Tiré d'un ouvrage de Sanders: "Le travail sur la frontière entre les humains et les animaux dans l'Allemagne nazie."
http://www.persee.fr/renderPage/polix_0295-2319_2003_num_16_64_1308/0/710/polix_0295-2319_2003_num_16_64_T1_0017_0000.jpgArnold Arluke Clinton R. Sanders*:
" Retourner à la nature animale parmi les humains,
communier avec la nature, et élever la vie animale au niveau d'un culte, tout ceci était vu selon Glaser comme une alternative à la modernité, à la technologie, à l'urbanisation. Accepter cette façon de voir, pensait-on, allait conduire aux changements spirituels et idéologiques nécessaires pour l'émergence d'une nouvelle identité nationale dans la vie culturelle allemande34.
De nombreux leaders nazis réclamèrent ainsi un
retour à une mentalité tribale pré-chrétienne de chasseurs barbares qui adoraient la nature et témoignaient du respect pour les animaux. Dans cette perspective, les barbares, et c'est par exemple ce que soutenait Hermann Gôring, étaient beaucoup plus proches du cerf, de l'élan et du sanglier que du financier ou de l'enseignant. Gôring pouvait proclamer : « Oui nous sommes des barbares, et nous pensons avec notre sang35. »
Rejetant la culture intellectuelle moderne, les nouveaux Allemands devaient selon l'idéologie nationale-socialiste désavouer, comme pleines de fausseté, les conduites humanitaires envers nos compagnons humains. Le principe du mépris pour certains êtres humains était à la base de ce système totalitaire. Heinrich Himmler, par exemple, réclamait de renoncer à la « mollesse36 ». La « fausse » camaraderie et la compassion étaient décriées. Plutôt que d'encourager cette dernière, Hitler incitait les nouveaux Allemands à rivaliser avec certaines conduites animales, telle que l'obéissance et la fidélité de certains animaux de compagnie, ou la force, l'absence de peur, l'agressivité, et même la cruauté supposées présentes parmi les rapaces -qualités qui étaient hautement prisées au sein du mouvement37. ......
Le statut moral des animaux devait être rénové dans l'empire allemand : à ces êtres sensibles on allait témoigner de l'amour et du respect, en tant qu'élément sacré et essentiel des relations de l'homme avec la nature. Par exemple, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, les éditeurs d'un livre sur la protection légale des animaux proclamaient : « Les animaux ne sont pas, comme avant [la période nazie], des objets de propriété personnelle ou des créatures non protégées, avec lesquels un homme peut faire ce qu'il lui plaît, mais les pièces d'une nature vivante qui exige respect et compassion. » Jetant un œil vers le futur, ces éditeurs citaient les mots de Gôring selon lesquels « pour la protection des animaux, l'éducation de l'humanité est plus importante que les lois45. »
La société ne devait pas outrager les animaux, ou les tuer, que ce soit pour le plaisir de la chasse ou pour se nourrir. Dans l'avenir les animaux ne souffriraient pas sans nécessité. La chasse devenait le symbole d'une civilisation dépassée ; manger de la viande un signe de déclin ; et
le végétarisme l'emblème d'une nouvelle et pure civilisation qui serait le futur."