Pierma a écrit :
Lorsque De Gaulle, à Bayeux, met en place son premier préfet, François Coulet, les officiers de l'Amgot présents en Normandie font le projet de l'arrêter pour prendre sa place. C'est Eisenhower qui a empêché cette folie
François Coulet en parle dans ses mémoires. La chose lui a été racontée lors d’un dîner après la libération de Paris par le général Bell Smith, chef d’état-major d’Eisenhower. Entre le 16 et le 19 juin, un petit détachement s’était tenu prêt à se saisir de lui pour le renvoyer en Angleterre sur un ordre qui n’est jamais arrivé, probablement grâce à Eisenhower. Bedell Smith n’a pas précisé qui avait pris cette initiative qui, de toute façon, devait recevoir un aval qui n’est jamais arrivé.
Jerôme a écrit :
Je connaissais cette histoire mais je n'ai jamais compris comment Eisenhower avait pris le risque de contredire FDR. comment le président des États-Unis avait il pris la chose ?
Eisenhower, en tant que commandant en chef des forces alliées, n’était pas placé directement sous les ordres du président américain. Il exécutait le plan préparé par le SHAEF, approuvé par les deux gouvernements britannique et américain, pour quoi il avait reçu tous pouvoirs. Il avait notamment tous pouvoirs en ce qui concerne l’administration des territoires libérés. Il n’a pas contredit Roosevelt, il a usé de l’autorité dont il avait été investi.
Le CFLN ne s’était jamais revendiqué comme un gouvernement ayant le 3 juin. En conséquence, les territoires français libérés auraient le statut de territoires occupés et les Alliés, puissance occupante, devaient se conformer à la Convention de La Haye de 1907. La puissance occupante, qui avait investi le commandant suprême Eisenhower de ses pouvoirs administratifs se devait donc de pourvoir à l’administration et aux services publics essentiels dans le respect des lois du pays occupé, d’où les dispositions prises pour un futur AMGOT dont la mission pouvait inclure l’organisation d’élections. Roosevelt l’entendait strictement ainsi. Churchill ainsi qu’Eisenhower, prenant acte du fait que le CFLN gouvernait déjà l’Afrique du nord à la suite des accords passés avec Darlan puis Giraud et de Gaulle ainsi que la Corse, pensaient qu’il était tout naturel que le CFLN administrât les territoires libérés après le débarquement en Normandie. Néanmoins les dispositifs d’une administration dirigée par des militaires placés sous l’autorité d’Eisenhower étaient prêts et pouvaient être mis en place si les circonstances l’exigeaient.
Rien n’avait été formalisé. Les intentions de de Gaulle étaient claires puisqu’il avait fait savoir le 3 juin que le CFLN devenait GRPF mais les gouvernements américains et britannique n’avaient pas reconnu ce dernier à la différences des gouvernements européens réfugiés à Londres. La situation était donc ambiguë. L’installation à Bayeux de François Coulet le 14 juin mettait les Alliés devant le fait accompli. De Gaulle le présenta à Montgomery qui s’était aussi installé à Bayeux et qui ne fit pas d’objection. Il n’y eut pas de conflit ultérieurement. Montgomery au début très réservé, changea d’attitude envers Coulet quand il apprit que celui-ci était de religion protestante. François Coulet tint une conférence de presse le 16 devant une cinquantaine de journalistes. L’un d’eux, venant de Washington, lui demanda s’il n’était pas là sans l’autorisation des gouvernements alliés. Coulet répondit que sa présence avait été notifiée par de Gaulle à Montgomery et que le gouvernement provisoire n’avait besoin d’aucune autorisation pour gouverner.
Je crois avoir lu qu’un officier des
Civil Affairs s’était installé dans une mairie ou une sous-préfecture mais qu’il n'y resta pas longtemps.
Le seul différend notable porta sur la « fausse monnaie ». De Gaulle avait fait savoir à Montgomery ce qu’il en pensait. Coulet avait averti la population qu’elle ne serait pas acceptée pour payer les impôts et taxes. La mini-crise fut réglée par le général Koenig. Le montant de la « fausse monnaie » mise en circulation était modique, la question de cette fausse monnaie était en cours de discussion à Washington et Koenig parvint à un arrangement avec les Alliés. La « fausse monnaie » serait acceptée mais non remise en circulation et désormais les forces alliées seraient approvisionnées en espèces émises par la Banque de France que Coulet avait apportées en suffisance et que les banques locales pouvaient elles aussi fournir en suffisance.