Barbetorte a écrit :
Je reste convaincu de l'irrationalité japonaise.
Barbetorte a écrit :
Le Japon était certes une grande puissance mais il ne pouvait cependant rivaliser avec les Etats-Unis ni par sa démographie, ni par son niveau technologique ni par ses capacités industrielles. L'amiral Yamamoto l'avait bien compris : le Japon bénéficiait d'un avantage initial mais l'aventure ne pouvait que mal se terminer.
Barbetorte a écrit :
A cette erreur d'appréciation, s'en est ajoutée une deuxième. Tout comme les nazis, les Japonais étaient convaincus de leur supériorité morale. Les Américains leur ont appris qu'eux aussi en avaient.
Commettre une erreur d’appréciation ne signifie pas forcément être irrationnel.
Dans son livre «choix fatidiques » Ian Kershaw décrit de manière passionnante le processus de cette prise de décision. Elle comporte à mon sens une part rationnelle et une part irrationnelle.
La part rationnelle me semble être la suivante :
- il y a (presque) consensus au sein des dirigeants japonais pour dire que se soumettre aux exigences américaines (évacuer la Chine, l’Indochine, etc) est inacceptable pour le Japon, qui y perdrait les ressources et le prestige nécessaires à son statut de grande puissance. Et aussi apparemment pour penser qu’un affrontement surviendra tôt ou tard avec les USA, concessions ou pas. On peut se dire que cette appréciation est erronée, mais en fait on n'en sait rien - c'est la différence entre le politique qui doit prendre une décision en avenir incertain, et l'historien qui regarde ce qu'il s'est passé....
- à partir de ces hypothèses, un peu comme l’Allemagne avec la Russie en 1914, les dirigeants arrivent à la conclusion que la Japon a de meilleures chances de gagner la guerre maintenant que plus tard, en ayant abandonné des territoires et des ressources.
La part irrationnelle de la décision prise par « le Japon » est que, telle que décrite par Kershaw, elle résulte d’un jeu d’acteurs entre les représentants de l’armée, de la flotte, des affaires étrangères et de l’économie, dans lequel chacun (en particulier les deux premiers) a davantage en vue les intérêts particuliers de son lobby que les intérêts généraux du Japon. Une difficulté qu’aucun premier ministre ne parvient à surmonter.
J’ai le sentiment qu’en disant aujourd’hui : « le Japon a été fou de déclarer une guerre qu’il ne pouvait pas gagner », on se trompe d’approche : pour la quasi totalité des dirigeants de l’époque, la question était : la guerre étant inéluctable, quel est le meilleur moment et la meilleure manière de la déclencher ?
Malgré un manque criant de statistiques fiables, Tojo estimait : « nous pouvons nous débrouiller tant bien que mal en 1942 et 1943. Nous ne savons pas ce qui arrivera après 1944. ».
De manière un peu cynique, je dirais qu’en s’étant rendu en août 1945 et seulement après deux bombes atomiques, le Japon a fait un peu mieux que les prévisions de Tojo, ce qui semble vouloir dire que leur décision de 1941 a été rationnelle.
Quant à la supériorité morale (qu’il faut remettre dans le contexte de ces années 30-40 où le racisme était une chose très partagée), même s’il est certain que ce sentiment était répandu dans certains milieux militaires, je ne suis pas du tout convaincu que cela ait joué dans la décision au plus haut niveau (cela n’apparaît pas dans le récit de Kershaw)