Le problème de la ligne Maginot a surtout été son impact intellectuel, ou psychologique, comme on voudra. Pour des Français pas très chauds pour remettre ça, et pour un commandement sclérosé qui n'imaginait pas livrer autre chose que la guerre précédente, l'effet a été catastrophique.
Il faut lire "Une invasion est-elle encore possible ?", du regretté et regrettable général Chauvineau, préface du maréchal Pétain, pour se faire une idée de l'amplitude de cet effet.
Je n'ai trouvé que la préface, pour laquelle une simple citation suffira :
Le maréchal Pétain a écrit :
La défensive est devenue si puissante qu'il faut à l'assaillant une énorme supériorité pour se lancer à l'attaque. Chiffrant cette prépondérance, le général Chauvineau estime que l'attaque doit avoir trois fois plus d'effectifs d'infanterie, six fois plus d'artillerie, douze fois plus de munitions pour espérer dominer la défense. L'assaillant doit posséder en outre une supériorité impossible à chiffrer en ce qui concerne la qualité des hommes : la troupe d'assaut requiert un entraînement physique complet et un moral très élevé, alors que la troupe de la défense a une tâche plus facile, « parce que son devoir est inscrit sur le terrain ».
http://lignechauvineau.free.fr/Preface.htmJean Lacouture n'a donc pas tous les torts d'ironiser sur "une stratégie de travaux publics" : si ce n'est même pas réellement ce qui a été réalisé - de la Suisse à la Manche - sur le terrain, c'est en tous cas ce qui a été construit dans les têtes.
La ligne Maginot oblige l'ennemi à contourner l'obstacle. C'est comme si on incitait l'ennemi à passer par la Belgique (à moins qu'il ne passe à Sedan, mais cela semblait peu probable).
De ce point de vue, la ligne Maginot n'est pas inutile. Malheureusement pour la France et les Français, les Allemands ne font pas nécessairement ce qui semble "logique". Une offensive dans le secteur de Sedan semblait contraire au "bon sens" si je peux me permettre l'expression.