Bonjour,
La problématique est beaucoup plus complexe que cela : la France était un pays de quarante millions d'habitants qui faisait face à une Allemagne qui en comptait 80. Le Royaume-Uni fournissait une aide décisive en matière aérienne et surtout navale, mais son corps expéditionnaire de dix divisions ne compensait guère cette disproportion. Quant aux Belges et aux Hollandais, ils étaient neutres et même si ce choix leur a été fatal en 1940, on ne pouvait les compter comme des alliés - et de toute manière, leurs forces désunies ne contrebalançaient pas le déséquilibre constaté.
Pourtant, les atouts français étaient nombreux : la mobilisation de l'empire permettait d'obtenir des ressources humaines qui, elles, auraient pu avec le temps améliorer le rapport de force ; la mobilisation économique et industrielle promettait d'offrir à l'armée française un équipement de premier ordre ; le Royaume-Uni, habitué à une petite armée professionnelle, aurait pu mobiliser plus d'hommes et de matériels aussi ; les effets du blocus naval et l'isolement relatif de l'Allemagne auraient pu commencer à fissurer la belle mécanique militaire allemande ; sans compter la possibilité d'obtenir de nouvelles alliances qui auraient pu faire pencher la balance (Etats-Unis d'Amérique par exemple).
Pour les obtenir, il convenait de gagner une bataille : celle du temps. On peut légitimement penser qu'en 1942 et même en 1941, la France aurait eu une armée bien plus solide, bien mieux équipée, bien plus prête en gros. Dans cette optique, une logique défensive, derrière la "muraille de France", était parfaitement rationnelle*. C'est plus l'application pratique, tactique d'un concept d'ordre stratégique qui est à mettre en cause que ce concept même. La mise en oeuvre du plan "Dyle-Breda" fut une catastrophe puisque là où Gamelin voulait une bataille décisive en Belgique, celle-ci eut lieu, complètement impréparée côté français, dans les Ardennes. Si Gamelin avait anticipé un tel glissement stratégique allemand de Belgique vers la Meuse et avait mis les moyens pour le parer (en envoyant plusieurs solides divisions de série A et ses divisions cuirassées "antichars" entre Monthermé et Sedan par exemple), nul ne sait ce qui aurait pu arriver mais le sort de la campagne eut pu être différent.
Moins drastique, plus crédible, le seul fait de ne pas inclure la variante "Breda" dans le plan "Dyle" aurait maintenu la VIIe Armée française en réserve stratégique et aurait donné des moyens de réagir à la percée allemande sur la Meuse qui firent cruellement défaut après le 14 mai 1940.
En tout état de cause, ce n'est pas parce que l'armée française n'était pas dans une logique de guerre de mouvement qu'elle a perdu la campagne ; c'est bien parce qu'elle s'y est essayé en Belgique sans penser à protéger le pivot de sa manoeuvre et sans conserver une réserve stratégique capable de rétablir toute situation compromise.
* même s'il est vrai que le maintien de troupes d'intervalle pléthoriques, en sus de troupes de forteresse déjà quantitativement et qualitativement importantes, est un choix critiquable et que le retrait de ses troupes, trop tard car elles seront anéanties dans la déroute du GA n°2, aurait dû intervenir dès la "Drôle de Guerre".
CNE503
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