-- Le lien donné par Faget renvoie au passage de Heydrich à Paris. Ce qui est ensuite évoqué par l'intervenant, à savoir une opportunité saisie par H. pour se voir à Paris est-il sourcé ?
Concernant le voyage de H. à Paris, voici ce que je puis en dire, si je fais erreur Faget ou CNE me reprendront certainement et je les en remercie à l'avance. Le Brigadefüher Oberg arrive à Paris et est tout de suite confronté au problème posé par la Résistance (R). H. tient à soutenir ouvertement son poulain, aussi il gagne la France. Dans les salons du Ritz sont des officiels français du gouvernement de Vichy et sont présentés à H. : Bousquet (secrétaire général à la police), Georges Hilaire (secrétaire général à l'intérieur, pour l'administration), Brinon (délégué du gouvernement à Paris, vétéran du comité France-Allemagne d'avant guerre, ami personnel d'Otto Abetz), Darquier de Pellepoix (commissaire général aux questions juives). H. annonce qu'il a tenu lui-même à présenter Oberg qui va [... réorganiser tous nos services de police, dans notre intérêt commun ... il n'est plus question de confier la sécurité de nos armées aux seuls militaires. Il faut des spécialistes et une direction unique. A partir d'aujourd'hui, je ne veux plus voir séparés le renseignement et la répression. Ce sont deux fonctions qui se complètent. Il faut pouvoir agir vite et frapper fort pour enrayer le terrorisme.] Les moyens ? La subordination de la police française à la police allemande (ceci ne concerne que la zone occupée mais est essentiel pour H.) : [... la convention d'armistice nous donne le droit d'assurer le maintien de l'ordre. La police française doit collaborer avec nous...] Bousquet réagit : [La police française ne peut remplir son rôle que si elle reste totalement libre. Il faut la laisser aux mains des professionnels et ne pas la subordonner à la police allemande.] H. coupe avec un fameux : "Je ne peux pas vous suivre... sans en référer à Berlin". Ordre est donné à Oberg de mettre Bousquet au pas. Il quitte le Ritz à moitié satisfait. La balle est dans le camp d'Oberg qui réorganise les services. Knocken lui a préparé des cadres, des méthodes, des contacts ; ce qui manque sont les hommes. Il va les trouver à la Geheime Feld-Polizei, il enlève à la Wehrmacht ses policiers militaires reconvertis aussitôt en SS. Seuls les Feldgendarmes et les gardiens de prisons échappent à la mutation. Oberg divise ensuite ses forces en deux unités complémentaires. L'Ordnungspolizei (Orpo) dirigée par Schweinichen puis Scheer. Cette formation dépend à Berlin du SS-Gruppenführer Daluege, sa responsabilité est le maintien de l'ordre. Elle peut intervenir en unités militarisées sur le terrain, contre les maquis. La Sicherheitspolizei (Sipo), jumelée avec le SD, sous le commandement du SS-Standartenführer Knochen. La double organisation de Paris renforce ses succursales de province. Chaque région de la zone O. voit s'installer un représentant d'Oberg. 7 bureaux principaux dépendent de Oberg : - Bureau I : celui du personnel ; il administre tous les services de police, gère les problèmes de soldes, d'avancements, de mutation - Bureau II : les rapports avec la police française et avec l'administration militaire allemande (Si la Wehrmarcht a perdu peu à peu ses pouvoirs de police, elle assure cependant la garde des prisonniers et des camps) - Bureau III : SD proprement dit. Sa mission n'est pas directement répressive mais ses travaux fournissent les bases d'action aux exécutants des autres services. Outre la recherche du renseignement policier, la SD assure le contrôle des livres interdits (Liste Otto établie par la Propagandastaffel), surveille les bureaux d'achats allemands, apporte son aide aux services de Sauckel (chargé de recruter la main d'oeuvre française au service du Reich). Son chef Maulaz obtient des résultats de grande qualité - Bureau IV : la gestapo dont le chef Boemelburg sera remplacé fin quarante-trois par Stindt. A elle la lutte active contre les partisans et les Juifs. Au sein de ce bureau, le Sonderkommando du Hauptsturmführer Dannecker bénéficie d'une relative autonomie. Spécialisé dans le règlement de la question juive, il reçoit directement ses ordres d'Eichmann, il sera remplacé par son adjoint Röthke -contrôlé par un envoyé de Berlin, Brünner-. A côté de Dannecker sont contrôlés divers groupes d'action comme l'Interventionsreferat et la Selbstschutz dirigée par l'alsacien Bickler pour lesquels travaillent de très nombreux agents français - Bureau V : Kripo. Rôle technique : anthropométrie des prisonniers, expertises des armes saisies, coups de main pour les arrestations et perquisitions. Commandée par Koppenhofer puis Odewald - Bureau VI : pas de pouvoir répressif, surveillance technique (détection des radios clandestines, protection des personnalités allemandes, délivrance des visas, surveillance de la haute société française et même recrutement de prostituées pour les besoins des troupes d'occupation) - Bureau VII : dans l'organigramme du RSHA est spécialisé dans le rassemblement et la conservation des archives...
Oberg est Bd Lannes, Knochen avenue Foch, la gestapo rue des Saussaies, les collaborateurs non allemands rue de la Pompe et rue Lauriston. Pour les méthodes, elles sont connues et iront crescendo. Mais concernant le passage de H. à Paris, il semble (mes notes sont âgées) que ce soit encore et toujours pour appliquer d'abord une organisation structurée avec un de ses hommes à la tête. Maintenant si on veut vraiment entrer dans le sujet gestapo contre Résistance, il faudrait plus d'un livre.
D'après mes anciennes notes, il semblerait que H. n'ait eu nul besoin de superviser Oberg sur place à Paris. De plus ceci aurait laissé le champ libre à Himmler et ses manoeuvres d'un côté et à l'Abwehr de l'autre. On ne peut évoquer la carotte et le bâton comme un "système" initié par H. : c'est une tactique vieille comme le monde et dont il n'a pas eu/avait le monopole. Le fait même d'user plus du bâton que de la carotte n'est pas une marque spécifique à H. Quant aux souhaits d'Hitler, on les ignore concernant une possible mutation de H. puisque quelques semaines plus tard H. était assassiné, on ignore même manifestement si H. avait évoqué ceci devant Hitler, ce qui aurait été une question très secondaire à ce moment et plutôt source de problèmes internes voire de tensions. Quant à des plans esquissés dans le vol retour, je veux bien mais quelles sont les sources et quels auraient été les plans, car forcément ils auraient été novateurs ? Qu'est-ce qui n'avait pas encore été employé au point d'attirer l'attention de Hitler et de considérer Paris comme un bon avancement ? Pour que Paris soit envisagé pour H. il fallait donc qu'Oberg eut échoué et Oberg était un homme d'H. Il aurait été étonnant que H. obtienne alors un poste de superviseur pour un travail mal exécuté de l'un de ses subordonnés. Himmler, Borman ou autres auraient bien vite pointé le ratage au doigt, c'est du moins ce qu'il me semble.
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