Nous sommes actuellement le 26 Avr 2024 21:13

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 57 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 12 Août 2014 8:52 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Des essais sont effectivement menés en Grande-Bretagne entre 1927 et 1929 par l'Experimental Mechanized Force (puis Experimental Armoured Force), mais ils sont limités tant en envergure que dans les réformes structurelles qu'ils induisent - et surtout abandonnés au bout de deux ans. Il est douteux que les Britanniques aient été très en avance en terme de mécanisation à la fin des années 1920, ne serait-ce que parce qu'ils ne mettent sur pied qu'une unité de taille limitée - une "brigade" composée de trois compagnies de reconnaissance sur tankettes ou automitrailleuses, un bataillon de chars, un bataillon de mitrailleurs portés, un régiment d'artillerie motorisée à trois batteries tractées et une autopropulsée plus une batterie portée autonome et enfin une compagnie du génie portée - et qu'elle n'est pas permanente ou organiquement constituée. On peut d'ailleurs voir que la volonté interarmes demeure limitée, et que certaines armes ou services sont absents (infanterie, transmissions, soutiens), ce qui en diminue largement la portée (rien à voir avec un corps mécanisé soviétique de 1932 ou une division blindée interarmes allemande de 1934 ou 1935).
Il est toutefois très possible que ces essais britanniques aient pu servir d'exemple ou d'inspiration*, mais les Soviétiques puis les Allemands sont allés tellement plus loin que ce balbutiement qu'il serait périlleux d'établir ici une influence déterminante.

Les théoriciens "officiels" britanniques sont évidemment le colonel J.F.C. Fuller, ancien chef d'état-major du Tank Corps, le capitaine Basil Liddell Hart et le colonel G.L. Martel, qui chacun incarne dans la seconde moitié des années 1920 un aspect, une tendance (Fuller avec la mécanisation intégrale reposant sur une force de chars autonome, Liddell Hart insiste plus sur la nécessaire coopération interarmes, et Martel sur l'atomisation des chars au sein de structures préexistantes - pour faire très simple et schématique).

Il faut se méfier de ce que raconte Liddell Hart. Si c'est un stratégiste reconnu, sa contribution à l'histoire militaire est suspecte puisqu'on sait qu'il a essayé d'accroître ses mérites personnels dans la question de la mécanisation des armées. Il est d'ailleurs étonnant qu'un simple capitaine sans aucune expérience pratique des chars pendant la Grande Guerre - il a servi au sein du King's Own Yorkshire Light Infantry puis à des fonctions d'instruction après avoir été grièvement blessé - ait eu un rôle aussi majeur que celui qu'il s'attribue dans une armée aussi hiérarchisée que la britannique. Il est aujourd'hui très critiqué, voire décrédibilisé, dans cet aspect de ses écrits, surtout que les auteurs britanniques sont toujours suspects d'un chauvinisme de bon aloi.

Le renouvellement de la pensée soviétique évoquée - centrée sur les opérations en profondeur - est de toute manière déconnecté théoriquement de la question de la mécanisation. Il faut y voir une formalisation théorique des opérations de la guerre civile de 1918-1921, où des armées de taille réduite, en position centrale, ont réussi à vaincre successivement des forces numériquement supérieures menant des actions concentriques en opérant dans la grande profondeur du dispositif via des unités très mobiles - au premier chef des unités de cavalerie.
L'allemande, a contrario, repose sur la mécanisation d'unités interarmes autosuffisantes, et l'on retrouve à la fois un aspect novateur - le rôle des chars et plus largement du cheval-vapeur - et une continuité purement germanique - la coopération interarmes et la subsidiarité des échelons qui en est la conséquence, suite aux retours d'expérience des troupes de choc de 1917-1918.

* Les Soviétiques mettent ainsi sur pied une brigade de chars expérimentale en 1929, et leur première brigade blindée organiquement constituée est créée en 1930. Elle comprend 110 "chars" T18.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 12 Août 2014 18:38 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Bernard haulotte a écrit :
Donc en URSS, les officiers allemands s’imprègnent des idées des Russes au sujet des formations blindées.


Kazan est un centre opérationnel à compter de 1926, si ma mémoire ne me joue pas de tour. Les Allemands y envoient des "stagiaires" jusqu'en 1933. Il est très vraisemblable que les idées soviétiques y aient été étudiées.
Et Rapallo a également initié des échanges moins formels, des discussions ou des débats plus ouverts, par le simple fait de se fréquenter mutuellement. Et cela jusqu'aux plus hauts niveaux des hiérarchies allemande et soviétique.

Bernard haulotte a écrit :
Schématiquement, j’ai l’impression qu’ils y voient le moyen de parfaire leur sacro-sainte maneuvre d’enveloppement


Schématiquement, je suis d'accord avec vous. Même si ce n'est pas "leur sacro-sainte" manoeuvre. Disons qu'ils ont intériorisé absolument les enseignements de Clausewitz, et que la manoeuvre d'encerclement est celle qui apparaît offrir les résultats les plus décisifs et les plus rapides - et ce ne sont pas les exemples de Metz et de Sedan, ou encore de Tannenberg, qui vont les détromper dans les années 1920. Ni même celui de la Marne, qui est la preuve qu'un encerclement est la garantie du succès - encore faut-il le réussir.

Bernard haulotte a écrit :
tandis que les Russes développent la percée du front adverse, suivie du mouvement rapide dans la profondeur qui désarticule le dispositif ennemi.


Les Soviétiques analysent et commentent leurs propres expériences de 1918 à 1921. Dans les campagnes de la guerre civile, la mobilité stratégique et la capacité à agir dans la profondeur du dispositif ennemi ont été décisives.

Pour les deux armées, l'héritage particulier lié à leurs expériences nationales spécifiques justifie cela.

Bernard haulotte a écrit :
Sait-on au moment de Kazan, si chez les Russes le concept de percée dans la profondeur par une formation blindée était déjà abouti?


Les fondements de ce concept sont exposés dans Stratégie, de Svetchine, publié en 1926, et surtout les deux ouvrages de Triandafilov, L'échelle des opérations des armées modernes et Les caractéristiques des opérations des armées modernes, publiés respectivement en 1926 et 1929. Il est donc vraisemblable que ces lectures aient été connues des Allemands, si ce n'est même commentées par eux.

Bernard haulotte a écrit :
S’ils l’avaient communiqué aux Allemands ? Ceux-ci se sont-ils livrés à des séances de « brainstorming » pour comparer les mérites respectifs des deux méthodes ? Ou s’il n’ont simplement pas pensé/osé remettre en cause le dogme de l’enveloppement ?


En revanche, ce n'est pas parce qu'un concept est diffusé formellement qu'il est aussitôt adopté. Il est donc possible que les Allemands n'y aient guère prêté d'attention, à plus forte raison parce qu'ils n'avaient pas de raison de remettre en cause le "dogme" (sic) de l'enveloppement.
De plus, les deux concepts ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, il me semble.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 12:25 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 16 Nov 2006 12:55
Message(s) : 80
CNE_EMB Merci pour votre réponse argumentée et très intéressante.
Je ne savais pas que les penseurs russes s’étaient inspirés des opérations de 1918-1921. Mais c’est logique : nous sommes le fruit de nos expériences passées.
Pour ce qui me concerne, après disons trois décennies de lecture où des auteurs renommés ont célébré la maîtrise allemande de la tactique et de la stratégie (et où le niveau opératif était absent), le balancier penche probablement trop fort de l’autre côté après mes lectures (pas seulement des livres mais aussi sur plusieurs sites internet) de ces dernières années sur les offensives géantes de l’Armée rouge et autre Bagration. ;)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 12:55 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Je crois à des échanges d'information et à un murissement réciproque du concept d'emploi des chars à partir de l'expérience britannique qui est la mère en la matière.
" La doctrine de J.F.C. Fuller (major-général britannique de la Première Guerre mondiale) servit de base au travail de tous les chefs de divisions blindées : Hobart en Grande-Bretagne, Guderian en Allemagne, Chaffee aux États-Unis, De Gaulle en France, et Toukhatchevski en Union soviétique. Ironiquement, ce sont les Allemands qui suivirent le plus la théorie de Fuller en l'appliquant dans le cas de la Blitzkrieg. Fuller préconisait de contourner les zones de forte activité ennemie pour encercler l'adversaire et le détruire. L'armée rouge préféra quant à elle une approche avec des opérations en profondeur. Mikhaïl Toukhatchevski développa ces tactiques durant les années 1920. " (wiki)

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 13:13 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Je suis sceptique sur la qualité de wikipedia comme source autre que purement factuelle - et encore - et surtout sur un sujet aussi difficilement pénétrable que celui-ci.
Il manque un grand nom des chars à leur énumération, le général Estienne ; et mettre de Gaulle sur le même plan que Guderian me paraît très habituel, très "tarte-à-la-crème" mais aussi totalement déplacé (cf. le début de cette discussion que je résume ici pour faire simple : de Gaulle n'est absolument pas un théoricien des chars dans les écrits où on revendique pour lui ce statut : il parle de solutions pour remédier à la prochaine vulnérabilité militaire de la France, notamment par rapport au service militaire et au problème des "classes creuses", et ne donne absolument aucune analyse profonde ou concrète de la mécanisation ; c'est juste un principe général. A contrario, Guderian est un technicien qui parle pratiquement de concepts, d'articulation, de mise en cohérence des moyens, etc. C'est un peu comparer l'air et l'eau, en fait). Quant aux points communs entre Toukhatchevski, Hobart, Chaffee et Fuller, cela nécessiterait de longs développements parce qu'ils sont tout sauf évidents...

Les Britanniques furent des pionniers en 1916 et 1917, particulièrement par l'utilisation de leurs chars lors de la bataille de Cambrai. Par la suite, je relativise beaucoup leur influence, même s'il serait ridicule de leur en dénier aucune. En 1918, c'est la France qui a pris le relais avec l'emploi en masse de chars faciles à produire et à mettre en ligne.

S'il y a un bouillonnement intellectuel commun ou partagé dans les années 1920, le rameau se diversifie assez rapidement en s'appuyant sur des cultures nationales spécifiques - comme j'espère l'avoir démontré dans les messages précédents. Dire que Fuller (ou Liddell Hart, ou Martel) est tout particulièrement prégnant dans la rameau originel, pourquoi pas même si ça me semble excessif - ne serait-ce que parce que les Allemands ne s'intéressent véritablement et fondamentalement à la question qu'à compter de 1928, après qu'il ait divergé en plusieurs écoles (qui auront des postérités plus ou moins réussies). Mais c'est plus révélateur du dynamisme de l'école d'histoire militaire britannique depuis une trentaine d'années (voire plus) que de la réalité en ce qui me concerne.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 13:26 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Bernard haulotte a écrit :
CNE_EMB Merci pour votre réponse argumentée et très intéressante.


You're very welcome comme disent les Anglophones. C'est toujours un plaisir de parler de ces sujets même si je ne peux actuellement y consacrer que trop peu de temps. Dans quelques jours je pourrais sans doute faire mieux.

Bernard haulotte a écrit :
Je ne savais pas que les penseurs russes s’étaient inspirés des opérations de 1918-1921. Mais c’est logique : nous sommes le fruit de nos expériences passées.


Tout à fait et en l'occurrence, ils apprirent beaucoup. A l'inverse, nous avons nous autres Occidentaux complètement occulté ce pan de l'histoire militaire russo-soviétique. Allemands inclus. Cela leur aurait évité certaines désillusions à partir de 1941, peut-être (notamment en ce qui concerne la résilience et la forte capacité à la génération rapide de forces des Soviétiques).

Bernard haulotte a écrit :
Pour ce qui me concerne, après disons trois décennies de lecture où des auteurs renommés ont célébré la maîtrise allemande de la tactique et de la stratégie (et où le niveau opératif était absent)


Cette "célébration" n'est pas imméritée, quand on analyse les résultats des campagnes allemandes de 1939 à 1941. La révolution intellectuelle militaire allemande des années 1930 est une réalité qui seule peut expliquer comment un pays vaincu et virtuellement désarmé en 1919 peut s'imposer à l'Europe entière quasiment coalisée vingt ans après.
Il faudrait compléter ces analyses par une étude attentive du processus allemand de génération de forces spontanée initié en 1932-1935 - avec notamment un volet sociétal qui explique énormément cette capacité à recréer ex nihilo un instrument militaire performant.

Bernard haulotte a écrit :
le balancier penche probablement trop fort de l’autre côté après mes lectures (pas seulement des livres mais aussi sur plusieurs sites internet) de ces dernières années sur les offensives géantes de l’Armée rouge et autre Bagration. ;)


J'ai beaucoup lu sur l'Armée rouge également. Je trouve que les généraux soviétiques sont très "bruts", simples, directs et sans finesse - même si c'est une qualité compte tenu des spécificités de l'instrument militaire qu'ils utilisent - dans leurs méthodes, et que d'innombrables erreurs stratégiques commises jusqu'à la fin du conflit ont été gommées par l'incroyable déséquilibre des forces qui s'établit sur le front oriental à partir de l'été 1943. En caricaturant (mais seulement légèrement), n'importe quelle armée dotée d'un tel potentiel humain et matériel aurait obtenu des résultats similaires, même s'il faut reconnaître aux Soviétiques des qualités foncières supérieures en termes de rationalisation (accumulation de moyens), de logistique (concentration des forces) et de détermination. Ainsi qu'en matière de résilience.

Ce qui est particulier à l'armée allemande du début de la guerre, c'est qu'elle obtient ses succès en dépit d'une absence de supériorité humaine ou matérielle avérée. Et d'ailleurs que dans une situation de déséquilibre très prononcé en sa défaveur en 1941, elle réussit à obtenir des victoires jusqu'alors inégalées.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 14:09 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
CNE_EMB a écrit :
Je suis sceptique sur la qualité de wikipedia comme source autre que purement factuelle - et encore - et surtout sur un sujet aussi difficilement pénétrable que celui-ci.
Pour wiki tout dépend de qui a rédigé l'essentiel de l'article. C'est parfois un spécialiste ou un connaisseur du sujet, parfois un généraliste qui fait de l'à peu près.
Bien sur que de Gaulle n'est pas un spécialiste des chars et que c'est Etienne qui théorise leur emploi, mais son ouvrage recommandant l'usage concentré des chars a été très lu par les spécialistes, par Gudérian d'abord qui en fait état, mais aussi par Toukhatchevski en URSS et là je recite wiki, désolé, qui n'a pas pu inventer le texte suivant:

" Dans les années 1920, Toukhatchevski a voulu transformer les unités irrégulières de l'Armée rouge en des troupes entraînées et disciplinées. Il poussait au remplacement de la cavalerie par les blindés, idée qui n'a commencé à être mise en pratique que dans les années 1930, quand Staline prit la décision d'industrialiser l'armée.
Dans ce but, il fait traduire en russe le livre du colonel de Gaulle, Vers l'armée de métier, dans lequel le futur chef de la France libre expose la stratégie des divisions blindées ; puis, dans un article de la Pravda, il expose les idées du stratège français.
Il théorise le concept soviétique « d'opérations en profondeur », dans lesquelles des armées combinées sont utilisées pour détruire les arrières de l'ennemi et sa logistique. La doctrine est codifiée dans le livre d'instructions de l'Armée rouge de 1936 puis mise en pratique pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais il s'agit d'une conception théorique 100 % offensive qui sera approfondie par sa mise en pratique au cours du conflit. "

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 14:22 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 16 Déc 2006 15:45
Message(s) : 490
Wikipedia anglais ne mentionne pas ce fait.
Comme quoi tout dépend de la nationalité du spécialiste/connaisseur qui rédige le texte :mrgreen:


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 15:28 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Dans la revue historique des armées nr 267 de 2012:
" De Gaulle, comme Toukhatchevski, étudie très attentivement les ouvrages des militaires contemporains, avançant des idées sur le perfectionnement du matériel militaire. Parmi eux, les œuvres du Français Estienne, des Britanniques Fuller et Liddell Hart, des Allemands von Seeckt et Guderian, et de l’Italien Douhet. Le lieutenant-colonel de Gaulle est persuadé que pour pouvoir résister à ses adversaires, la France doit se doter d’urgence d’une « armée de manœuvre et de choc, mécanique, cuirassée, formée d’un personnel d’élite, qui s’ajouterait aux grandes unités fournies par la mobilisation » 29. Il en a d’ailleurs exposé le plan dans son livre, Vers l’armée de métier, publié à Paris en 1934. Si les idées de De Gaulle ne sont pas reconnues en France, elles éveillent vite l’intérêt des Allemands et des Soviétiques. À Moscou, l’ouvrage de De Gaulle a attiré l’attention du ministre-adjoint de la Défense, Toukhatchevski. Il a lu avec attention Vers l’armée de métier et s’est sans doute souvenu de son auteur.

Le 18 février 1935, dans le journal Pravda, le ministre-adjoint publie un article détaillé sous le titre « Les questions de l’organisation des armées ». Il énumère là, selon sa propre expression, « les écoles de construction militaire » des étrangers contemporains – Douhet, Fuller, von Seeckt et de Gaulle. À propos de ce dernier, Toukhatchevski note : « La nouvelle école française de De Gaulle propose une petite armée de métier, qui n’est pas aussi mécanisée que chez Fuller. Cette armée regroupe les troupes mécanisées de l’infanterie et de l’artillerie. » Le ministre-adjoint poursuit : « De Gaulle estime que toute l’armée doit se déplacer à chenilles... il affirme que cette force de choc aura une puissance de feu triplée, une rapidité décuplée et une capacité protectrice infiniment plus grande qu’avaient toutes les troupes de la France en août 1914. » 30 Le ministre-adjoint fait traduire l’ouvrage de De Gaulle en russe et le fait publier par la maison d’édition militaire d’État en 1935 sous le titre, L’armée de métier. Il est tiré à 8 000 exemplaires et est préfacé par l’historien militaire soviétique Michail Galaktionov.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 15:31 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Toukhatchevski ne théorise en rien le concept d'opérations en profondeur. Comme je l'ai mentionné, ce sont Svetchine et surtout Triandafilov qui le font. Toukhatchevski est bien sûr associé, mais pas en tant que théoricien, en tant qu'organisateur de l'Armée rouge et en tant que praticien.

Quant à de Gaulle, merci de citer dans quel ouvrage et à quelle page il "expose la stratégie des divisions blindées"* - ce serait extrêmement intéressant à savoir puisque je ne l'ai jamais lu dans ses écrits (mais j'avoue que ça a pu m'échapper).

* Sachant qu'en France, jusqu'en 1943, on privilégie le terme de cuirassé sur celui de blindé ; et surtout, les termes employés sont tellement flous qu'ils ne peuvent être qu'erronés (qu'est-ce que la "stratégie des divisions blindées" ? De Gaulle est-il un stratège ? Ca montre un allègre mélange des concepts et une méconnaissance des échelons stratégique et tactique - le niveau divisionnaire étant tactique et de Gaulle étant beaucoup de choses mais certes pas un stratège ! - qui sont pourtant le b-a-ba dans le domaine !).

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 15:37 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Alain.g a écrit :
Dans la revue historique des armées nr 267 de 2012:
" De Gaulle, comme Toukhatchevski, étudie très attentivement les ouvrages des militaires contemporains, avançant des idées sur le perfectionnement du matériel militaire. Parmi eux, les œuvres du Français Estienne, des Britanniques Fuller et Liddell Hart, des Allemands von Seeckt et Guderian, et de l’Italien Douhet. Le lieutenant-colonel de Gaulle est persuadé que pour pouvoir résister à ses adversaires, la France doit se doter d’urgence d’une « armée de manœuvre et de choc, mécanique, cuirassée, formée d’un personnel d’élite, qui s’ajouterait aux grandes unités fournies par la mobilisation » 29. Il en a d’ailleurs exposé le plan dans son livre, Vers l’armée de métier, publié à Paris en 1934. Si les idées de De Gaulle ne sont pas reconnues en France, elles éveillent vite l’intérêt des Allemands et des Soviétiques. À Moscou, l’ouvrage de De Gaulle a attiré l’attention du ministre-adjoint de la Défense, Toukhatchevski. Il a lu avec attention Vers l’armée de métier et s’est sans doute souvenu de son auteur.

Le 18 février 1935, dans le journal Pravda, le ministre-adjoint publie un article détaillé sous le titre « Les questions de l’organisation des armées ». Il énumère là, selon sa propre expression, « les écoles de construction militaire » des étrangers contemporains – Douhet, Fuller, von Seeckt et de Gaulle. À propos de ce dernier, Toukhatchevski note : « La nouvelle école française de De Gaulle propose une petite armée de métier, qui n’est pas aussi mécanisée que chez Fuller. Cette armée regroupe les troupes mécanisées de l’infanterie et de l’artillerie. » Le ministre-adjoint poursuit : « De Gaulle estime que toute l’armée doit se déplacer à chenilles... il affirme que cette force de choc aura une puissance de feu triplée, une rapidité décuplée et une capacité protectrice infiniment plus grande qu’avaient toutes les troupes de la France en août 1914. » 30 Le ministre-adjoint fait traduire l’ouvrage de De Gaulle en russe et le fait publier par la maison d’édition militaire d’État en 1935 sous le titre, L’armée de métier. Il est tiré à 8 000 exemplaires et est préfacé par l’historien militaire soviétique Michail Galaktionov.


Merci de confirmer pleinement ce que j'écris : de Gaulle ne fait pas oeuvre de révolutionnaire de la guerre mécanique : il parle de l'organisation de l'armée française, essayant de proposer une voie nouvelle pour remédier à l'infériorité démographique française et au problème des "classes creuses" en créant une force de frappe qui permettrait de conserver l'initiative. Il évoque dans de très grandes lignes son projet dont la mécanisation partielle n'est qu'un aspect (loin derrière celui du petit corps professionnel qui d'ailleurs le fait capoter), sans le détailler et c'est normal puisqu'il en est incapable, n'étant pas du tout un théoricien de la guerre mécanique ! Comparez à ce qu'écrit Guderian qui est extrêmement précis et concret, vous verrez quand même la différence* (même s'il n'est pire aveugle... M'enfin).

Arrêtons de vouloir faire de de Gaulle ce qu'il n'était pas, il n'a pas besoin de ça !

* Mais c'est sûr, cela signifie ne pas se contenter de wikipedia, et lire tant de Gaulle que Guderian. L'avez-vous fait ?

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 15:45 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
De Gaulle n'est évidemment pas un théoricien des chars ni un stratège, mais savoir qu'il a été traduit en russe, publié et lu, avec préface d'un historien militaire soviétique et présenté dans la Pravda pour son ouvrage, n'est pas anodin.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 16:07 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Alain.g a écrit :
De Gaulle n'est évidemment pas un théoricien des chars ni un stratège, mais savoir qu'il a été traduit en russe, publié et lu, avec préface d'un historien militaire soviétique et présenté dans la Pravda pour son ouvrage, n'est pas anodin.

S'il ne l'est évidemment pas, pourquoi votre source le dit en ce cas ? Pour l'impact extérieur de de gaulle je ne le nie pas mais le relativise fortement. Ainsi, ses écrits ayant une audience qui n'est pas dérisoire en France au sujet de l'organisation de l'armée, il est compréhensible qu''il ait été lu et commenté dans certains cercles spécialisés au sujet de ses idées novatrices en terme d'organisation de l'armée - incluant un aspect secondaire qui est celui de la mécanisation d'un petit corps de professionnels. Cela n'en fait pas un prophète ou je ne sais quoi, ou alors merci de m'indiquer ce qui pourrait lui valoir un tel statut...

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 17:03 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Mais personne ne le dit. De Gaulle est entré dans l'histoire pour d'autres raisons. Pour les chars, il n'y a pas que les théoriciens et stratèges des chars qui ont amené une révolution quant à l' emploi de cette arme, mais des responsables militaires et civils. De Gaule a joué un rôle à cet égard. Il a été nommé S/Secrétaire d'Etat à la guerre pour cette raison.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 14 Août 2014 17:11 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Alain.g a écrit :
De Gaule a joué un rôle à cet égard. Il a été nommé S/Secrétaire d'Etat à la guerre pour cette raison.

Un rôle nettement surévalué. Et je n'ai pas vraiment la même analyse des raisons qui ont amené à sa nomination à ce poste, y voyant bien plus son aura victorieuse si limitée soit-elle ainsi que ses liens étroits avec le nouveau président du conseil plus que toute autre considération.

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 57 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1, 2, 3, 4  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 33 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB