Jean-Marc,
Déjà trouvé, et j'ai commencé très péniblement à le traduire. L'article sur l'Oststaat Plan* m'intéresse tout particulièrement tant ce plan est fondamental dans la compréhension de l'aventure des Baltikumer et semble agiter la classe politique allemande au cours du premier semestre de 1919.
En ce qui concerne la situation politique : - du 9 novembre au 23 décembre 1918, période de grande confusion où le pouvoir impérial, bien qu'abattu, subsiste avec le maintien de fonctionnaires qui continuent à faire fonctionner la bureaucratie prussienne, et surtout avec la volonté réactionnaire d'un Offizierkorps qui refuse de se faire déposséder, en plus de son Oberste Kriegsherr, de ses avantages ; simultanément, le nouveau pouvoir socialiste modéré est écartelé entre le pragmatisme d'un Ebert et la tentation extrémiste des indépendants, aiguillonnés par le Spartakusbund. - à partir de la Weihnachtkrise, l'abcès est crevé : les commissaires du peuple indépendants démissionnent et Noske, le "chien sanglant", prend la tête de la réaction militaire incarnée par les Freikorps, ce qui se traduira par près de huit mois de reprise en mains brutale de l'ensemble de l'Allemagne, de Berlin (janvier et surtout mars 1919) à Hambourg (juillet 1919) en passant par Brême et la Ruhr (février 1919), Halle (mars 1919), Brunswick, Magdebourg et Dresde (avril 1919), Leipzig et Munich (mai 1919).
En ce qui concerne la situation militaire : - elle est stable à l'ouest : après la libération de l'Alsace-Moselle fin novembre 1918, les Alliés occidentaux sont entrés en Sarre et ont établi leurs trois têtes-de-pont le 1er décembre 1918 et attendent la suite des évènements et notamment les préliminaires de la paix avant de savoir s'ils doivent progresser plus avant. Les Allemands sont parfaitement conscients qu'ils sont incapables de résister à leur avance avant l'Elbe, et même au-delà. - à l'est par contre, elle est des plus anarchiques : outre que le retrait des armées de l'est est l'occasion d'une confusion extrême qui rend illusoire toute protection extérieure de la Prusse-orientale face à l'avance des Bolcheviks qui talonnent les restes désorganisés des unités de l'Oberost, les Polonais sous Pilsudski chassent le conseil de régence et les autorités militaires allemandes de Varsovie, et les Räte phagocytent tout môle de résistance germanique à la volonté d'émancipation des Polonais en Posnanie. Le 27 décembre 1918, ces derniers se soulèvent (Posener ou Grosspolnischer Aufstand) et commencent à "libérer" manu militari la Grande-Pologne de la tutelle allemande, menant également des actions en ce sens en Haute-Silésie et en Prusse-occidentale. - en janvier 1919 : les Allemands et leurs alliés très circonstanciels lituaniens ne contrôlent plus que Libau/Liepaja, dernier bastion avant la Prusse-orientale, la totalité de la Lituanie et de la Lettonie étant en mains bolcheviques ; les Polonais contrôlent la majeure partie de la "Provinz Posen", et menacent la Silésie et les deux Prusses. Berlin, avec l'autorisation des Alliés occidentaux inquiets de l'avance bolchevique, lance une campagne de recrutement pour les Freikorps de la Baltique, et nomme le général von der Goltz pour en prendre la tête, simultanément à la mise en place de nombreuses unités militaires face aux Polonais. Toutes ces forces sont contrôlées par le Zentralstelle Grenzschutz "Ost" (Zegrost), tant le VI. Reservekorps de von der Goltz qui interdit toute progression bolchevique des pays baltes vers la Prusse-orientale que les Armeen "Nord" et "Süd" qui, en Prusse-orientale et en Silésie, ont pour objectif la reconquête de la Posnanie.
Est-ce que cela donne un éclairage même partiel à la question ?
* L'Oststaat Plan consiste à abandonner une Allemagne occidentale et méridionale moralement défaillante, tombée dans la déchéance des sirènes marxistes, incapable de résister à l'invasion si celle-ci devait intervenir, en se retirant militairement derrière l'Elbe, en s'adossant à un nouvel Etat germanique encore vigoureux constitué autour de la Prusse-orientale, de la Prusse-occidentale et du district de Netze, ainsi que de la Silésie et du Wartheland. Pour cela, il convient de refuser toute paix infâmante avec les Occidentaux, tout en vainquant les Polonais et en écrasant leurs velléités d'arracher au Reich certaines de ses provinces. Défendu par des personnalités militaires telles que l'Oberst Reinhardt, chef nominal de l'armée allemande, ou civiles telles que Adolf von Batocki, Oberpräsident de Prusse-orientale, ou encore August Winnig, Reichskommissär pour les Etats baltes, il a reçu un accueil favorable parmi les cercles militaires et nationalistes allemands, même si, de toute évidence relevant plus de l'utopie que du réalisme bismarckien, il n'a reçu aucune onction de la part du cabinet Ebert, ni de celle du duo Hindenburg-Groener. L'incertitude concernant la capacité à tenir la ligne de l'Elbe face à des Occidentaux à l'agressivité difficilement évaluable a assuré l'abandon de tels fantasmes, même si la victoire contre les Polonais et la prise de contrôle des pays baltes étaient considérées comme crédibles (d'ailleurs, seule l'intervention diplomatique des Occidentaux oblige les Allemands à interrompre leur contre-offensive en Posnanie mi-février 1919, alors que le succès se dessinait, tandis que dans les pays baltes, von der Goltz jouait en solo, et malgré l'absence d'appui de Berlin, la partition balte de ce plan, entre janvier et août 1919 - il a échoué mais a donné naissance à l'"épopée" des Baltikumer, dernier avatar du "Drang nach Osten" et exutoire - trop ? - vite refermé de la rage des aventuriers "réprouvés" qui refusaient la défaite de 1918 - ils se rappelleront au souvenir de ceux qu'ils accusent les avoir abandonnés en mars 1920...).
Amitiés,
CNE503
_________________ "Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"
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