Staline a été très choqué de ne pas participer à la conférence de Munich. Il était partisan d'une ligne plus dure et fut stupéfait par l'abandon de la Tchécoslovaquie.
Il avait bien mesuré le danger nazi, ne serait-ce que par la détermination montrée pas Hitler jusque-là. Je ne vais pas en refaire la liste, si ce n'est pour souligner qu'il avait apprécié en expert la Nuit des Longs Couteaux - signe que Hitler était là pour durer, avec le ralliement plus ou moins enthousiaste de l'armée - et la destruction du Parti Communiste Allemand, dont il était clairement la cible.
Churchill dans ses mémoires souligne le peu d'empressement des alliés auprès de l'Union Soviétique :
Churchill a écrit :
« l'offre des Soviétiques fut ignorée dans les faits. Ils ne furent pas consultés face à la menace hitlérienne et furent traités avec une indifférence, pour ne pas dire un dédain, qui marqua l'esprit de Staline. Les événements se déroulèrent comme si la Russie soviétique n'existait pas. Nous avons après-coup terriblement payé pour cela.»
Wiki cite également Henri Kissinger, qui souligne l'erreur britannique de garantir la Pologne avant tout accord préalable avec l'URSS :
Henri Kissinger a écrit :
« En fait les garanties britanniques à l'égard de la Pologne et la Roumanie supprimèrent toute incitation que les Soviétiques auraient pu avoir pour entrer dans de sérieuses négociations d'alliance avec les démocraties occidentales. Pour une raison, elles garantissaient toutes les frontières soviétiques d'avec ses voisins européens à l'exception des États baltes, et, sur le papier du moins, anéantissaient les ambitions soviétiques aussi bien que les allemandes. [...] Plus important, les garanties unilatérales britanniques étaient un cadeau pour Staline parce qu'elles lui fournissaient le maximum [qu'il aurait pu demander], sans qu'il ait à offrir de contrepartie. Si Hitler allait vers l'est, Staline était maintenant assuré d'un engagement britannique d'aller en guerre bien avant que la frontière soviétique ne soit atteinte. Staline recueillait ainsi le bénéfice d'une alliance de facto avec la Grande-Bretagne sans aucune contrainte de réciprocité »
On met souvent en avant le refus polonais de laisser passer l'Armée Rouge sur son territoire, mais il reste à démontrer que la Pologne serait restée sur cette position si on lui avait posé l'alternative entre une triple garantie anglo-franco-russe et pas de garantie du tout. (Hitler pouvait se permettre de dégarnir le front ouest le temps d'avaler la Pologne, mais en cas de belligérance russe le problème se posait tout autrement.)
On peut donc dire effectivement que c'est le pacte germano-soviétique qui a laissé le champ libre à Hitler, mais il convient d'examiner l'évaluation russe de la situation avant de le condamner.
Dans ses mémoires De Gaulle résume cette position en une phrase :" Staline préférant partager sa proie [la Pologne] avec Hitler plutôt que devenir la sienne." Ce qui vaut absolution. (C'est écrit dans les années 50, en pleine guerre froide, et on peut difficilement tenir De Gaulle pour un partisan du bolchevisme.)
En fait les Alliés se sont opposés à Hitler trop tard et à contre-temps.
Sans parler du machiavélisme de Staline, lui qui savait pertinemment que Hitler était son ennemi mortel. Etant ce qu'il était, il faut faire rentrer dans l'équation son calcul d'une longue guerre à l'ouest lui laissant le temps de se renforcer et d'être l'arbitre de la situation. Mauvaise pioche : c'est sans doute à Moscou, autant qu'à Londres, que l'effondrement français en 6 semaines provoqua la plus grande inquiétude. (Sans parler de Roosevelt qui pensait que l'Angleterre ne tiendrait pas.)
Toutes ces chancelleries comptaient un peu trop sur la solidité de l'armée française pour faire face à la menace allemande.