écrit :
L'absence de structure cléricale hiérarchisée a également joué un rôle. Un catholique a, en dernier ressort, pour maître suprême le Pape, par définition indépassable, infaillible. Tous les führers du monde n'y pourront rien. Un protestant n'a, au contraire, pas de figure tutélaire et pourra plus facilement se ranger derrière un leader charismatique.
Je ne suis pas exactement d'accord là-dessus non plus. Dans les pays protestants, une hiérarchie assez stricte a été maintenue. Dans le protestantisme (notamment luthérien) allemand, il y a des surintendants qui sont des évêques et il existe des structures centralisées au niveau national. Certes, ce n'est pas personnalisé. Mais il existe une hiérarchie.
Ah, là je trouve que vous pinaillez un tout petit peu ha ha ha
Je ne parlais pas de hiérarchie au niveau local. Un protestant n'a pas de Pape quelque part dans un pays étranger en qui il a toute confiance et qu'il peut considérer comme une sorte de "super père" de l'ensemble des fidèles.
Vous vous souvenez de ce qu'a dit Alexandre le Grand avant la bataille de Gaugamèles? "
Tout comme il ne peut y avoir deux soleils, l'Asie ne peut avoir deux rois". Voilà, c'est un peu l'idée. Un phénomène aussi totalitaire que le nazisme est difficilement conciliable avec une religion aussi hiérarchisée que le catholicisme qui a à sa tête le "père de tous les croyants", le Pape. Avoir un führer et un pape en même temps, c'est un peu comme avoir deux soleils, c'est difficilement conciliable. Plus contradictoire que pour une communauté protestante avec une structure plus libre, plus locale, moins hiérarchisée (je ne sais pas si je m'explique bien). Alors quand en plus, le Pape émet des encycliques condamnant le nazisme, ça devient encore plus difficilement conciliable...
Cordialement