L'URSS a mené un combat violent contre les paysans au cours des décennies 20 et 30. Sous le prétexte d'élimination des koulaks -paysans riches- il s'agissait de faire disparaitre le monde paysan pour le remplacer par une exploitation de la terre de type industriel (kolkhozes et sovkhozes).

Cette action est assez bien documentée aujourd’hui mais quelle est son origine politique et théorique ? Y avait-t-il un rejet fondamental des paysans par les ouvriers ou est-ce venu d'en haut ? Existait-il des théoriciens de cette question et comment a-telle été initialement mise en route ?

Enfin, quand on voit la catastrophe économique et humaine que fut cette disparition du monde rural ancestral, ne peut-on pas se poser des questions sur l'aveuglement des dirigeants de l'URSS ?

La collectivisation, appropriation collective des moyens de production dont la terre, est la négation de la propriété privée, fondement du communisme.
La société paysanne est divisée en classes antagonistes dont les bolchéviques distinguaient quatre catégories :
- Les batraks, ouvriers agricoles.
- les bedniaks, ouvriers pauvres.
- Les seredniaks, paysans moyens.
- Les koulaks, paysans riches.
Mais le terme "koulak" fut appliqué systématiquement à tout paysan manifestant une hostilité quelconque envers le régime.
C'est venu d'en haut, notamment avec Staline et cette politique fut rejetée essentiellement par les koulaks et les seredniaks, privés de leurs biens.
Les ouvriers avaient besoin des paysans pour vivre, étaient mieux payés que ces derniers et avaient tous des attaches familiales dans le monde agricole, donc à mon avis, il n'y avait pas rejet général de leur part du monde paysan. Certes, nombre d'entre-eux, ainsi que des ouvriers agricoles, membres du PCb essentiellement prirent part à la dékoulakisation, obéissant aux ordres et ce, souvent sauvagement.

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Cette lutte contre les paysans a peut-être son origine dans "la terreur de masse" que Lénine théorisa très tôt et qui visait à l'élimination des ennemis du peuple. Cette élimination primait peut-être la collectivisation.
Il me semble que Staline n'a fait que prolonger ce que Lénine avait commencé.

Je suis souvent surpris de voir que dans la Russie d'aujourd'hui on a vite fait de dire du mal de Staline en le comparant à un Lénine beaucoup moins terrifiant. Or je pense que Lénine était tout sauf un tendre.

Je pense aussi que le terme communisme et ce qu'il recouvrait était un bon prétexte à la maitrise totale de la société. Il est intéressant de noter que le communisme a démarré dans cette Russie autocratique, sur une terre fertile. Mais c'est un autre sujet.

Au-delà des distinctions données par vlad sur la paysannerie russe, il faut retenir que l'élément paysan est idéologiquement combattu par le bolchévisme. Lénine leur est hostile, car, en bon marxiste, il pense que c'est bien le prolétariat qui doit conduire la révolution et non pas la paysannerie, pourtant encore largement majoritaire en Russie après 1918. C'est aussi cette prise en compte qui divisa le socialisme marxiste russe : les mencheviks pensaient qu'on était pas prêt pour le socialisme en Russie, du fait de la grande minorité des prolétaires, les bolcheviks, au contraire, pensaient qu'une minorité pouvait tout de même conduire la révolution russe au socialisme.
De plus, les paysans les plus aisés peuvent ainsi être considérés comme des petits bourgeois et donc à combattre.
De toute manière, les paysans russes votent pour les Socialistes Révolutionnaires, et cela avant la Première Guerre mondiale. Les thèses du PSOR ne passent pas bien dans les campagnes.
Le financement de l'industrialisation soviétique par un véritable pillage des campagnes est avéré depuis un bon bout de temps, mais en dépassant ces considérations pratiques (qui ne sont pas pour autant à négliger !) il faut se souvenir de l'hostilité intrinsèque des bolcheviks à l'encontre des paysans.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine

Il est vrai que c'est Lénine qui a donné l'ordre de massacrer la famille impériale, mais là je suis hors-sujet.

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Aveuglement certes, quand on voit le crédit apporté par Staline et la Pravda sur les thèses fumeuses de l'ingénieur agronome Trofim Lyssenko.

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Le cas Lyssenko est intéressant si j'en crois la notice wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trofim_Den ... h_Lyssenko

Voilà un homme, aux théories plus que douteuses (faire pousser du blé dans la toundra sibérienne, modifier les caractéristiques génétiques d'une plante en agissant sur son environnement...), issu du peuple, né dans une famille de paysans ukrainiens.

Or, nous avons dis plus haut que Staline voulait (et c'est vrai) faire de son pays une grande puissance industrielle, y compris pour son agriculture. Mais pour légitimer cela, il souhaite, selon encore l'article wikipédia, "discréditer les intellectuels « bourgeois », souvent formés à l'étranger, pour les remplacer par des « fils du peuple », qui doivent leur ascension à l'État soviétique."

Prendre des fils de paysans pour détruire la paysannerie... sacré Staline !

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[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...
Renaud, Mistral gagnant, 1985.

Dans un ouvrage de 1873, Etatisme et anarchie (Ed La Découverte), Bakounine (dont je ne défends pas autrement le système) écrivait :

"Si le prolétariat devient la classe dominante, sur qui, demandera-t-on, dominera-t-il ? C'est donc qu'il restera encore une classe soumise à cette nouvelle classe dominante, à cet Etat nouveau, ne fût-ce, par exemple, que la plèbe des campagnes qui, on le sait, n'est pas en faveur chez les marxiens..."

Ce qui suggère un parti-pris idéologique de longue date contre le monde rural...