Michel-Andre Levy a écrit :
CNE EMB, vous avez laissé en route une discussion qui me paraissait très intéressante sur les raisons de l'arrêt (ou des arrêts) de l'armée allemande face à la poche de Dunkerque.
Vous dites que vous ne pouvez pas être affirmatif, mais pouvez vous indiquer quelles sont les hypothèses qui vous paraissent les plus probables ?
Il m'apparaît indispensable d'être absolument précis sur ce sujet intéressant.
A commencer par définir exactement cet/ces ordre d'arrêt (Haltbefehl). D'autant que ce sujet laisse libre cours à l'expression des fantasmes les plus divers, lesquels ont déjà été développés ici même.
Déjà, y a-t-il jamais eu un ordre d'arrêt tel qu'il est relaté dans de nombreuses publications ? J'en doute.
L'on a pu retrouver un certain ordre, d'ailleurs consigné par Halder dans son journal, mais qui n'a concerné que des blindés sur une petite portion du front. Est-ce cet événement qui a abouti à l'évacuation réussie d'autant de combattants ?
Ne faudrait-il pas commencer par circonscrire cet ordre, puis après avoir effectué ce travail, évaluer les conséquences exactes d'un tel ordre ? N'a-t-il pas été grossi ? N'a-t-on pas exagéré son importance et ses conséquences ?
D'autant que cette histoire m'a toujours paru suspecte.
Rappelons que sa relation date de l'après-guerre. Il n'en a jamais été question pendant le conflit, sauf erreur.
Devant le caractère hautement curieux de l'évacuation du BEF et de plusieurs unités française - "au nez et à la barbe de l'ennemi" -, il semble que des généraux allemands aient trouvé en cette anecdote, une justification pratique à ce qui est apparu par la suite comme une aberrante faute stratégique. Hitler "avait donné un ordre saugrenu", et voilà le résultat ! La
Wehrmacht avait pour ainsi dire perdu la guerre en laissant échapper 300 000 captifs, mais elle n'y était pour rien. C'était Hitler le fautif.
Evidemment, ces explication commodes, exprimées en pleine Guerre froide, ont plutôt servi les anciens généraux de la Wehrmacht dans leur opération de lavage de printemps. Avec l'assentiment des gouvernements britanniques et américains, on expliquait que la Wehrmacht était bien propre sur elle, qu'elle n'avait pas participé aux massacres sadiques à l'est, pas plus qu'elle n'avait mis les mains dans la Shoah.
En somme, la Wehrmacht n'était pas nazie, mais avait été elle même victime d'Hitler, victime du nazisme - le Haltbefehl étant l'une des preuves du crime de lèse majesté. On est porté à ne pas croire ce genre de faribole, cela va sans dire.
Mais ce discours a tout de même persisté jusque dans les années 1980.
Je suis donc très intéressé par une discussion sur ce point d'histoire.