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Message Publié : 11 Oct 2010 14:44 
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C'est la thèse que soutient Zeev Sternhell dans son livre "La Droite révolutionnaire 1885/1914", un de ses meilleurs selon moi.
Les thèses de ZS sont toujours intellectuellement stimulantes mais elles peuvent appeler certaines réserves. C'est le cas ici, cette assertion me laisse un peu perplexe.
Je commence par résumer ce que dit Sternhell:
il note tout d'abord que la France aurait été, plus que l'Allemagne et l'Italie, et avant elles (dès le boulangisme à peu près) le véritable laboratoire européen des idées fascistes. Il y relève un foisonnement de livres , de journaux, de partis et de mouvements politiques et syndicaux par lesquels s'élabore absolument toute la thématique fasciste dès la fin du XIXe siècle. Ces mouvements ne sont pas moins virulents que leurs homologues étrangers quelques décennies plus tard; on pourrait croire l'antisémitisme français par exemple, moins homicide que l'antisémitisme allemand, mais ZS cite extraits sur extraits d'articles ou de livres français développant des vues antisémites sur un ton extrémement violent et qui ne parlent que d'écrasement et d'extermination.
Et pourtant, comme il le rappelle, vagues après vagues de cette droite révolutionnaire et populaire finiront par s'enliser dans le marais de la politique politicienne et du parlementarisme français, les quelques mouvements fascistes nationaux échoueront à rallier les masses au delà d'un seuil quantitatif décisif, ou perdront peu à peu leur mordant comme l'Action française, et la droite politique restera largement l'affaire de la droite bourgeoise classique dans ce pays.
Si la droite fasciste a triomphé en Allemagne, ce serait d'après ZS parce que la droite classique allemande n'était pas capable de gérer les crises économiques et l'agitation marxiste dans ce pays et qu'elle a du laisser la droite socialiste/révolutionnaire faire le travail.
Et il ajoute à propos de la droite classique française: "jamais le fascisme ne parviendra à ébranler les robustes assises d'une société où la droite traditionnelle est suffisamment puissante pour sauvegarder elle-même ses intérêts... Jamais la droite libérale ne permet aux révoltés (NDLR de la droite révolutionnaire) de la déborder, jamais elle ne se trouve acculée à cette extrémité que représente la nécessité de s'en remettre aux fascistes."
Et:
" Dans toute l'Europe, on constate le même phénomène: le fascisme obtient ses succès les plus éclatants là où la droite est trop faible pour préserver elle-même ses positions. C'est pourquoi en période de crise aigue, elle s'en remet au mouvement révolutionnaire, seul capable--pense t'elle--de barrer la route au communisme. Tout en ne lui accordant d'ailleurs qu'une confiance médiocre. En revanche, là où elle se sent bien armée, là où comme en France ses positions sont suffisamment confortables et ses assises sociales robustes, la droite traditionnelle fait tout pour que l'aventure fasciste ne prenne pas des proportions démesurées".
Laissons de côté les points de la longue tradition démocratique en France comme obstacle au fascisme et du manque de ces traditions en Allemagne qui ont déjà été traités dans ce fil:
viewtopic.php?f=48&t=4966&hilit=fascisme+en+France

Le sujet ici est autre: c'est spécifiquement la thèse paradoxale de ZS, celle d'une droite classique forte qui a protégé la France contre le fascisme, et d'une droite classique faible qui lui a ouvert la porte en Allemagne.
Or pratiquement tout ce que j'ai lu jusqu'ici sur la droite classique allemande avant les nazis allait au contraire dans le sens: c'est l'existence d'une droite classique très forte, très structurée et très agissante en Allemagne qui permis l'arrivée au pouvoir du nazisme, et ce à plusieurs titres: en lui préparant le terrain en diffusant largement les principaux thèmes idéologiques qu'il a repris et dont il a opéré la synthèse plus tard, en concluant des alliances politiques avec lui, etc.
En fait, le dernier mot qui vient à l'idée en évoquant la droite classique allemande d'inspiration junker, militaire et impériale est "faible".
Que cette droite junker/militaire/impériale ait perdu de son prestige suite à la défaite de la PGM, certes. Qu'elle ait été plus archaique que la droite classique française, sans doute. Mais c'est le mot faible qu'utilise Sternhell , pas le mot "archaique" ou "moins prestigieuse".
Qu'en pensez-vous?


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Message Publié : 12 Oct 2010 6:49 
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Plutarque
Plutarque

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Je crois que ce que vous reprenez est juste le constat que ce qui est le plus opposé au fascisme est la droite libérale.

C'est ce qui dit Hayek dans la Route de la Servitude en 1944.

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L'Etat n'est pas la solution, c'est le problème.


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Message Publié : 12 Oct 2010 7:04 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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En effet, lorsqu'on lit "La république de Weimar" d'Horst Möller, on n'a pas l'impression que la faiblesse soit forcément à rechercher du côté de la droite classique. Les partis de Weimar finissent par considérer celle-ci comme le dernier rempart de la république (à tout prendre et avec tout le paradoxe que cela représente) contre les extrêmes - mais surtout contre Hitler - mais elle, ne considère pas le nazisme comme le DERNIER rempart contre le communisme. Comme une arme commode, oui. Une arme dont ils sous-estiment la capacité à voler de ses propres ailes, bien évidemment. Mais la seule, la dernière ? Cela me paraît discutable. Le prestige de l'armée demeure immense, les forces conservatrices ont le vent en poupe, je ne les vois pas non plus en situation de faiblesse.
C'est après avoir ouvert les vannes au nazisme qu'elles ont été débordées. En 1932, elles auraient pu "faire le ménage" à leur profit sans lui.

En fait, sur la base de ce seul exposé, je ne comprends pas trop pourquoi se concentrer sur la faiblesse de la seule droite classique. En France, ce n'est pas la droite conservatrice qui mène seule le bal politique avant 1914. En Allemagne, les extrêmes sont contenus tant que les partis de Weimar maintiennent une situation économique favorable, ayant jugulé la crise de 1923. Je ne vois pas ce qui justifie, dans la citation donnée, d'écrire "la droite traditionnelle" au lieu de "la classe politique traditionnelle", tout simplement.


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Message Publié : 13 Oct 2010 13:28 
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D'accord avec ces arguments Cuchlainn, on peut considérer que c'est un facteur: les partis politiques traditionnels solidement installés qui en France, ont occupé l'espace politique, ne laissant guère de place au développement de mouvements fascistes .
Ce que je trouve étrange, c'est le raisonnement "pile tu perds, face je gagne'' qui est développé sur le rôle de la droite allemande par rapport au fascisme: beaucoup d'historiens ont dit qu'une droite classique forte, prestigieuse et agissante dans ce pays a fait le lit du fascisme en habituant largement les masses à ses grands thèmes, en attirant des militants modérés qui plus tard se radicalisent, en minant constamment la république et le système parlementaire etc.
Selon ZN, la droite traditionnelle allemande joue typiquement les apprentis sorciers avec le fascisme, c'est elle qui lui prépare le terrain, elle qui ouvre de fait les portes du pouvoir à Hitler, parce qu'elle se croit capable de l'instrumentaliser à ses propres fins. C'est elle qui fait sortir le génie de la bouteille; mais elle perd le contrôle des opérations, le génie s'échappe de la bouteille, et elle se laisse déborder.
Et si elle a fait appel à la droite révolutionnaire et s'est laissé déborder, c'est parce qu'elle était trop faible.
Ca pourrait être plutôt parce que fascisme français n'a jamais été qu'un tout petit génie comparé au NSDAP, et que la droite classique de ce pays n'a (à ma connaissance), jamais vraiment essayé de l'instrumentaliser, parce qu'il n'a jamais été assez important pour qu'il en vaille la peine: le parti de Doriot n'a jamais eu une vraie représentation parlementaire significative, le NSDAP si.
Ce n'est pas tant la faiblesse (peu convaincante de toute façon) de la droite allemande qu'il faut incrimer, mais plutôt la force du fascisme allemand, rapidement plus fort politiquement que le fascisme français dans les années 30. Pourquoi cette importance rapide prise par le fascisme en Allemagne? Ce n'est pas parce qu'il s'est développé ainsi rapidement que cela indique forcément que la droite allemande traditionnelle était faible.
Peut être le système électoral allemand favorisait-il l'émergence parlementaire des petits partis, contrairement au système électoral français?
Sans doute y a t'il eu un choix des électeurs vers une droite radicalisée suite à de plus grands traumas subis par l'Allemagne, genre défaite de la PGM, occupation française, hyperinflation, prises de pouvoir par des groupes marxistes? La France n'a rien connu de tout ça.
Est-ce que l'incurie supposée et les crises à répétition de la République de Weimar ont porté un plus grand discrédit au système républicain parlementaire que l'instabilité ministérielle en France? Ou est ce que la droite traditionnelle allemande a attaqué plus durement et donc affaibli le système républicain plus que la droite française?
Est-ce que cela pourrait être la plus grande proximité idéologique, en clair la plus grande radicalité de la droite classique allemande par rapport au fascisme qui aurait davantage habitué les électeurs aux thèmes nazis, rendant ainsi le passage de l'un à l'autre insensible? Alors que la différence idéologique entre droite respectable et droite révolutionnaire restait bien tranchée en France?
Ou enfin, est-ce que la droite traditionnelle allemande, plus archaique que son homologue française, n'a pas su répondre de façon moderne aux attentes des électeurs, contrairement à ce qui s'est passé en France?
Aucune de ces explications ne me satisfait vraiment.


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Message Publié : 13 Oct 2010 14:20 
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Georges Duby
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On ne peut pas comparer la France et l' Allemagne entre les deux guerres. L'Allemagne cumule la défaite non acceptée, deux crises bien plus dévastatrices, une situation révolutionnaire jusqu'en 1923, un nombre d'ouvriers plus haut, une culture politique complètement opposée, une constitution inadaptée, un mode de srutin, la RP intégrale, qui pulvérise la représentation: 8 partis avec des voix et des élus formant un groupe.
Il me semble qu'on a oublié que sous Weimar, la droite c'est 6 partis: le Zentrum catholique, le BVP centre, bavarois chrétien, le DDP démocrate libéral, le DVP parti populiste, le DNVP parti national-allemand qui ralliera Hitler en 33 et le parti nazi, NSDAP.
Dès le départ, 4 partis sont opposés à la république de Weimar: KPD communiste, nazis, nationaux et les populistes qui se rallieront au régime en cours de route. En 1924, 42 % des voix sont hostiles à la constitution, ce qui est considérable et mortel.
La France dispose d'une république avec des majorités alternantes et peu d'opposition parlementaire au régime de la république.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 13 Oct 2010 14:48 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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Horst Möller relève un autre problème grave de la vie politique allemande : même les partis de Weimar ne sont pas de très bons soutiens au régime car ils ne savent pas être des partis de gouvernement. Ils n'ont aucune expérience, aucune culture de ce que cela implique, et leur électorat non plus; de surcroît, leur base politique est trop ciblée et donc trop étroite, ce qui leur donne peu de marge de manoeuvre. Ils constatent rapidement que c'est en étant dans l'opposition, en attaquant le gouvernement - étant entendu que quoi qu'il fasse, un gouvernement mécontente toujours pas mal de monde, surtout en situation de crise - qu'en le soutenant. Ils ne vont pas avoir le temps de développer cette culture, d'apprendre l'art de réaliser des compromis politiques et de les faire accepter à leurs électeurs, avant que ces carences ne contribuent à faire s'écrouler la république.
Un grand nombre, par périodes la majorité des Allemands, n'était pas républicaine et ne souhaitait pas un régime démocratique. Déjà à la base, la république devait relever le défi de pousser sur ce terrain peu favorable, mais en plus, même ses principaux acteurs, pour filer la métaphore, ne connaissaient rien au jardinage et ne se sont pas vraiment découvert la main verte. Tout l'édifice était excessivement fragile et aux mains de maçons très maladroits.


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Message Publié : 13 Oct 2010 16:40 
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Citer :
Tout l'édifice était excessivement fragile et aux mains de maçons très maladroits


Donc on retombe sur l'hypothèse "fragilité de la démocratie allemande " , création artificielle imposée par l'étranger dans la foulée de la défaite de la PGM.
Et donc en particulier--et c'est sans doute important--on trouve le fait que la droite classique allemande traditionnelle était moins acquise au fait républicain que la droite française, en fait pas du tout. Il me semble que cette droite allemande était essentiellement monarchiste; les monarchistes en France en 1920 représentent quelque chose à droite, mais ils sont loins d'être aussi nombreux et loins d'être toute la droite traditionnelle.
Finalement, en Allemagne, est-ce que ce n'était pas: "tous unis contre la République", en tout cas bien plus qu'en France?

Je rejoins alain, comme dit plus haut, sur le fait que les traumas successifs subis par l'Allemagne à partir de 1918 étaient d'une toute autre gravité que ce qui a pu se passer en France à la même époque. Ces coups d'Etat communistes dans divers coins d'Allemagne ont du créer une peur du communisme plus aigüe qu'en France, où il y a eu quelques grandes grèves, mais sans plus.
Ce qui a du radicaliser la droite allemande, Nolte n'est pas à rejeter complètement de ce point de vue, ce que fait pourtant (prévisiblement) ZS.

Est-ce que quelqu'un pourrait rappeler si le système électoral allemand de l'époque permettait l'émergence parlementaire de petits partis, contrairement à celui qui existe par exemple en France actuellement (et qui fait que l'extrême droite a une représentation parlementaire quasi-nulle malgré son pourcentage de voix à deux chiffres)?


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Message Publié : 13 Oct 2010 17:14 
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Citer :
création artificielle imposée par l'étranger dans la foulée de la défaite de la PGM.

C'est vrai qu'on peut le voir ainsi, ou bien en observant davantage la vie politique allemande se rendre compte que cette lente remise en cause du système monarchique allemand n'est pas si étranger que cela. En témoigne le résultats des élections d'avant le conflit, où la SPD ne cesse de renforcer ses positions. Il en va de même pendant le conflit, où la coalition de Weimar se forme déjà lors de certains votes. Le cabinet de Max de Bade n'en est qu'une traduction ultime et trop tardive.

Citer :
Est-ce que quelqu'un pourrait rappeler si le système électoral allemand de l'époque permettait l'émergence parlementaire de petits partis

Bien entendu, la NSDAP avec 3% des voix en 1924 obtient 14 sièges au Reichstag.
Au passage, je reste toujours autant dubitatif sur les 42% d'opposition au régime de Weimar en 1924 (quelle élection d'ailleurs ?).

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Message Publié : 13 Oct 2010 18:19 
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Merci, duc, cette question de la présence parlementaire possible pour les petits partis est importante. Un petit parti que le système électoral empêche d'acquérir une base parlementaire, avec tous les avantages que cela apporte (visibilité, collecte des fonds de campagne et indemnités diverses etc) végète le plus souvent, et ne peut jouer un vrai rôle politique.

Ce lien (travail basé sur des sources historiques) donne des hypothèses intéressantes sur la question de la droite traditionnelle allemande et ce qui l'a coulée face à Hitler:

http://www.revuelemanuscrit.com/index.p ... -allemande

Contrairement à ce qu'avance ZS, les conservateurs allemands n'y apparaissent pas comme faibles, tout au plus divisés dans un Parlement où les coalitions étaient très instables, et où l'acquisition d'une majorité était difficile (ce qui a "justifié" les système du gouvernement par décrets mis en oeuvre par Hindenburg/les chanceliers Brüning et von Papen); ce qui n'est pas la même chose.
De plus, on se demande si ce n'est pas au contraire leur excessive confiance en eux, inspirée par le sentiment de leur force politique, qui a poussé les dirigeants de la droite traditionnelle à faire appel à Hitler.


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Message Publié : 13 Oct 2010 18:49 
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Absolument Tonnerre, la droite allemande n'était pas faible et je reste persuadé que la mise en place des cabinets présidentiels de manière presque systématique en 1930 n'est qu'une réaction de cette même droite contre le danger des extrêmes. C'esr ce qu'on observe dans toute l'Europe à cette date contre la menace fasciste et communiste. Comme la Constitution de Weimar était tout de même très flexible, ce genre possibilité était prévue en cas d'absence de majorité au parlement. Auparavant - lorsque la KPD et la NSDAP étaient faibles -, on pouvait compter sur des votes bienveillants soit de la DNVP lorsque la SPD était en coalition de centre-gauche, soit par réciprocité lorsqu'un gouvernement de centre-droit minoritaire pouvait compter sur la neutralité bienveillante de la SPD et de la DNVP. C'est une des raisons pour lesquelles l'affirmation d'alain plus haut sur ces fameux 42% n'a aucun sens.
Juste un détail, le Zentrum n'est pas un parti de droite avant 1928, date à laquelle il se radicalise par le biais de Mgr Kaas. La DDP encore moins, ce sont des libéraux de gauche (un peu nos radicaux).
Le problème reste et demeure dans cette affaire qu'un Papen (représentant la droite traditionnelle) a joué avec un "idiot" à la manière de Thiers un peu plus tôt en France, en pensant que "l'idiot" était contrôlable... On connait la suite !

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Message Publié : 13 Oct 2010 19:29 
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Marc Bloch
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Dans cette intéressante histoire de la République de Weimar, il y a aussi l'influence d'un mouvement que l'on connait peu en France : die Konservative Revolution, la Révolution conservatrice ,à propos de laquelle Wikipedia (surtout dans sa version allemande) apporte beaucoup de précisions.

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Dernière édition par Faget le 13 Oct 2010 19:37, édité 1 fois.

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Message Publié : 13 Oct 2010 19:34 
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Georges Duby
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Il faut savoir aussi que le PC allemand, le KPD, post-spartakisme, suit les consignes de son internationale et a pour instruction de s'opposer fortement au régime. Or c'est un parti de masse avec 350.000 militants, de nombreux journaux, qui recueille entre 9 et 21 % des voix, 16,9 % en Nov. 1932, 100 sièges au Reichtag. Son aile gauche prêche l'insurrection.
Conjuguée avec l'agitation du parti nazi et l'hostilité des nationaux-allemands, cette masse d'opposants au régime le déstabilise.
Aux élections de novembre 1932 au Reichtag, les opposants actifs à la République, nazis, nationaux et communistes, totalisent 33,4 + 8,8 + 16,9 = 59 %

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Message Publié : 13 Oct 2010 19:43 
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Citer :
Juste un détail, le Zentrum n'est pas un parti de droite avant 1928, date à laquelle il se radicalise par le biais de Mgr Kaas. La DDP encore moins, ce sont des libéraux de gauche (un peu nos radicaux).
Le problème reste et demeure dans cette affaire qu'un Papen (représentant la droite traditionnelle) a joué avec un "idiot" à la manière de Thiers un peu plus tôt en France, en pensant que "l'idiot" était contrôlable... On connait la suite !


Merci pour cette précision sur le Zentrum.
Ce lien dit également que la droite allemande aurait été plus radicalisée, en particulier sous l'influence de Hügenberg, leader du DNVP, qui "refusait toute collaboration avec le gouvernement de Weimar". D'où transition idéologique plus facile des électeurs vers le nazisme?
Il note l'incapacité de la droite à s'unir sur le nom d'un candidat pour succéder à Hindenburg, qui a finalement préféré se succéder à lui même; d'où , aux élections présidentielles de 32, 3 candidats pour la droite, dont l'un que je ne connais pas, Düsterberg ( :?: ).
Il note enfin le caractère élusif des majorités parlementaires, les chanceliers qui prennent l'habitude de gouverner sans majorité, avec le système (tout à fait constitutionnel) du gouvernement par décrets. C'est cette chasse à la majorité qui incite Bruning à dissoudre le Parlement, obtenant ainsi un résultat opposé à celui qu'il espérait.
Ce mode de gouvernement par décrets exercé par des chanceliers sans majorité nommés par le président était sans doute constitutionnel, mais renvoyait plus à une réalité politique autoritaire que vraiment républicaine.
Il précise aussi que c'est von Papen qui a invité le diable dans la maison, que c'est lui qui a du "s'allier à des partis extrémistes, jusque là assez ostracisés". Etaient-ils si ostracisés?

Donc, c'est l'arrogance de la droite traditionnelle et son goût pour des magouilles gouvernementales et parlementaires compliquées qui lui ont explosé au visage, qui sont à mettre en cause, et non sa faiblesse.
C'est dommage que ZS pose cette thèse à la fin de son livre, sans du tout la justifier, ce serait intéressant de savoir sur quoi il s'appuie.


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Message Publié : 13 Oct 2010 20:37 
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Citer :
Ce lien dit également que la droite allemande aurait été plus radicalisée, en particulier sous l'influence de Hügenberg, leader du DNVP, qui "refusait toute collaboration avec le gouvernement de Weimar".

Effectivement, le fantasque et grandiloquant Hugenberg a cessé la politique constructive du comte Westarp, qui tolérait, voire soutenait à certaines occasions la coalition de Weimar.
Son OPA sur la DNVP a d'ailleurs provoqué une scission en son sein et son déclin progressif : les 8% de 1932 n'ont plus rien à voir avec les 20% de 1924. Par contre, ce magnat de la presse a donné un écho plus large au NSDAP dans la population en lui offrant le vecteur d'une propagande de plus en plus efficace.

Citer :
D'où transition idéologique plus facile des électeurs vers le nazisme?

Pas vraiment. Les conservateurs ne sombrent pas vers le NSDAP avant 1933. Les partis de Weimar qui ont coulé devant la progression de la NSDAP sont essentiellement chez les libéraux de gauche (DDP) et les libéraux de droite (DVP). Ce sont leurs électeurs qui se sont en premier lieu rués vers le parti nazi.

Citer :
Ce mode de gouvernement par décrets exercé par des chanceliers sans majorité nommés par le président était sans doute constitutionnel, mais renvoyait plus à une réalité politique autoritaire que vraiment républicaine.

Certes oui, mais c'est un raidissement classique des droites traditionnelles face à un danger extrême. On renforce les prérogatives de l'exécutif contre le représentant du législatif.
De plus, cela a été très progressif entre 1930 et 1932, même si certains cas ont pu être observé sous la présidence d'Ebert.

Citer :
Donc, c'est l'arrogance de la droite traditionnelle et son goût pour des magouilles gouvernementales et parlementaires compliquées qui lui ont explosé au visage, qui sont à mettre en cause, et non sa faiblesse.

En gros oui. :mrgreen:
C'est surtout sa stratégie peu cohérente de la gestion du phénomène nazi. Certains souhaitent l'ostraciser et l'ignorer complétement (comme les anciens cadres du DNVP qui se retrouvent derrière Schleicher et Brüning auparavant) en renforçant les pouvoirs présidentiels, d'autres le manipuler pour retrouver une majorité au Reichstag (comme Hugenberg ou Oskar Hindenburg), vous ajoutez à cela l'ambition d'un Papen et vous avez là l'explication d'une droite allemande tellement forte qu'elle en devient faible par orgueil et se fait balayer en un rien de temps faute d'unité et de clairvoyance !

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Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 13 Oct 2010 22:05 
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Citer :
C'est surtout sa stratégie peu cohérente de la gestion du phénomène nazi. Certains souhaitent l'ostraciser et l'ignorer complétement (comme les anciens cadres du DNVP qui se retrouvent derrière Schleicher et Brüning auparavant) en renforçant les pouvoirs présidentiels, d'autres le manipuler pour retrouver une majorité au Reichstag (comme Hugenberg ou Oskar Hindenburg), vous ajoutez à cela l'ambition d'un Papen et vous avez là l'explication d'une droite allemande tellement forte qu'elle en devient faible par orgueil et se fait balayer en un rien de temps faute d'unité et de clairvoyance !


Merci pour toutes ces précisions.
Une droite si arrogante et si sûre d'elle même qu'elle se croit capable de "déjeuner avec le diable" ou du moins avec les rustres nazis, c'était aussi mon analyse, faite sur une base un peu intuitive et pifométrique B) ; la votre est parfaite car étayée sur des faits précis.

En plus de la certitude de cette droite traditionnelle de pouvoir manipuler AH, il y avait aussi la notion, répandue pas seulement chez nombre de ses leaders mais aussi chez pas mal de politiciens européens, que Hitler allait se calmer, se normaliser en sortant de l'opposition et en accédant au pouvoir, qu'il allait devenir un politicien comme les autres une fois admis dans le sérail politique. Et qu'il fallait donc l'y admettre.
C'était aussi une illusion entretenue par l'élite anglaise qui favorisait une politique d'appeasement.
Je me pose aussi toujours la question--sans tout ramener à une théorie du complot--de l'importance qu'à pu jouer, au final et pour parachever cette comédie des erreurs qui a mené à la nomination d'AH, l'affaire du supposé chantage exercé par les nazis sur Hindenburg suite à des malversations de son fils Oskar.


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