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 Sujet du message : La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 14:07 
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Pierre de L'Estoile
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M'étant pris de passion pour l'entre-deux guerres, j'ouvre ce sujet sur la déflation Laval. Il s'agit d'un sujet qui a beaucoup d'écho dans notre situation actuelle, même si l'objectif n'est pas de démarrer une discussion sur cette dernière.

Je viens de trouver l'article d'un think tank assez libéral La déflation Laval qui donne d'intéressantes informations.

En voici un rapide résumé.

De quoi s'agit-il ? A partir de 1931, la France commence à ressentir les effets de la crise de 29. Elle en a été en partie protégée auparavant par la dévaluation de Poincaré en 1928 - dans laquelle le franc Germinal avait perdu 20% de sa valeur -, ainsi que par son économie plus rurale que l'Angleterre ou l'Allemagne, ce qui fait que le poids de l'industrie y est moindre. Toutefois, la crise la rattrape, son activité ralentit et le déficit public se creuse. Les exportations chutent de 15% du PIB à 6% entre 1929 et 1935.

Or, une nouvelle dévaluation est interdite par la doctrine du "Bloc-or", portée par la Banque de France et les milieux d'affaires, qui impose de respecter coûte que coûte la parité avec l'or. En toute logique, une dévaluation inciterait les capitaux étrangers à fuir sous peine de perdre leurs valeurs.

Le 16 juillet 1935, le nouveau gouvernement Laval entend donc restaurer la compétitivité française et juguler le déficit de l'Etat par une politique de réduction des dépenses drastiques. Par une suite de décrets-lois, les traitements des fonctionnaires sont diminués de 10%, une première dans l'Histoire de France, et - je crois - une dernière !
De même, les pensions des retraités et des anciens combattants sont diminués, ainsi que les revenus des rentes.
En contrepartie, pour compenser la perte du pouvoir d'achat, de nombreux revenus d'activités, telles que les loyers, sont réduits d'autorité et plafonnés. Les Français sont donc sensés assister à une baisse des prix "sans douleur".

Cette politique s'acheva sur un constat d'échec : les capitaux continuent de fuir la France, qui pour les retenir doit hausser ses taux d'intérêts. L'activité souffre, puisque, comme le dit la théorie économique : à quoi bon acheter aujourd'hui si c'est moins cher demain ? Sur le plan social, l'article indique, sans l'expliciter : Sur le plan social la déflation, comme l’inflation, est une machine opaque à opérer des transferts et des redistributions de richesse. Simplement le sens des transferts est opposé : les retraités et les rentiers sont les grands bénéficiaires de la déflation ; en revanche, les revenus agricoles, les salaires, les bénéfices industriels et commerciaux, souffrent terriblement. .

Sur le plan économique, il semble que la politique a fait rater à l'économie l'embellie mondiale qui commence en 1935, ce qui fait qui va obérer son réarmement.

La politique s'accompagnera de grogne populaire qui conduiront à l'avènement du front populaire en 1936, qui commencera, en dépit de ses promesses, par dévaluer, ce qui donnera un coup de fouet à l'économie.

Que pensez-vous de cela ? Ai-je bien compris ?
Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi la déflation est favorable aux rentiers et retraités ?

Ce superbe échec politico-économique peut-il être vu comme une des causes de la défaite de 40 ? Cela ajouterait une dimension au rôle de Laval.

Sait-on justement quelles ont été les appréciations des différents milieux sur cette politique et sur ses résultats ?

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 14:59 
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Marc Bloch
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Ne pas oublier que de 1930 à 1936, la ligne Maginot a couté cinq milliards de francs de l'époque. Ce qui représentait 1,6% de chaque budget annuel (source Wikipédia).

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 16:40 
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Pierre de L'Estoile
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Je ne connais pas l'histoire économique de l'entre-deux-guerres mais je peux vous répondre sur quelques points.

La déflation est favorable aux rentiers et retraités

Ce qu'on appelait rentiers étaient les personnes dont une part significative des revenus consistait en dividendes d'obligations et en loyers de biens immobiliers. Ces obligations étaient le plus souvent des emprunts d'Etat à long terme et à taux fixe. Elles procuraient des revenus fixes. Si les prix baissent, le pouvoir d'achat de tels revenus augmente.

En ce qui concerne les loyers, tout dépend des clauses des baux. Sauf intervention de l'Etat, ils sont suivent la loi du marché : ils baissent en période de déflation et augmentent en temps d'inflation. Sur le long terme, l'incidence de la déflation ou de l'inflation est neutre sur le pouvoir d'achat des loyers quoique sur terme de quelques mois, la déflation soit plutôt favorable au propriétaire et l'inflation plutôt favorable au locataire. En contrepartie, pour compenser la perte du pouvoir d'achat, de nombreux revenus d'activités, telles que les loyers, sont réduits d'autorité et plafonnés. Les Français sont donc sensés assister à une baisse des prix "sans douleur" : c'est une protection temporaire pour les plus modestes, mais cela n'atténue à terme nullement les effets indésirables de la déflation.

En ce qui concerne les retraites, cela dépend comment le montant des pensions est déterminé. J'ignore comment étaient calculées les retraites des fonctionnaires. Pour les salariés du secteur privé, il y avait des caisses de retraites par capitalisation. Les cotisations servaient à accumuler un capital généralement composé principalement d'obligations d'Etat et d'immeubles locatifs. Ces retraités pouvaient pour cette raison être assimilés à des rentiers.

en revanche, les revenus agricoles, les salaires, les bénéfices industriels et commerciaux, souffrent terriblement [de la déflation].

C'est l'ensemble de l'économie qui souffre parce que la déflation incite à reporter les dépenses de consommation comme d'investissement et entraîne un cercle vicieux. Comme il y a moins de consommation et moins d'investissement, la production baisse et en conséquence les revenus des activités de production aussi, ce qui provoque une augmentation du chômage et une baisse des salaires : tout le monde y perd, agriculteurs, industriels et salariés, sauf les rentiers quoiqu'à terme les revenus immobiliers souffrent aussi parce que ceux-ci dépendent de la solvabilité des locataires.

Citer :
Ne pas oublier que de 1930 à 1936, la ligne Maginot a couté cinq milliards de francs de l'époque. Ce qui représentait 1,6% de chaque budget annuel
C'est beaucoup sans être extravagant. C'est une dépense publique qui tend à réduire les effets indésirables d'une politique déflationniste. Elle maintient des emplois et permet aux entreprises concernées à garder un bon niveau technologique.


Dernière édition par Barbetorte le 24 Fév 2019 16:47, édité 2 fois.

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 16:44 
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Philippe de Commines
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Faget a écrit :
Ne pas oublier que de 1930 à 1936, la ligne Maginot a couté cinq milliards de francs de l'époque. Ce qui représentait 1,6% de chaque budget annuel (source Wikipédia).

Il me semble d'ailleurs avoir lu quelque-part que - contrairement à une idée reçue - le budget annuel que l’État français consacrait aux affaires militaire était parmi les plus élevés de l'Europe... Peut-être même plus élevé que celui de l'Allemagne.

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“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 16:53 
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Pierre de L'Estoile
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Lord Foxhole a écrit :
Il me semble d'ailleurs avoir lu quelque-part que - contrairement à une idée reçue - le budget annuel que l’État français consacrait aux affaires militaire était parmi les plus élevés de l'Europe... Peut-être même plus élevé que celui de l'Allemagne.
C'est possible mais les modes de production n'étaient pas satisfaisants, surtout dans l'industrie aéronautique qui avait pris un très gros retard. Les conclusions des études menées à l'instigation du ministre de l'air Pierre Cot dressent un tableau consternant.


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 17:13 
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Marc Bloch
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Il y a un autre point qui m'avait étonné, peut-être lu dans les mémoires de Weygand, mais je ne garantis pas. Quand le gouvernement a débloqué des crédits importants pour la défense, le patronat a pris les commandes mais a "lissé" la production. C'est à dire ce qu'il visait c'était d'avoir un plan de charge assuré sur de nombreuses années et éviter d'avoir à investir et à embaucher pour, au bout de quelque temps risquer de se retrouver sans nouvelles commandes une fois qu'ils auraient livré et devoir licencier.Peur de l'effet accordéon.

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 24 Fév 2019 18:07 
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Jean Mabillon
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À propos de la déflation Laval, on ne doit pas oublier qu'elle s'est inscrite dans un calendrier très court ( une année). Et dans un contexte d'inculture économique très profonde avec des Français qui en gros refusaient de voir la baisse des prix et refusaient d'accepter la baisse des salaires sans comprendre qu il fallait raisonner en francs constants .

Keynes s'est d'ailleurs fondé sur des exemples de ce genre pour théoriser l' "inélasticité des salaires à la baisse "

Il ne faut pas oublier non plus la dimension électorale : les électeurs ruraux (chers au cœur de la droite et des radicaux) étaient victimes de la chute des prix (et donc des revenus) agricoles et très choqués de voir que les fonctionnaires ne subissaient pas les mêmes difficultés.


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 25 Fév 2019 22:30 
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Pierre de L'Estoile
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Merci de vos contributions.

Barbetorte a écrit :
C'est l'ensemble de l'économie qui souffre parce que la déflation incite à reporter les dépenses de consommation comme d'investissement et entraîne un cercle vicieux. Comme il y a moins de consommation et moins d'investissement, la production baisse et en conséquence les revenus des activités de production aussi, ce qui provoque une augmentation du chômage et une baisse des salaires : tout le monde y perd, agriculteurs, industriels et salariés, sauf les rentiers quoiqu'à terme les revenus immobiliers souffrent aussi parce que ceux-ci dépendent de la solvabilité des locataires.
Merci de ces explications, Barbetorte.

Aigle a écrit :
Keynes s'est d'ailleurs fondé sur des exemples de ce genre pour théoriser l' "inélasticité des salaires à la baisse "
Intéressant ! Comme quoi, la psychologie rentre dans une bonne part des comportements économiques qui ne sont pas si "rationnels".

Faget a écrit :
Il y a un autre point qui m'avait étonné, peut-être lu dans les mémoires de Weygand, mais je ne garantis pas. Quand le gouvernement a débloqué des crédits importants pour la défense, le patronat a pris les commandes mais a "lissé" la production. C'est à dire ce qu'il visait c'était d'avoir un plan de charge assuré sur de nombreuses années et éviter d'avoir à investir et à embaucher pour, au bout de quelque temps risquer de se retrouver sans nouvelles commandes une fois qu'ils auraient livré et devoir licencier.Peur de l'effet accordéon.
Je viens de trouver un article de Persée qui illustre ceci parfaitement.
Intervention étatique et réarmement en France 1935-1939

Citer :
Or, c'est dans ce contexte, qu'une erreur fondamentale a été commise : le premier réarmement — essentiellement aérien — est entrepris sans réorganisation et modernisation préalables de l'industrie. Le gouvernement Doumergue, en effet, après avoir tiré les leçons de l'échec des négociations sur le désarmement et déclaré dans la célèbre note du 17 avril 1934 que « la France assurera désormais sa sécurité par ses propres moyens », lance en juillet le plan I des 1 010 avions. Ce programme du général Denain prévoit la construction de 1 365 appareils (avec les volants de réserve) étalée d'abord sur trois ans. Le délai est ensuite ramené à deux années en mars 1935 après l'annonce officielle du réarmement allemand. L'industrie aéronautique française recevait donc une masse de commandes deux fois supérieures à sa capacité de production annuelle (300 à 400 avions de combat par an). Trois ans plus tard, le sénateur de la Grange prenait conscience de la faute commise :

Quand l'Allemagne a voulu passer de l'aviation de guerre camouflée à une véritable aviation militaire..., elle n'a pas répondu comme nous à une espèce de psychose de guerre, car chez nous, c'est de là que vient tout le mal... Le général Denain a passé en 1934 une commande formidable, espérant résoudre le problème à coup de crédits... Nous aurions dû, à ce moment- là, constituer, comme on l'a fait en Allemagne, la base de nos industries aéronautiques, c'est-à-dire faire des surfaces couvertes, acheter de l'outillage, organiser nos usines. Nous ne l'avons pas fait.

A l'époque de Vichy, le contrôleur Chossat, chargé dé rédiger un rapport destiné à la Cour de Riom, achève son texte par cette phrase : « De cette erreur initiale, le ministère de l'Air ne s'est pas relevé. »

Quand on sait qu'en 1934-1935, le maréchal Pétain, P. Laval, P. E. Flandin occupaient de hautes fonctions gouvernementales, à la rue Saint-Dominique, au Quai d'Orsay ou à Matignon, on comprend pourquoi le procès de Riom a tourné court.

Cette « erreur initiale » entraîne un embouteillage des ateliers aéronautiques tellement spectaculaire que l'industrie en fut désorganisée jusqu'en 1938 : à cette date, alors que d'autres programmes avaient été lancés entre-temps, des avions du Plan I, neufs mais déjà périmés, sortaient encore des usines.
Le budget de l'armement - dont la ligne Maginot ne constitue qu'une part de plus en plus faible - a dû partir pour une bonne part en gaspillage.

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 26 Fév 2019 15:36 
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Pierre de L'Estoile
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Citer :
Le général Denain a passé en 1934 une commande formidable, espérant résoudre le problème à coup de crédits... Nous aurions dû, à ce moment- là, constituer, comme on l'a fait en Allemagne, la base de nos industries aéronautiques, c'est-à-dire faire des surfaces couvertes, acheter de l'outillage, organiser nos usines. Nous ne l'avons pas fait.
L'article cité (Intervention étatique et réarmement en France 1935-1939), nous fait sortir de la macro-économie et de la déflation pour entrer dans la micro-économie avec une description du tissu industriel et des méthodes de production. L'industrie aéronautique française dans les années 1930 est très éclatée et n'a pas suivi le tournant de la production de masse in initié par Ford aux Etats-Unis :

Citer :
La première de ces entraves est l'inadaptation des outillages et des installations. Les équipements des usines Schneider sont affectés d'un coefficient de 80 % de vétusté par la commission paritaire d'évaluation au moment de la nationalisation 20, et les machines ont très fréquemment trente ans d'âge. Daladier est « stupéfait » pendant ses visites d'usines d'armement de «constater que, très souvent, le travail à la lime avait une importance plus considérable que le travail des machines ». En 1936, la firme Dewoitine ne dispose que de 7 tours, 3 fraiseuses et 2 étaux-limeurs 22. D'une façon générale, chez les « avionneurs », les pièces chaudronnées ne sont pas fabriquées à la machine, mais découpées à la cisaille et formées au marteau sur des formes en bois 23. C'est dire le caractère artisanal de l'industrie aéronautique française à la veille de la nationalisation. Composée d'une quarantaine d'entreprises qui se disputent par l'intrigue les faveurs de l'Etat, elle n'a pas suivi, contrairement à l'industrie automobile, la révolution de la machine-outil : là où il fallait 900 heures de travail pour fabriquer une carrosserie en 1920, il n'en faut plus que 95 en 1937 ; il n'y a aucun progrès équivalent de la productivité avant 1938 dans l'industrie de l'aviation.

Il y a certes des explications à tout cela, la principale étant l'incertitude sur les commandes de l'Etat à l'avenir ce qui justifie une certaine prudence dans les investissements, mais un tel retard reste tout de même étonnant.


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 26 Fév 2019 17:57 
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Cet état des lieux est effrayant. Que dans de telles conditions Dewoitine réussisse début 40 à sortir le D520 à une cadence acceptable constitue déjà un véritable tour de force, hélas trop tardif.

Si j'ai bien compris, il faut attendre que Daladier se penche concrètement et de près sur la question pour que le gouvernement prenne conscience du problème. Les jeux d'influence et le tripatouillage entres firmes issues de la Grande Guerre (et qui en ont gardé l'équipement, dirait-on) qui se disputent la faveur des partis, c'est bien gentil, mais même en pleine période de paix il aurait été possible bien plus tôt de focaliser les commandes pour faire émerger des "champions nationaux" disposant d'usines dignes de ce nom.

"L'infirmité de l'état", disait De Gaulle...

A noter au passage qu'en Angleterre le prototype du Spitfire et sa mise au point rapide relèvent d'une initiative privée. (Les ingénieurs de Supermarine ont obtenu le soutien de Vickers, leur actionnaire principal) mais la première commande - 350 appareils - tombe en mars 36, alors qu'en France on en est en gros au stade de l'état des lieux et de la définition des choix industriels.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 04 Juil 2019 9:37 
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Pierre de L'Estoile
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J'aimerais poursuivre sur ce sujet. En me documentant dessus, je constate quelques zones d'ombres. En même temps, certains textes sur le poids de la dette et le déficit de l'Etat sont très actuels ! Sans compter, bien sûr, la volonté de soutenir la monnaie.

Je n'arrive pas à déterminer si le but premier de Laval est de juguler le déficit du budget de l'Etat, autour de 5 % du PIB (estimé à 380 milliards de F, 1935 s'achévera en le ramenant à 2,5%), la dette atteignant 200% du PIB (d'après Wikipedia), ou si c'est de refaire partir l'économie en diminuant les coûts des exportations. Sur ce dernier point, je n'ai pas trouvé trace de baisse d'impôt, ni de baisse des salaires du privé (contrairement à ceux du public, qui sont sabrés). Bref, pas de discours sur les baisses de charge des entreprises.

Je ne vois pas le lien entre le rétablissement des finances de l'Etat et le retour de la croissance.

Avez-vous des informations ?

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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 05 Juil 2019 6:31 
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Marc Bloch
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L'idée, je crois, était que les prix des produits agricoles et manufacturés, avaient baissé du fait de la crise mais que les salaires étaient restés stables. Les entreprises (agricoles et industrielles) étaient donc étranglées tandis que les salariés étaient privilégiés , en particulier les fonctionnaires.

Pour éviter la faillite générale des entreprises dont les prix de vente baissaient, il fallait baisser parallèlement les salaires.

Baisser les traitements des agents publics était une mesure de justice puisque les prix des produits baissaient et une façon de réduire les dépenses de l Etat.


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 05 Juil 2019 16:13 
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Jean Mabillon
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Baisser les salaires sans compensation négociée c'était sans l'ombre d'un doute amener démocratiquement les tenants des salariés au pouvoir.....


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 05 Juil 2019 16:31 
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Le contrôle des prix n'a jamais fonctionné, si mes souvenirs sont bons, Dioclétien s'y essaya et échoua. C'est juste favoriser le marché noir, sauf à avoir des moyens de coercition staliniens comme l'Holodomor pour forcer le paysan à vendre sa marchandise au prix trop bas fixé par l'Etat. Les plus anciens d'entre nous ont connu le blocage des prix avec une inflation à plus de 10 % Les prix et les salaires fixés par décret ne marchent pas. Si les salaires sont trop hauts, le chômage augmente par manque de compétitivité, si ils sont trop bas, la machine surchauffe et entraîne une hausse des salaires. Sauf à vivre en autarcie totale, ce qui n'est guère possible.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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 Sujet du message : Re: La déflation Laval
Message Publié : 07 Juil 2019 10:19 
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Pierre de L'Estoile
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Merci pour vos contributions.
Jerôme a écrit :
L'idée, je crois, était que les prix des produits agricoles et manufacturés, avaient baissé du fait de la crise mais que les salaires étaient restés stables. Les entreprises (agricoles et industrielles) étaient donc étranglées tandis que les salariés étaient privilégiés , en particulier les fonctionnaires.
Je comprends que la volonté soit de faire baisser effectivement les salaires, afin de diminuer les charges des entreprises. Sans entrer dans des débats d'actualité, c'est ce que l'Allemagne a fait au début des années 2000, afin de digérer l'absorbtion de l'Allemagne de l'est et de faire repartir leur économie. Elle l'a obtenu par négociations salariales, avec son dialogue social si particulier.

Pour en revenir à la France des années 30, je vois bien les salaires des fonctionnaires, mais y a-t-il eu des mesures pour diminuer les salaires privés ? Ils étaient de toutes façons déjà orientés à la baisse par le contexte de crise.

Jean-Marc Labat a écrit :
Le contrôle des prix n'a jamais fonctionné, si mes souvenirs sont bons, Dioclétien s'y essaya et échoua.
Pour les salaires, c'est Keynes qui a démontré qu'ils étaient inélastiques à la baisse : les prix ont beau être rabaissés d'autorité pour maintenir le pouvoir d'achat, les Français ont mal supporté les diminutions et ont restreint leur consommation, ce qui a alimenté le cercle vicieux.

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