Tout est rarement tout blanc ou tout noir (sans aucunes blagues douteuses concernant des couleurs de peaux). Pour ce que j'en sais, le recrutement de ces "indigènes" auxiliaires de "police" se fit de 2 manières. Il y a quelques troupes qui furent levées par Vichy en AFN en 1941. Le second vivier est constitué par les camps de prisonniers de guerre. Il faut rappeler une des bizarreries de cette époque. Les allemands emportèrent leurs prisonniers de guerre dans des camps en Allemagne. Enfin, si ce fut le cas de tous les prisonniers d'origine métropolitaine, ce ne fut pas le cas de ceux de la coloniale. Les allemands les parquèrent dans des camps situés sur le territoire français en zone occupée. Jusque-là, les usages sont respectés, les PG se trouvent dans des camps de PG, certes situés en France, mais sous la surveillance des allemands. La plupart des officiers et sous-officiers "français" de la coloniale étaient internés avec eux. Mais, certains de ses officiers et sous-officiers furent libérés au fil du temps. Ces camps étaient un peu particuliers, les internés aidant souvent la population à divers travaux et comme la population était françaises, des liens se créèrent.
Juin 41 démarre l'opération Barbarosa et assez vite les allemands éprouvent le besoin d'avoir des hommes disponibles pour le front. On verra ses camps passer dans une situation totalement inédite. L'administration française accepte d'en assurer la garde ! Et elle fait appel à des officiers et des sous-officiers de la coloniale pour cela! On se retrouve dans une situation inédite où des prisonniers de guerre appartenant à l'armée française se retrouvent sous la garde de militaires et gendarmes français pour le compte de l'Allemagne. A ma connaissance, un seul officier démissionna pour ne pas servir de garde-chiourme des hommes qui avaient obéi à ses ordres lors des combats de 1940.
J'ai parlé de liens avec la population, on considère qu'environ 5000 de ces coloniaux réussirent ainsi à s'évader et à rejoindre divers groupes pour participer à la résistance. Le plus emblématique est Addi Bâ dont la mémoire est encore honorée dans les Vosges :
http://www.histoire-immigration.fr/des-dossiers-thematiques-sur-l-histoire-de-l-immigration/1940-des-coloniaux-dans-l-armee-reguliere-et-dans-la-resistanceCiter :
Né en 1923 à Conakry (Guinée), Addi Ba arrive jeune en France, à Langeais (Indre-et-Loire). Il s’engage dès le début de la guerre dans le 12e Régiment de tirailleurs sénégalais, avant d’être capturé, en juin 1940, avec presque toute sa compagnie.
Il est conduit à Neufchâteau, dans les Vosges, d’où il s’évade avec quelques camarades africains. Dès octobre 1940, il entre en contact avec le réseau “Ceux de la Résistance”. En mars 1943, il participe à l’établissement du premier maquis des Vosges, baptisé “Camp de la Délivrance”, qui abrite quatre-vingts réfractaires français au STO (Service du travail obligatoire), dix-huit Russes et deux Allemands, tous déserteurs de la Wehrmacht. Le maquis est attaqué en juillet : traqué par la police allemande, aisément reconnaissable, Addi Ba est arrêté le 15 juillet et conduit à Épinal. Là, il est atrocement torturé mais ne parle pas alors qu’il n’ignore rien des réseaux de la Résistance dans les Vosges. Il est fusillé le 18 décembre 1943 sur le plateau de la Vierge, à Épinal. Une rue de Langeais porte son nom depuis 1991.
Mais d'autres préférèrent rester dans leurs camps, ou n'eurent pas la possibilité de s'évader. Sauf erreur de ma part, une partie de cette brigade Nord-africaine fut recrutée dans ces camps. Il me semble que certains pensaient qu'ils allaient combattre "les ennemis de la France". Mais, ces considérations semblent ne pas compter pour une partie de ces troupes qui profitent de l'argent facile et qui obéissent aux ordres sans rechigner.
L'homme est ainsi fait que ce n'est pas la couleur de la peau, ni l'ethnie, ni la culture, ni l'éducation qui détermine si on est ange ou démon. On peut même l'être tour à tour. Face aux centaines de milliers de métropolitains engagés dans la milice, dans la collaboration, le nombre de non-métropolitains est faible et ils apparaissent de manière épisodique. On ne rappelle pas chaque jour, à chaque minute, le sacrifice d'Abbi Bâ. De la même façon, on ne blâme pas chaque jour, à chaque minute, les exactions de cette brigade nord-africaine. Ce n'est pas dû à une quelconque "bien-pensance", c'est dû à "l'anecdotisme" de leurs parcours. Ils sont une goutte d'eau dans un océan de cas particuliers. Évitons de donner trop de poids à ce qui n'existe pas sinon on glisse facilement vers les théories du grand complot mondial.
D'ailleurs, je note qu'il y a un sujet sur ce forum sur la brigade Nord-africaine et qu'il n'y en a pas sur le tirailleur Bâ, que devrais-t-on en penser ?