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Maurice Barrès ou le "rossignol" nationaliste
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Auteur :  Sébastien d. [ 09 Avr 2003 19:16 ]
Sujet du message :  Maurice Barrès ou le "rossignol" nationaliste

Maurice Barrès, de nos jours, est un nom sinon tombé dans la désuétude, du moins souvent dans le mépris; il rappelle trop l'affaire Dreyfus, le meneur de la Ligue des Patriotes, ayant succédé à Déroulède, le nationalisme, mot trop souvent rapporté comme maurrassien à tel point qu'on en oublie que Barrès avait forgé son propre nationalisme, et finalement, tout ce que la République appelle a redouter.

Pourtant, Barrès, ce ne fut pas que le pourfendeur de Dreyfus. L'héritage qu'il laissa après sa mort nourri des esprits comme ceux de Mauriac, Aragon, Drieu, Camus. Son influence magistrale sur toute une époque aurait du assurer la vitalité de son nom dans l'histoire, mais la place qu'il joua dans l'affaire Dreyfus le condamna aux yeux de la République et de la postérité.

Pourtant quelle vie que celle de Barrès ! Sa jeunesse, son ascension dans le journalisme, son dandysme font curieusement penser au jeune George Duroy de Maupassant, ambitieux et aux débuts sans éclats, malgré une voie toute tracée par les parents d'homme de droit. Intelligent et excellent critique, il se fit un nom dans les milieux littéraires, et se jeta, pris dans le tourbillon boulangiste, dans la politique, sous le nom de " socialiste révisionniste ". Cet homme exceptionnel, dans la tradition d'un Saint-Simon, d'un Hugo ou d'un Lamartine, met tout son verbe en combat, et jusqu'à sa mort, bien après la mort du général Boulanger et la désintégration du parti révisionniste, il garda son poste de député, auquel s'ajouta celui d'Académicien, venant couronner l’auteur de la trilogie du Culte de Moi.

Socialiste, il s'en réclame dès ses débuts politiques, déviant cependant de l'internationalisme du parti socialiste pour un socialisme national, anarchiste, on le découvre dans son oeuvre L'ennemi des Lois, nationaliste, il s'en réclamera, à tel point que Romain Rolland le désignera comme le " rossignol du carnage ". Parcours qui semble contradictoire, et pourtant qui colle parfaitement avec la contradiction du personnage. Sa devise favorite n'est-elle pas " Tout désirer, tout mépriser " ? C'est un éternel écorché, dont la blessure de l'humiliation de sa Lorraine natale nourrira ses tendances nationalistes et parfois xénophobes, et c'est avec difficulté qu'aujourd'hui l'on peut comprendre sa complexité.
Barrès fut antisémite, à n'en pas douter, et lors de sa candidature à Nancy, s'il s'opposa à un candidat antisémite de droite s'était pour revendiquer un antisémitisme plus profond. Quand le Barrès qui écrivait « nous ne sommes pas une race, nous sommes une nation » bascula dans le Barrès capable de prononcer que " que Dreyfus soit coupable, je le tiens de sa race " ? Ou alors est-ce une simple évolution du Barrès " de la revanche " au Barrès du nationalisme ? Je pense que le Barrès de la revanche bascula totalement dans le nationalisme antisémite lors de l'affaire Dreyfus, mais l'affaire Dreyfus ne bouscula-t-elle pas toutes les anciennes positions idéologiques des partis ? N'est-ce pas à ce même moment que la gauche, qui jusqu'à là ne cachait pas son inimitié du juif bourgeois, bouscula radicalement de position sous la pression de Blum ? Certes si, et cela a pour essence un sujet encore plus enfoui, celui de l'armée. Effectivement, Barrès vit, dans la défense de Dreyfus, l'attaque de l'armée, la critique de l'institution qui servirait à la revanche, et il ne pouvait, dans cette vision des choses, qu'utiliser tout son verbe et mobiliser toute sa haine contre l'auteur de ces injures.

En parlant de cette affaire, en conclusion, voici ce qu'en disait Barrès : " Si Dreyfus et ses amis écrivent l'histoire et les manuels scolaires, vous patriotes qui me lisez, moi qui vous parle, nous ne serons que des fripouilles devant les siècles. "

Auteur :  Durallo [ 10 Avr 2003 18:06 ]
Sujet du message : 

Barrès fut l'ancêtre du fascisme,puisqu'il se présentait sous l'étiquette "national socialiste républicain"

A ce propos,a ton des témoignages de lui sur la prise de pouvoir de Mussolini.

Auteur :  Sébastien d. [ 10 Avr 2003 19:14 ]
Sujet du message : 

Je n'ai malheureusement pas lu assez sur la vie de Barrès pour pouvoir rapporter de ses probables opinions sur la prise de pouvoir de Mussolini, cependant, même si la nationalisme proné par Barrès avait des racines communes avec les pensées nationales-socialistes comme le wagnerisme et le darwinisme, je ne pense pas qu'une réelle filiation puisse se faire avec les pensées fascistes, qui pronaient aussi la servitude du citoyen à l'Etat, ce que réfute la Barrès de L'ennemi des lois.

Ici aussi la chose devient ardue: si Barrès voulut incarner le nationalsime et lui donner, par sa plume et sa rage, le même souffle puissant que celui d'un Hugo pour l'opposition républicaine, il reste que lui-même, par ses pensées, réfute la filiation que le nationalisme, considéré seul, pourrait avoir avec le fascisme. Ce courant auquel il voulait totalement se confondre pour en devenir son penseur universel reste en certains points icompatible avec sa propre pensée.

Il est vrai cependant que beaucoup de mouvements d'extreme droite aujourd'hui prennent comme penseur social Barrès, ce qui est une absurdité car le Barrès social était nourri par une volonté de revanche et donc nourri par une volonté purement nationale et protectionniste que son époque peut comprendre, et que son social était donc par là même un social xénophobe, trouvant dans le thème de l'étranger sa source d'inspiration sociale, inspiration que notre société, loin des déchirements d'un 1870, peut difficilement tenir.

Auteur :  Durallo [ 10 Avr 2003 20:01 ]
Sujet du message : 

[quote="Sébastien D."]Je n'ai malheureusement pas lu assez sur la vie de Barrès pour pouvoir rapporter de ses probables opinions sur la prise de pouvoir de Mussolini, cependant, même si la nationalisme proné par Barrès avait des racines communes avec les pensées nationales-socialistes comme le wagnerisme et le darwinisme, je ne pense pas qu'une réelle filiation puisse se faire avec les pensées fascistes, qui pronaient aussi la servitude du citoyen à l'Etat, ce que réfute la Barrès de L'ennemi des lois.

C'est le précurseur.Barrès était un décentralisateur,qui fut le contraire du fascisme.Mussolini voyait en Maurras,son maître spirituel,pourtant il y a des divergence:royaliste "catholique",décentralisateur,socialisme antiétatique dans un premier temps.
IL condamna le racisme et l'étatisme.
Chez Maurras nul antisemitisme raciale mais seulement de lobbies.

Auteur :  Florian [ 11 Avr 2003 8:22 ]
Sujet du message : 

Il faut bien différencier Barrès et Maurras qui n'ont somme toute pas grand chose en commun.
On oublie malheuresement trop sonoeuvre littéraire qui est pourtant de bonne qualité, je pense à son Roman de l'énergie nationale qui symbolise à lui seule la pensée barrésienne.

Auteur :  Durallo [ 11 Avr 2003 16:15 ]
Sujet du message : 

Florian a écrit :
Il faut bien différencier Barrès et Maurras qui n'ont somme toute pas grand chose en commun.
On oublie malheuresement trop sonoeuvre littéraire qui est pourtant de bonne qualité, je pense à son Roman de l'énergie nationale qui symbolise à lui seule la pensée barrésienne.


L'un était républicain,l'autre royaliste!

Je ne connais plus l'oeuvre de Maurras

Auteur :  Sébastien d. [ 12 Avr 2003 10:41 ]
Sujet du message : 

Je suis d'accord avec Florian comme quoi il faut différencier le nationalisme barressien du maurassien, et par là-même leurs oeuvres, mais il est indéniable que Maurras eut une influence politique sur le Barrès au nationalisme achevé, comme sur la décentralisation ou le traditionnalisme catholique que revendiqua, après l'Affaire, Barrès.

Auteur :  Durallo [ 12 Avr 2003 11:15 ]
Sujet du message : 

Sébastien D. a écrit :
Je suis d'accord avec Florian comme quoi il faut différencier le nationalisme barressien du maurassien, et par là-même leurs oeuvres, mais il est indéniable que Maurras eut une influence politique sur le Barrès au nationalisme achevé, comme sur la décentralisation ou le traditionnalisme catholique que revendiqua, après l'Affaire, Barrès.


Barrés avant était Païen

Auteur :  Karolvs [ 22 Nov 2003 22:57 ]
Sujet du message : 

Barrès n'a jamais été un fervent catholique. Un contemporain de Barrès a écrit que "ses livres sont catholiques jusqu'à la foi exclusivement".

Barrès ne s'intéresse pas vraiment aux questions théologiques, mais le catholicisme est la religion de ses aïeux. Il lui importe peu de savoir quelle est la bonne religion, mais il est convaincu du caractère éminemment français du catholicisme. Il rejette les autres religions comme antinationales.

Pour Barrès (et pour Maurras), tout ce qui n'est pas relié à "notre terre, nos ancêtres..." est antinational : les juifs, mais aussi les protestants. Ce sont là deux éléments fondamentaux du nationalisme de Barrès comme de celui de Maurras.

Idem en ce qui concerne les intellectuels (mot nouveau à l'époque) : Zola par exemple. Pour Barrès, Zola "pense tout naturellement en Vénitien déraciné". Pour Barrès, Zola est antinational parce qu'il s'imagine que la société doit se construire sur la logique et ignore ce qu'est l'instinct, la tradition...

Auteur :  Karolvs [ 28 Déc 2003 22:08 ]
Sujet du message : 

Karolvs a écrit :
[...] Pour Barrès, Zola est antinational parce qu'il s'imagine que la société doit se construire sur la logique et ignore ce qu'est l'instinct, la tradition...


Il ma semble que les nationalistes d'aujourd'hui cultivent cet aspect de la "doctrine" barrésienne : la primauté de la tradition et de l'instinct (ou plutôt de "l'affectif") sur le raisonnement logique.

Auteur :  La Rochejaquelein [ 30 Déc 2003 21:08 ]
Sujet du message : 

le nationalisme de Maurras se veut tres rationaliste! (néo classicisme)

Auteur :  Florian [ 31 Déc 2003 9:10 ]
Sujet du message : 

Il y a effectivement une forte influence positiviste chez Maurras.

Auteur :  Karolvs [ 31 Déc 2003 15:16 ]
Sujet du message : 

Citer :
Il y a effectivement une forte influence positiviste chez Maurras.


Citer :
le nationalisme de Maurras se veut tres rationaliste! (néo classicisme)


Les constructions intellectuelles de Maurras sont en effet élaborées par raisonnement logique mais ces constructions logiques sont faites à partir de 2 ou 3 principes de base, qui ne sont pas données par la raison mais par l'instinct et par la tradition.

Pour Maurras comme pour Barrès, ce sont les intellectuels (éventuellement cosmopolites, comme Zola) qui professent la primauté de la logique, de la science, de la raison, des droits de l'homme etc... et sapent ainsi les fondements de la nation.

Auteur :  Florian [ 31 Déc 2003 16:19 ]
Sujet du message : 

Citer :
Pour Maurras comme pour Barrès, ce sont les intellectuels (éventuellement cosmopolites, comme Zola) qui professent la primauté de la logique, de la science, de la raison, des droits de l'homme etc... et sapent ainsi les fondements de la nation.


Maurras fut un grand lecteur de Comte et le positivisme est l'un des fondement de toute sa théorie. C'est justement ce qui le distingue de Barrès. C'est selon moi une erreur que de voir en lui un chantre de la tradition contre la science et la rationnalité, c'est d'ailleurs pour cela qu'il admirait tant l'Antiquité grecque dans laquelle il ne voyait que le côté appolinien (comme c'était le cas depuis des siècles avec Goethe pour acmé) ne décelant pas l'aspect dyonisiaque que Nietzsche venait de mettre au jour quelques années plus tôt...
Bien sûr, il est traditionnaliste (ainsi son adhésion au félibrige) mais cela ne remet nullement en cause sa ferveur positiviste. Maurras abhorre le romantisme et tout ce qui est irrationnel. Le nationalisme intégral n'est pas le fruit d'une rêverie inspirée mais d'un système pensé avec rigueur.

Auteur :  Invité [ 11 Jan 2004 17:43 ]
Sujet du message : 

Maurras est à la droite ce que Marx est à la gauche. Sa doctrine est claire, assez interessante, mais on a du mal à l'appliquer, de plus, le roi ne peut être maurrassien. Enfin, sa pensée peut être en contradiction avec la monarchie, car celle ci s'est réformée au grès du temps. Les royalistes sont toujours restés à Maurras.

Pour revenir, au sujet initial, je suis en train de lire:" les collines inspirées" de Barrés, belle oeuvre, spirituellement il est comme dans la politique, il ne rejette pas les deux traditions française: le pagananisme et le christianisme. et mon coeur de lorrain en est ému!

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