carlo68 a écrit :
Tietie006 a écrit :
Soyons un peu sérieux ...s'appuyer sur des écrits d'extrême-droite pour étayer une thèse, l'existence de la synarchie, relève de tout, sauf d'un travail d'historien ...Pourquoi ne pas s'appuyer, aussi, sur le Protocole des Sages de Sion, pour étayer l'hypothèse du complot juif mondial. Vous ne saisissez apparemment pas la méthodologie du travail d'historien, qui doit avant tout faire une critique de ses sources, ce que ne fait pas Annie Lacroix-Riz.
L'exemple des protocoles est très mal choisi. Les protocoles sont une fabrication établie pour discréditer un ennemi politique. Mais doit-on exclure des écrits communistes pour expliquer un "complot" communiste? Ici vous voulez exclure les sources d'extrême-droite pour la compréhension d'un "complot" d'extrême-droite, c'est votre démarche que je trouve paradoxale...
Parlons un peu critique et permettez-moi de reprendre un message précédent:
Tietie006 a écrit :
Revenons sur les prolégomènes du pacte germano-soviétique vues par Annie Lacroix-Riz :
Page 495-496, l'historienne affirme que:
"l'historien Geoffrey Roberts est, sur la base d'archives soviétiques, catégorique sur l'initiative allemande et sur la répugnance soviétique jusqu'en août: le premier signe d'intérêt de Molotov pour un accord ne fut enregistré que le 11.".
Critique:
L'affirmation de Lacroix-Riz d'un subit intérêt des soviétiques pour une alliance avec l'Allemagne en août, me semble tout à fait erroné:
1°) Nous pourrions remonter à la mission de David Kandelaki, en 1936, missi dominici stalinien pour réactiver une coopération commerciale qu'avait arrêté Hitler, à son arrivée au pouvoir ou au discours de Molotov, en janvier 1936, devant le soviet suprême, qui, malgré une vive diatribe contre le Führer, demandait que les deux pays se rapprochent pour une collaboration pacifique. La mission Kandelaki se termina mal pour lui, puisque de retour en Russie, avec ses adjoints, Friederikson et Bessonov, ils furent tous exécutés. Ces négociations commerciales secrètes firent une quatrième victime, d'après Litvinov, l'agent soviétique Ignace Reiss, assassiné en Suisse, début septembre 1937, et qui avait été au courant de ces tractations. (Source: Note for a journal, de Maxime Litvinov, 1955, p.232).
La mission Kandelaki est avant tout une mission commerciale, qui ne sera d'ailleurs pas renouvelée. On peut y voir, sans éléments fort concrets, une étape importante du rapprochement germano-soviétique. Par rapport à ce qu'il reste officiellement de cette mission, cela me semble relevé du domaine de l'extrapolation.
C'est une démarche assez typique du complotisme: monter en épingle une rencontre plus ou moins banale et y voir absolument des négociations secrètes censées aboutir à un événement donné (ici le pacte) mettant en évidence
a-posteriori son caractère foncièrement machiavélique.
Tietie006 a écrit :
2°) Mais le 1er janvier 1939, lors de la cérémonie des voeux, Hitler s'adresse à l'ambassadeur soviétique, chose qu'il n'avait plus faite depuis 1934. Le geste est remarqué à Moscou, et, 10 jours plus tard, l'ambassadeur soviétique propose aux allemands une réactivation des négociations commerciales interrompues depuis la fin de la mission Kandelaki. A la fin du mois de janvier, les allemands envoient Karl Schnurre à Moscou, pour prendre langue avec les soviétiques. Mais les négociations n'aboutiront sur rien. (Source: Karl Schnurre and the evolution of Nazi-soviet relation, 1936-1941, par Eduard E.Ericson III, German Studies, Association, 1998).
Je vous confirme que les relations germano-soviétiques ne sont pas vraiment intenses à cette époque.
Tietie006 a écrit :
3°) Le discours de Staline devant le 17eme congrès, le 10 mars 1939. Ce jour-là, devant un aéropage d'apparatchiks, il présente les deux futurs objectifs primordiaux :
- continuer une politique de pays et de bonnes relations commerciales avec tous les pays.
- être prudent et ne pas permettre que les provocateurs de guerre, habitués à tirer les marrons du feu, entraînent notre pays dans un conflit.
Du côté de Berlin, on interprète ce discours comme une défiance aux démocraties, désignés, implicitement, comme des "provocateurs de guerre". Ici, d'ailleurs, Staline n'a pas tort. Le lâchage, par les alliés, de la Tchécoslovaquie, à Munich, en septembre 1938, l'annexion pure et simple de la Bohême-Moravie, par le Reich, en mars 1939 ainsi que l'occupation de Memel, en Lituanie, le 23 mars 1939, ne peuvent qu'inciter le géorgien à penser, à juste raison, que les démocraties poussent Hitler à attaquer l'URSS.
D'accord.
Tietie006 a écrit :
4°) Le 3 mai 1939, un deuxième signal est envoyé à Berlin, avec le remplacement du commissaire aux affaires étrangères, le très naziphobe Maxime Litvinov, qui avait le désagrément d'être juif, par Molotov, homme sans état d'âme, qui travaillera toujours au service de Staline malgré l'envoi, au Goulag, de sa femme, Paulina Molotova, en 1948. La judéité de Litvinov n'était pas adapté aux futures négociations avec les allemands.
Ça c'est la thèse courante, Litvinov mis de côté parce que Juif. Pourtant la nomination de Molotov est limpide, dans le tournant que prennent les événements en Europe, la direction des affaires étrangères devient un poste-clé qu'on destine à un homme dont la détermination politique n'est plus à démontrer et le prestige important. Relier à cela des faits qui se dérouleront dix ans plus tard (Jemtchoujina) pourquoi pas si vous pensez y trouver une explication psychologique (au demeurant un peu réductrice puisque Molotov n'est pas un yes-man), si A L-R faisait cela, vous seriez le premier à crier à l'amalgame. Par ailleurs dans ses relations avec les Allemands, Staline veillera toujours à introduire l'un ou l'autre Juif (le toast obligé de Ribbentrop à Kaganovitch ou la jonction de Brest-Litovsk menée par Krivoshein).
De nouveau nous trouvons dans votre explication une forte teinte complotiste, Molotov remplace Litvinov pour une raison essentielle: il est Juif et ne plaira pas à Hitler. Donc la politique soviétique est dans une orientation pro-allemande. Il y a d'autres explications, à la fois plus simples et parfaitement documentées, mais vous choisissez celle qui convient le mieux à votre thèse, celle d'un schéma aux racines profondes et machiavéliques (bis repetita), celle d'un complot.
Tietie006 a écrit :
5°) A la mi-juin 1939, le conseiller soviétique à Berlin, Georgi Asthakov fait passer un message aux allemands par l'ambassadeur de Bulgarie, Dragonov, disant que si l'Allemagne et l'URSS signaient un pacte de non-agression, l'URSS ne traiterait pas avec les anglais. (Source:Karl Schnurre and the evolution of Nazi-soviet relation, 1936-1941, par Eduard E.Ericson III, German Studies, Association, 1998)
Astakhov est approché en juillet pour des discussions d'abord commerciales. En tout cas Roberts dans son ouvrage dit clairement qu'Astakhov reçoit des messages de Schnurre et transmet à Moscou, mais que Moscou le laisse sans instructions précises jusqu'en août. Mais bon, ce n'est pas moi qui ait fait la recherche, je ne soutiendrai pas Roberts mordicus, ceci dit, il n'est pas le seul à dire que les discussions ne débutent sérieusement qu'en août.
Mais bien sûr il y a la mystérieuse rencontre entre le Bulgare Dragonov et Astakhov, il y aurait sans doute lieu de s'interroger sur une rencontre dont finalement pas grand monde ne parle et certainement pas Astakhov arrêté en 39, fusillé en 42. Mais on a bien là de nouveau un élément caractéristique du complot, et aussi, je vous l'accorde, des relations internationales.
Tietie006 a écrit :
6°) Et dès la mi-juillet, Schnurre, l'adjoint de Ribbentrop et Asthakov, entament des pourparlers sur le futur pacte qui sera signé le mois suivant.
En résumé, les soviétiques ne changèrent pas d'avis, subitement, en août, devant la mauvaise volonté franco-anglaise, mais avaient déjà sondé les allemands depuis janvier 1939.
Les Soviétiques changèrent d'avis et assez brusquement puisque l'alliance occidentale était clairement privilégiée. Que Staline ait envisagé une alternative, ce n'est que de la politique, mais c'est Hitler qui insiste et Staline qui prend la proposition. Les Soviétiques n'avaient pas à sonder les Allemands puisque ceux-ci proposaient clairement plus que simplement des accords commerciaux.
1°) Pourquoi, vous croyez que le livre de
Chavin, sur le
Mouvement Synarchique d'Empire et la Convention Synarchique Révolutionnaire est autre chose qu'une construction fantaisiste à la
Protocole de Sion ? Et d'ailleurs, pour les ultra-collabos comme
Mamy, cette Synarchie est un groupe conservateur/réactionnaire, assimilé au gouvernement de
Vichy, qu'abhorre les ultra-collabos. Donc lorsqu'on travaille en tant qu'historien, on évite de prendre pour argent comptant ce genre de prose, comme le fait Annie Lacroix-Riz, qui brode sur la synarchie jusqu'à la nausée.
2°) La mission
Kandelaki a toutefois bien existé, même si elle ne relève que du registre commercial. Je ne vois pas en quoi elle relèverait du complotisme, puisqu'elle s'inscrivait dans la pratique des traités de
Rappalo et de
Berlin, dans les années 20, qui avaient réuni les deux "pestiférés" européens.
Staline a toujours été un real-politicien, comme le démontrera le pacte germano-soviétique, et cette mission avait juste pour but de tâter les possibilités de renouer des relations commerciales et surtout financières avec le
Reich.
D'ailleurs, il y avait déjà eu des tractations entre les deux parties lors du Procès
Dimitrov, fin 1933.
http://mobile.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/proces-de-leipzig-septembre-831183°)
Molotov était Monsieur
Niet pour l'extérieur, mais à l'intérieur du régime soviétique, tous les adjoints de
Staline étaient des "
yes-man". La particularité de
Staline, par rapport à
Hitler, par exemple, c'était de ne pas faire de sentiments avec son entourage proche. Voir le sort tragique de ses belles-familles, les
Sanidze ou les
Allilouiev et de la famille de quelques-uns de ses collaborateurs. La femme de son secrétaire particulier,
Poskrebyshev, fut par exemple arrêtée en 1939 et fusillé deux ans plus tard, ce qui n'a pas empêché son secrétaire de continuer à travailler encore pour lui.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Nikola%C3%AFevitch_PoskrebytchevJe ne parle pas même pas de ses proches comme
Ordjokonidzé ou
Boukharine ...et tous les autres ...
Et le remplacement du "juif"
Litvinov par
Molotov, serait alors une coïncidence, juste avant le pacte germano-soviétique ?
4°) Surtout qu'après le pacte germano-soviétique d'août 1939, un deuxième traité, du 28 septembre 1939, renforça la collaboration économique et politique entre les deux pays ...qui aboutit, notamment à la livraison, à la
Gestapo, de quelques communistes allemands, comme
Beuber-Neumann http://fr.wikipedia.org/wiki/Margarete_Buber-Neumannet surtout à la livraison, au Reich, de matières premières stratégiques, comme le pétrole, pour faire la guerre aux franco-anglais.
Sans compter les juifs de la zone polonaise allemande qui furent refoulés par les soviétiques.
Donc pour une
Annie Lacroix-Riz qui parle d'une alliance contrainte et forcée avec le
Reich, et qui affirme que même après le pacte, l'URSS agit comme une alliée des démocraties occidentales (sic), je trouve que les soviétiques furent assez zélés dans leur collaboration avec les allemands ...