Uvajif a écrit :
La mayral a écrit :
Qui était conscient des lacunes françaises ? N'avait t'on pas idée de voir ce qui se passait ailleurs ?
Un colonel s'est fait remarquer avant la guerre en critiquant ce qu'il nommait "L'esprit de la ligne Maginot" -notre fameux général De Gaulle- à l'époque encore, le colonel De Gaulle.
Son livre: "Vers l'armée de métier" plaide pour un abandon de la ligne Maginot et un reversement de tous les fonds versés dans cette ligne dans la production en masse de chars et d'avions qu'il faut selon lui concentrer en grande quantité. Il est un des seuls à se rendre compte que l'armée française est encore celle de 1918 et qu'elle est dépassée pour faire une guerre moderne. Mais j'ignore comment il arrive à se défaire alors de la doctrine française pour le réaliser (sujet intéressant tiens.)
Mais il ne sera pas beaucoup écouté au grand damne de la France comme on le sait aujourd'hui. Le fait qu'il ne soit pas écouté lui et ses idées nouvelles vient surtout à mon avis, du fait du non-renouvellement par la nouvelle génération d'officiers de la classe commandante qui est toujours celle de 1ère GM, vieillissante. Il faudra attendre le cœur de la débâcle pour qu'il soit nommé général, après s'être illustré à la tête de ses chars.
Je ne pense pas que De Gaulle ait plaidé contre la ligne Maginot. Quand il a commencé sa croisade en faveur des divisions cuirassées le projet était déjà bien avancé si ce n'est terminé. (Les gros ouvrages sont terminés en 1933, et la parution de "Vers l'armée de métier" date de 1934) Et puis cette ligne pouvait jouer un rôle non négligeable.
Ce que De Gaulle critiquait depuis l'école de guerre c'est la doctrine du "front continu." Il estimait qu'elle n'avait plus de sens avec la motorisation des unités et la mobilité qu'elle permettait, et rappelait que déjà en 1918 il n'existait plus de front inviolable.
Il n'était pas le seul à se rendre compte des insuffisances de l'armée française. En tous cas, bien que son projet ait été rejeté par l'assemblée nationale - essentiellement parce que la gauche se méfiait du risque politique d'une armée de métier - l'idée était suffisamment avancée pour que l'armée se décide à mettre sur pied des divisions cuirassées, et d'abord parce qu'on observait au delà du Rhin la mise sur pied des Panzerdivisionen. Le problème est que le haut commandement et la plupart des généraux n'avaient pas compris le principe de leur utilisation en tant que masse compacte destinée à percer le front, ou à combattre une intrusion de blindés. Jean Lacouture raconte qu'un général demandant quelle était leur doctrine d'emploi se vit répondre que ce n'était destiné qu'à répondre à une certaine mode dans une partie de l'armée.
Et de fait les trois premières divisions cuirassées ont été perdues dans des combats où elles n'ont jamais pu agir en masse, faute d'unité de commandement pour les manoeuvrer. Le pompon est atteint avec la 3ème DCR, qui est dispersée pour servir de soutien d'infanterie, ce qui est une absurdité.
Citer :
Le P. C. de la 3e D. C. R. est aux Petites Armoises, à côté du P.C. de la 3e division motorisée. Les éléments blindés sont en position de départ au sud du bois du Mont-Dieu, entre les Grandes-Armoises et Stonne, Aucun d'ordre d'attaque ne leur parvient. Le général Flavigny a renoncé à contre-attaquer avec la 3e D.C.R. et décidé d'appliquer tous ses moyens à la consolidation de son front qu'il redoute de voir craquer. II prescrit au commandant de la division, le général Brocard, de répartir ses éléments sur tout le front du corps d'armée. Décision malheureuse s'il en fut. Les chars avaient atteint leurs emplacements de départ au milieu de difficultés inouïes. II leur faut faire demi-tour et se porter en soutien d'infanterie pour interdire aux blindés ennemis les itinéraires de pénétration. En somme constituer des bouchons mixtes, chars B et chars H.
On venait de casser la troisième de nos divisions cuirassées.
Pour le récit détaillé voir
http://www.chars-francais.net/new/index.php?option=com_content&task=view&id=593&Itemid=71De Gaulle n'est pas le mouton noir du haut commandement : c'est à lui qu'on confie la 4ème DCR en cours de formation. Il fera son devoir, utilisera ses moyens de façon cohérente, mais à une date où il est trop tard pour contrer l'avalanche des blindés allemands.
Le fait le plus notable est tout de même qu'un simple colonel ait osé critiquer publiquement la doctrine de ses chefs, et obtenir suffisamment d'appuis politiques pour que ce débat aille jusqu'à l'assemblée nationale. (Ces appuis politiques expliquent sans doute qu'on n'ait pas osé le sanctionner.) De Gaulle a déjà une envergure qui dépasse son grade. Je pense que son erreur est d'avoir estimé que les divisions de chars devaient être strictement formées de professionnels, une idée inacceptable à l'époque par la gauche. (L'expérience prouvera que des divisons blindées peuvent être formées en partie par des appelés.)