Hervé Bentégeat sort chez Albin Michel "Et surtout, pas un mot à la Maréchale ! Pétain et ses femmes"
Voici un entretien dans BibliObs où il revient sur la démission de Reynaud :
BibliObs : "Le destin de la France, en juin 1940, s'est joué à l'humeur d'une femme"Citer :
Pendant que Pétain courait les bordels, la maîtresse de Paul Reynaud aurait livré la France à l'Allemagne... C'est la thèse d'Hervé Bentégeat dans un essai étonnant. Entretien.
Si Pétain était mort en 1936, il serait parti en héros. Las ! L’histoire en a voulu autrement. Outre son rôle dans la Collaboration, Pétain fut aussi l’homme de l’hypocrisie: il prit systématiquement le contrepied de la devise de l’Etat Français, «Travail, Famille, Patrie».
On découvre, dans «Et surtout, pas un mot à la Maréchale» de Hervé Bentégeat, la vie intime du maréchal: coureur de bordels, rétif au mariage, séducteur même dans son grand âge. D’une plume alerte, se basant sur une documentation irréprochable, l’auteur, chemin faisant, nous dévoile les coulisses de la politique, et fait une révélation. Tandis que Pétain batifolait, Paul Reynaud, président du Conseil en 1940, se faisait mener par le bout du nez par une hystérique.
La France coule, les Allemands arrivent ? Tout se joue dans l’alcôve. Lecture passionnante: Hervé Bentégeat fait apparaître, dans son livre, une figure qui a joué un rôle décisif aux heures tragiques de l’armistice, Hélène de Portes. Au fond, Pétain et Reynaud, même aux heures les plus noires, pouvaient dire à leurs maîtresses respectives: merci pour ce moment.
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Il y a à ce moment-là, au sein du gouvernement et de la classe politique, deux camps qui commencent à se dessiner: ceux qui veulent poursuivre le combat contre l’Allemagne hitlérienne – combat qui s’enlise dans ce qu’on a appelé la «drôle de guerre» -, et ceux qui se disent qu’elle n’a pas de sens et qu’il faudra bien trouver un terrain d’entente avec l’Allemagne, au besoin dans le dos de l’allié anglais. Ce clivage ne recoupe pas, d’ailleurs, celui de la droite et de la gauche: il y a des «durs» et des «mous» dans les deux camps. Hélène de Portes fait clairement partie de ceux qui prônent une alliance à terme avec l’Allemagne. Elle est anglophobe et germanophile.
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Elle a sur Reynaud une influence considérable. Il l’associe à tout. Elle assiste aux réunions de cabinet. Elle fait et défait les ministres comme les hauts fonctionnaires. Elle les convoque, les rabroue, leur donne des directives.
On a là-dessus mille témoignages : celui du conseiller diplomatique de Reynaud, de son conseiller militaire, de Daladier, le ministre des Affaires étrangères, de Mandel, le ministre de l’Intérieur, du Président du Sénat, de l’envoyé spécial de Churchill, le général Spears, de l’ambassadeur des Etats-Unis… Et même de De Gaulle, qui deviendra sous-secrétaire d’Etat à la Guerre…
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En mai 1940, peu après l’offensive allemande qui bouscule l’armée française et va la mettre à genoux en trois semaines, Reynaud l’appelle en catastrophe au gouvernement, pour redonner le moral au peuple et aux troupes. Son prestige est toujours immense. C’est Hélène de Portes qui l’accueille, dans l’appartement de Reynaud, et lui lance. «Monsieur le Maréchal, empêchez Paul de faire des bêtises !»
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Car Paul Reynaud, en fait, n’a rien d’un dur: c’est un hésitant, qui oscille sans cesse entre les partisans de l’armistice et ceux qui veulent poursuivre le combat depuis l’Afrique du Nord.
Avec lui, c’est le dernier qui parle qui a raison. Et la dernière, ce sera Hélène de Portes… L’ambassadeur des Etats-Unis est consterné par l’influence qu’elle exerce sur le chef du gouvernement. Il écrit à Roosevelt: «Ne dites rien de confidentiel à Reynaud au téléphone: la dame est toujours là et répète partout tout ce qu’elle a entendu !»
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Mais Pétain est déjà convaincu que la France a perdu la guerre et mène un travail de sape pour entraîner avec lui la majorité du gouvernement.
Reynaud est épuisé, et ne sait plus ce qu’il faut faire. Hélène de Portes ne cesse de le harceler. Dans l’après-midi du 16 juin, il tente encore de convaincre son gouvernement de poursuivre la guerre à partir des colonies, d’autant que la Grande-Bretagne, par l’intermédiaire de De Gaulle, vient de proposer à la France une union totale des deux pays. Mais Hélène de Portes ne le lâche pas: au cours de cet ultime conseil des ministres, elle lui fait passer un mot pour lui interdire de livrer la France à l’Angleterre, l’ennemie héréditaire…
Que fait Reynaud alors ?
Il donne sa démission le soir même, et le président de la République nomme Pétain chef du gouvernement.
Si l’on vous suit, le destin de la France s’est joué à rien…
A rien. A l’humeur d’une femme. Tout pouvait basculer de l’autre côté… Les navires pour transporter des armes et des hommes de l’autre côté de la Méditerranée étaient prêts.
Et comment tout cela se termine-t-il ?
Tragiquement. Paul Reynaud et Hélène de Portes ont un accident de voiture à la fin du mois de juin 1940, qui lui sera fatal. En l’apprenant, de Gaulle, déjà réfugié à Londres, s’écrie: «J’espère qu’elle est crevée, la salope !» Elle l’était.
Propos recueillis par François Forestier