Kevin_scaevola a écrit :
Alors, si Hitler, tout en restant lui-même (
), avait seulement pensé un peu au futur, et avait envoyé en Afrique du Nord ces mêmes troupes, alors qu'ils n'étaient pas encore cruciaux dans le déroulement de la guerre à l'Est, toute la face de l'histoire aurait pu être changée...
Justement si, ces troupes étaient déjà cruciales et indispensables sur le front russe. Précisément à cause de l'échec de Barbarossa. Entre juin 1941 et mars 1942, les pertes de l'Ostheer atteignaient le million d'hommes. En mars 1942, seuls 8 divisions, soient 5 % de la totalité de l'Ostheer, étaient considérées comme prêtes à mener des actions offensives. Pour l'offensive d'été, voici la situation:
- Les unités du Sud, chargées de l'offensive, manquaient en moyenne de 2400 hommes par division d'infanterie et 1000 à 2000 pour les divisions blindées.
- Au Nord les manques étaient de 4800 hommes par division et au Centre de 6900 hommes.
- Au total, l'Ostheer manquait de 318 000 hommes pour avoir des unités complètes.
(tous les chiffres sont tirées du livre de Bartov "L'armée d'Hitler").
On voit, que chaque homme compte dès 1942: pas question de distraire les moindres forces (d'autant que la guerre de Hitler se joue à l'Est)... sauf en cas de crise majeure ailleurs. Or durant l'été 1942, tout semble aller bien en Afrique: Rommel tient ses adversaires en respect et il a même pris l'offensive. Hitler ne mesure sans doute pas les besoins réèls de l'armée d'Afrique, et pour cause, puisqu'il s'agit d'un front très secondaire et que son esprit est obnubilé par la Russie: les victoires de Rommel entretiennent ses erreurs d'appréciation et le "Renard" commet une grave erreur stratégique en se lançant dans une offensive qui ne correspond pas à ses moyens (et il aggrave sa situation en ne soutenant pas le projet de la prise de Malte) ni au but réèl de sa présence en Afrique. Hitler suit sa logique: une fois la victoire acquise à l'Est, il sera toujours temps de régler les autres problèmes, d'autant qu'il espère bien amener des Occidentaux démoralisés à la table des négociations.
Par contre la déroute d'El-Alamein conjuguée à Torch crée une crise très grave: la menace est de voir l'Italie sortir de la guerre, ce qui entrainerait l'ouverture d'un véritable second front pour l'Allemagne. Fort logiquement, Hitler doit parer à cette menace et l'envoi de troupes importantes (mais toujours limitées autant que possible vu les besoins croissants du front russe avec le désastre de Stalingrad) à ce moment-là est logique car il répond à une urgence qui ne semblait pas exister quelques mois plus tôt.
Tout cela cadre parfaitement avec la logique hitlérienne.
Igor Geiller a écrit :
La perte de l'Egypte aurait contrait la Royal Navy à quitter la base d'Alexandrie. Dans ce cas, la flotte britannique aurait du passer le canal de Suez et trouver refuge, soit en Afrique de l'est, soit dans la péninsule arabique. La Palestine, la Syrie et le Liban seraient probablement aussi tombés aux mains de l'Axe. En tout cas la Grande-Bretagne perdait le contrôle de la Méditerrannée orientale. Ramener le pétrole n'aurait donc pas été difficile, puisque l'Axe contrôlait les îles de la mer Egée.
Et puis, une victoire de l'Axe dans la région aurait peut-être convaincu la Turquie d'entrer en guerre.
Sur ces questions, vous pouvez lire l'ouvrage de Bernard Schnetzler, Les erreurs stratégiques du IIIe Reich.
Remarque juste en effet (encore que je trouve le Moyen-Orient bien exposé et bien délicat à contrôler et à protéger pour l'Allemagne). Après réflexion cependant, je pense qu'elle n'invalide pas mon autre propos: miser sur le Moyen-Orient rendrait nécessaire une réorientation de la stratégie du Reich incompatible avec la guerre à l'Est (corollaire: celle-ci ayant eu lieu, il n'y a plus à songer à la Méditerranée). Car pour maîtriser la Méditerranée il resterait nécessaire de chasser également les Alliés de leurs points d'appui de Malte et Gibraltar et de contrer tout débarquement en Afrique du Nord: tout cela rendrait indispensable un investissement considérable. Une telle stratégie aurait pu être concevable dans la foulée des victoires de 1940, mais Hitler ayant choisi (en parfaite conformité avec sa vision du monde) de lancer sa grande guerre de conquête et d'extermination à l'Est, la question cesse dès lors de se poser: l'avenir du conflit (et donc toute possibilité de victoire allemande) se jouera à l'Est, et pas ailleurs.