Léonard59 a écrit :
Comment appeler les collaborateurs "alsaciens", la justice y a répondu, collaborateurs ou "personnes ayant été en intelligence avec l'ennemi". Je ne comprends pas votre obsession à trouver un nouveau terme. Et quelque part, connaissant la situation alsacienne à ce moment-là, votre obsession est choquante.
Il me semble que, même pour la qualification de faits de collaboration par la justice, l'Alsace (on devrait dire l'Alsace-Moselle, mais considérons par commodité que c'est implicite) a bénéficié de la prise en compte de son statut particulier de région annexée : est-ce que les collabos jugés ne sont pas essentiellement ceux qui se sont montrés explicitement favorables au nazisme ?
Alors que dans le même temps n'étaient pas poursuivis des Alsaciens qui dans une autre région, pour les mêmes faits, auraient été collés directement au mur.
Cela inclut automatiquement le fait d'avoir combattu pour l'Allemagne, ce qui n'est tout de même pas anodin. (Alors que partout ailleurs les Français qui ont porté l'uniforme allemand relevaient de l'intelligence avec l'ennemi : des traîtres !)
Mais cela va plus loin : la justice (avec des peines légères) puis la représentation nationale (avec une loi d'amnistie) ont ainsi effacé l'ardoise des soldats alsaciens qui ont participé,
dans la Waffen-SS, à la tuerie de tous les habitants d'Oradour.
Sur les 13 Alsaciens impliqués, un seul a été condamné à mort, celui qui était engagé volontaire. Mais il a été amnistié comme les autres, parce qu'on savait que la Waffen-SS en mal de recrutement avait "désigné volontaires" des jeunes Alsaciens. (Au passage, il n'est pas exclu que quelques "Alsaciens germanisés" aient été réellement volontaires pour la Waffen-SS, mais allez donc faire le tri !)
j'ai parlé de Guy Sajer, là on a typiquement le cas d'un "Alsacien germanisé", qui est fier de faire partie de la Wehrmacht, dans laquelle il s'est engagé volontairement, mais à qui les circonstances - liées à cette situation particulière des Alsaciens - évitent une condamnation pour collaboration. (il s'en tire avec un engagement dans l'armée française, qu'on lui suggère "pour éviter toute ambiguïté", et où il ne restera que 3 ans, je crois, à cause des séquelles d'une dysenterie restée trop longtemps sans soins sur le front russe.)
Jardin David, je regarde votre carte mentale avec intérêt, mais elle illustre aussi la difficulté d'une catégorisation systématique des collabos alsaciens liée au fait de "se sentir allemand".
Le problème est qu'il y aura toujours des exceptions. Certains ont pu continuer à se sentir français, mais collaborer, comme ailleurs en France, par communauté d'idées, partielle ou totale, avec les nazis.
D'autres ont pu se vivre comme Allemands "traditionnels", c'est à dire en restant opposés au nazisme, notamment pour des raisons religieuses, que les nazis piétinaient joyeusement.
Sans compter avec la remarque faite par un intervenant, que les Alsaciens, en moyenne, se sentent d'abord alsaciens avant toute autre chose, ce qui mènerait à minimiser la question de la nationalité.
En prime, les nazis qui se méfient n'accordent pas facilement la nationalité allemande : pour l'acquérir - en dehors du cas des soldats - il faut adhérer à une organisation nazie. il ne suffit donc pas de "se sentir allemand", il faut encore se vouloir nazi ! (Ce qui par exemple pour un fervent catholique, aussi allemand qu'il se sente, est parfaitement exclu.)
Tout cela m'amènerait à mettre de côté la question du sentiment d'appartenance nationale, et à désigner les "collaborateurs alsaciens" comme des "Alsaciens nazis", ce qui me semble le tamis le plus pertinent pour en ramener la quasi-totalité.
En somme, dans cette Alsace où "tout le monde" est embarqué bon gré mal gré dans la barque allemande, (et le camp de Schirmek est là pour "rééduquer" les très nombreux Alsaciens réticents) où la collaboration administrative ou professionnelle avec les autorités allemandes responsables de ce "Gau" est par la force des choses encore plus courante qu'ailleurs en France, où la plupart des familles ont l'un des leurs dans l'armée allemande, il me semble que ce qui discrimine et désigne les "vrais" collaborateurs est leur adhésion au nazisme.