Comme je l'ai dit, l'affaiblissement est graduel, le point bas étant atteint après le 20 juillet 1944.
En fait, on peut distinguer plusieurs phases : - jusqu'en février 1938, l'armée (de Terre) est un véritable contre-pouvoir potentiel à Hitler, capable de s'opposer à lui au point d'être menaçante pour son pouvoir, éventuellement ; - après l'éviction de Blomberg et de Fritsch, Hitler met en place l'Oberkommando der Wehrmacht ("un anneau pour les contrôler tous"), des féaux (Halder) ou des gens de peu de consistance (Brauchitsch) au sein de l'armée de Terre. Sans affaiblir l'autorité de Brauchitsch et d'Halder en la limitant - c'est sans objet puisque le premier n'a pas de carrure, et le second est son obligé. L'OKH a donc encore un rôle majeur dans le cycle décisionnel, et assez de poids pour imposer à Hitler son point de vue (dans certaines limites, la principale tenant au fait que Brauchitsch s'évanouit à la seule idée de s'opposer à Hitler fermement, et Halder semble se retrouver dans cette situation). Cela fonctionne relativement bien au vu des succès obtenus, même si cela vaut quelques crises dont la plus importante est celle de fin mai 1940, où l'intrusion d'Hitler dans ce qu'ils considèrent leur domaine réservé met Brauchitsch et Halder dans tous leurs états ; - l'échec de "Barbarossa"/"Taifun" et la crise ouverte par la contre-offensive soviétique initiée en décembre 1941 amène à une redistribution des cartes plus marquée : en limogeant Brauchitsch pour raisons de santé et en prenant sa place, Hitler se place en position de contrôler directement l'OKH. Halder, qui est tout particulièrement impliqué dans l'échec de "Taifun" (cf. son rôle dans la conférence d'Orcha le 13 novembre 1941), joue toujours les bons offices pour lui, ce qui permet à l'OKH de conserver son rôle clef d'état-major opérationnel pour le front soviétique, sous l'étroite supervision d'Hitler toutefois. On notera que, déjà, il a perdu ce rôle pour l'Afrique du nord et l'Ouest, ce qui n'était pas le cas initialement (cf. la visite du premier quartier-maître de l'OKH, un certain Paulus, devant Tobrouk en avril 1941) ; - mais Halder est congédié en septembre 1942 (sans doute n'en peut-il plus d'être traité comme une carpette ? Mais je dois approfondir ce point), et remplacé par une créature encore plus docile d'Hitler, Zeitzler. A partir de ce moment-là, la mise sous tutelle est avérée, bien que, pour des raisons d'équilibre et de prestige de l'institution en plein conflit, Hitler laisse une latitude correcte à l'OKH pour ce qui est de la planification opérationnelle et du contrôle tactique. C'est dans cette configuration que se joue "Zitadelle". Manstein est un trublion qui vient bousculer ce bel agencement, en proposant de devenir le taulier de tout le front oriental début 1944 - ce qui sera sèchement refusé par Hitler qui se séparera du stratège - mais sans résultat. Je passe sur le bref intermède d'Heusinger, de seulement dix jours ; - l'attentat du 20 juillet 1944 provoque une mise au pas de l'institution accusée de trahison, mais dont on a besoin pour poursuivre le conflit. Guderian, une autre créature d'Hitler, est donc placée à la tête de l'OKH. Mais cet état-major est désormais celui d'Hitler pour le front de l'Est. Guderian, moins docile la défaite approchant, sera remplacé par Krebs en mars 1945, puis Keitel (!) le 1er mai 1945. C'en est bien fini de l'autonomie très large dont il bénéficiait en 1939-1941, et dont on trouve encore des traces entre 1942 et 1944.
CEN EdG
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