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Message Publié : 23 Mai 2019 10:00 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
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J'attire votre attention sur un fait de «micro histoire» tiré du chapitre «Évasions et captivités en Russie» de Jean Louis Cremieux-Brilhac dans l'ouvrage sous la direction de Maurice Vaïsse,De Gaulle et la Russie, pp. 75-90, Éditions Biblis, N° 16.

Il s'agit de prisonniers de l'armée française capturés en 1940 lors de la défaite de mai-juin, transférés en Poméranie, en Prusse Orientale ou dans le Gouvernement général de Pologne, qui s'évadent là où ils le peuvent c'est-à-dire en URSS (Russie selon la terminologie gaullienne!!), puisque après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne d'un côté et par l'URSS de l'autre, la frontière germano-soviétique est commune . Seul un arrivera à s'évader vers la Lituanie à Kaunas à 100km de la frontière.

- Cette nouvelle frontière a des caractéristiques : il n'y pas de fortifications «au sol, par des obstacles matériels sérieux donc la surveillance est assez légère surtout du côté allemand. Elle est plus en profondeur du coté russe par des effectifs nombreux de militaires et de gardes-frontière «chargés d'interdire toute infiltration». De sorte que 217 militaires français, auxquels s'ajoutèrent 12 soldats britanniques, évadés le plus souvent par deux ou trois, quelques fois seuls, furent arrêtés ou dénoncés auparavant.

- Ils furent de suite soupçonnés d'espionnage et immédiatement arrêtés et mis au secret. Ils étaient passibles de poursuites en vertu de l'article 84 du Code pénal, qui punissait de 1 à 3 ans de camp le passage illégal de la frontière.

Ni leur statut de français ni, pour quelques-uns, leur appartenance au parti communiste ne leur furent d'aucun secours.
Après un délai variable d'incarcération dans les geôles infectes et surpeuplées de la zone frontière, puis de Grodno ou de Bialystok, ils furent expédiés à Moscou à la prison Loubianka. (ex du jeune sergent de carrière Paul Fauvelle, fait prisonnier le 1er juillet 1940 toujours au secret à Loubianka en mi-janvier 1941.

Dès octobre cependant, les autorités soviétiques avaient reconnu qu'il y avait un cas spécifique des évadés militaires occidentaux. Elles les regroupent à la prison de Moscou de Boutyrki.. Lesd évadés bénéficièrent désormais d'un traitement sans aménité mais incomparablement moins rude que celui des militaires polonais.
Au début de février 1941, quelque 70 militaires français dont 4 sous-officiers de carrière et 4 aspirants se trouvaient ainsi à la prison Boutyrki, répartis en 3 cellules. Le 3 février quelques-uns entament une grève de la faim. Le Directeur du NKVD pour les affaires concernant les prisonniers de guerre et internés, Soprounenko ordonna l'évacuation de la majorité (français) dans un camp de delestage : annexe du monastère de Kozielsk. Une fraction demande alors à être rapatriée en France (De Gaulle)
Les russes firent preuve d'un curieux mélange de rigueur et de mansuétude : les deux grèves furent matées brutalement, mais sans autre sanction. Soprounenko se déplace lui-même pour «parlementer». Une nouvelle phase arrive grâce à ces deux grèves. Français et Anglais dispensés de «stage» et malgré les chiens des gardes on laisse ces prisonniers s'autogérer. «Leur collectif forme une sorte de village concentrationnaire dans l'immensité russe» (p.79). C'est le propre fils du général Billotte, le capitaine breveté d'État-major Pierre Billotte qui devient à son arrivée le «starchi» (directeur du camp).

Cela n'empêche pas les rapports de se politiser et de se durcir :entre français eux-mêmes, et entre Français et Soviétiques. Neutralité soviétique (ambassadeur à Vichy et Pravda)
Opposition entre les non-communistes de plus en plus nombreux contre les communistes ou sympathisants.

Après le 22 juin 1941 (Barbarossa) les prisonniers anglais sont remis à l'ambassade anglaise à Moscou.

Le sort des prisonniers français est plus incertain : avec le déplacement des troupes russe ils sont acheminés vers le nord ( wagons à bestiaux cadenassés) sur le camp de Grazoviets près de Vologda.

Le 24 juillet 1941 le général De Gaulle alors au Caire a vent de l'affaire. Les anglais sont prévenus mais méfiants quant à la libération de prisonniers potentiellement agents de Moscou.

Billotte est libéré et accueilli avec les honneurs d'un chef de délégation.
Il opère un criblage des prisonniers : ils exclue les 14 communistes et également les derniers à avoir souscrit à la demande d'engagement dans les Forces Française libres .

:arrow: Ce sujet peut déborder sur les prisonniers de guerre pendant le second conflit mondial. Je mets d'ailleurs quelques éléments bibliographiques que j'avais déjà notés dans le fil sur les prsionniers allemand et De Gaulle lors de la campagne de Tunisie.


:arrow: Fabien Théofilakis, Les Prisonniers de guerre allemands (France, 1944-1949), Fayard, 2014

:arrow: Yves Durand, La Captivité. Histoire des Prisonniers de guerre français (1939-1945), 1980

:arrow: Jean-louis Crémieux-Brilhac, Prisonniers de la liberté, Paris, Gallimard, 2003


Et désolé si le résumé/présentation est un peu décousu... :oops:

_________________
«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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Message Publié : 23 Mai 2019 17:00 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Je connaissais l'existence de ces prisonniers en Russie, qui partent vers la France Libre après Barbarossa (je crois qu'à Londres on les a appelés un moment "les Russes" !) parce que l'un d'un est forcément très connu : De Boissieu, futur gendre du général. (il épousera sa fille Elisabeth.)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_de_Boissieu#Captivit%C3%A9
Citer :
Transféré vers l'Allemagne, Alain de Boissieu se trouve en Belgique lorsque le 19 juin, il prend indirectement connaissance de l'appel du général de Gaulle lancé la veille sur les ondes de la BBC. Décidé à poursuivre le combat, il tente sans succès de s'évader de son train à Mayence. Emprisonné à l'Oflag II-D en Pologne, il est promu lieutenant en septembre, pendant sa détention. Le 28 mars 1941, en compagnie des sous-lieutenants Aloys Klein et Jacques Branet, il parvient à fausser compagnie à ses geôliers et à gagner l'URSS. Cependant, celle-ci étant encore liée avec l'Allemagne par le pacte germano-soviétique, les deux hommes sont à nouveau incarcérés lorsqu'ils demandent à partir en Angleterre pour y rejoindre le général de Gaulle.

Lorsque qu'Adolf Hitler lance l'opération Barbarossa, entraînant les Soviétiques à s'allier au Royaume-Uni, les prisonniers français sont rassemblés au sud de Moscou et leur liste transmise à la France libre par l'intermédiaire des autorités britanniques. Avec 185 camarades menés par le capitaine Pierre Billotte, Alain de Boissieu parvient jusqu'à Arkhangelsk où il embarque vers l'île de Spitzberg puis vers la Grande-Bretagne. Il débarque à Camberley le 12 septembre 1941 et signe immédiatement son engagement dans les forces françaises libres.


Mais son parcours est beaucoup moins heurté - le mot est faible - que ceux que vous décrivez, pour qui ça n'a pas été des vacances ! :rool:

En fait ils semblent avoir eu de la chance que Staline veille à ne pas créer de "casus belli" avec les Alliés, (l'Angleterre et De Gaulle, en fait, mais quand il s'agit d'opinion publique, il faut toujours compter les USA, trop puissants pour qu'on les fâche) Seulement comme toujours avec la bureaucratie et l'inévitable pagaille russe, ça n'a pas été acquis en deux jours.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 23 Mai 2019 17:24 
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Salluste
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Inscription : 11 Juin 2012 17:37
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Merci pour ce sujet passionnant.

Un autre cas intéressant est celui du capitaine Henry FOURNIER-FOCH.
Il s'évade en 1945 et rejoint les lignes soviétiques. Il prend plus ou moins le commandement d'une action offensive. Il sera décoré à plusieurs reprises et finira lieutenant-colonel de l'armée rouge en charge notamment de tous les ressortissants français en territoire libéré. Il sera un des premiers à prendre à coeur le terrible sort des "malgré-nous"
Ses mémoires sont passionnantes.

A noter que d'autres prisonniers français rejoindront les partisans. Notamment en Tchécoslovaquie (bataillon Foch du lieutenant de Lannurien).

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Message Publié : 28 Mai 2019 23:57 
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Jean Froissart
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Inscription : 23 Déc 2004 18:02
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Localisation : Généralité de Riom & Bourbonnais
Oulligator a écrit :
:arrow: Fabien Théofilakis, Les Prisonniers de guerre allemands (France, 1944-1949), Fayard, 2014

:arrow: Yves Durand, La Captivité. Histoire des Prisonniers de guerre français (1939-1945), 1980

:arrow: Jean-louis Crémieux-Brilhac, Prisonniers de la liberté, Paris, Gallimard, 2003



j'avais relevé aussi pour les prisonniers Français principalement, quoi que celui des PUR évoque aussi Polonais et Allemands

Histoire de la captivité des Français en Allemagne
Pierre Gascar, Gallimard 1967

Les 2 600 000 otages d'Hitler, la France puissance protectrice de ses prisonniers de guerre
René de Chambrun, Editions France Empire 1988

La captivité des prisonniers de guerre, Histoire, art et mémoire 1939-1945
Jean-Claude Catherine/Collectif, Presses Universitaires de Rennes 2008
http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=1787
http://www.pur-editions.fr/couvertures/ ... 98_doc.pdf

Les Prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance 1940-1945
Jean Védrine, Fayard 2013

plus local
Les Prisonniers de guerre coloniaux dans les fronstalags landais
François Campa, Dossiers d'Aquitaine 2013

et quand on commence à s'intéresser aux publications de mémoires et souvenirs, alors là il y'a une abondante "littérature des stalags" qui remplit un petit annuaire


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Message Publié : 01 Juin 2019 20:20 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
Passionnant. Ces hommes ont eu un capital chance exceptionnel... Si peu d'hommes, je ne crois pas à la crainte du "casus belli" (il suffit de noter qu'à la fin du conflit, lorsque le père Joseph a toussé, on a un peu revu/adapté la notion de crime contre ceci ou cela), il existe vraiment des hommes nés sous une "bonne étoile". 8-|
.

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"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 23 Nov 2020 12:28 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
Message(s) : 1388
Je viens de trouver cette référence sur le site des PUB (Presses Universitaires de Bordeaux) :

http://www.pub-editions.fr/index.php/ouvrages/de-la-jeunesse-hitlerienne-aux-camps-de-prisonniers-de-l-atlantique-lettres-de-wolfram-knochel-1943-1948.html


Ce sont des lettres d'un prisonnier allemand en France , établies et commentées par une Historienne.

Citer :
Wolfram Knöchel appartient à cette génération d’Allemands porteurs du projet nazi avant de payer le prix fort de son échec. Lycéen enrôlé dans la Wehrmacht en 1943 après avoir été embrigadé dans les Jeunesses hitlériennes, il est fait prisonnier de guerre en mars 1945 par les Américains. Transféré aux Français et affecté dans le Sud-Ouest près du littoral atlantique, il se porte volontaire pour le déminage. Loin des siens restés dans la zone soviétique d’occupation, il doit surmonter ses souffrances physiques et morales. Libéré fin décembre 1947, il sort transformé de sa captivité. C’est ce processus que donnent à lire les quelque 170 lettres écrites à ses parents entre 1943 et 1948, miraculeusement conservées. On y suit ses réflexions, ses inquiétudes, ses doutes, son aveuglement aussi. Ce témoignage exceptionnel reflète la sortie de guerre d’un jeune soldat et inscrit son histoire personnelle dans celle, plus large, des rapports franco-allemands à un moment clef de l’histoire européenne.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
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L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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