cush a écrit :
En fait, à compter de novembre 40 la Méditerranée est anglaise et dire qu'il n'y aurait pas eu ou peu de risques à envoyer des forces supplémentaires en Afrique est assez "osé".
Rapportez le nombre de convois de l'Axe qui atteignent Tripoli ou Benghazi au volume de tonnage coulé, et vous verrez qu'il n'y avait qu'un risque mineur. Le DAK est quasi intégralement passé d'une rive à l'autre de la Méditerranée sans encombre.
Ainsi, sur les 31 convois navals qui acheminent le DAK du 11 février au 28 juin 1941, il y a très exactement un élément du convoi 15 (30 mars 1941) qui est coulé (pertes légères, surtout matérielles) ; ainsi que la totalité du convoi 20 (15 avril 1941) avec 28 officiers et 315 sous-officiers et militaires du rang disparus.
1,5/31, ça ne fait pas beaucoup de bilan pour les Britanniques, rapporté à la période février-juin 1941. Il n'y a aucune raison, bien le contraire, de penser que les chiffres eussent été moins bons pour l'Axe au second semestre de 1940 (avec cette limite que ma source n'a pas de données concernant le convoi 10, entre le 10 et le 18 mars 1941), surtout si la Luftwaffe était en mesure de prodiguer une ombrelle protectrice nettement plus efficace que la Regia Aeronatica, et si Malte était écrasée sous les bombes.
Soit dit en passant, le pont aérien fonctionnait également plutôt bien, puisque les quatorze rotations significatives effectuées par voie aérienne entre le 27 avril et le 11 juin 1941 (dont cinq en plein perdant "Merkür" !) n'ont subi aucune perte et ont permis d'acheminer (entre autres) : un état-major de brigade, la totalité du Schützen Regiment 104 (environ 3 000 hommes), la moitié du Pionier Bataillon 33 (450 hommes), quatre compagnies d'oasis (600 hommes), le Pionier Bataillon 900 (800 hommes)...
Car oui, vous l'aurez compris, je ne parlais que du convoyage des troupes allemandes en Libye, pas des déboires de la Regia Marina lors de ses confrontations avec la Royal Navy. Et pour le coup, je suis bien obligé de rejeter vos arguments au vu des chiffres que j'avance (source : Thomas Jentz,
Tank Combat in North Africa).
J'ai d'autres exemples qui prouvent que les acheminements stratégiques (puisqu'on parle de logistique
) allemands d'Europe continentale en Afrique du nord au premier semestre 1941 n'ont été que marginalement perturbés et en rien entravés par l'action des Britanniques, si vous le souhaitez.
cush a écrit :
Exact, à supposer que la RN et la FAA assistent passivement au passage des troupes et à leur ravitaillement (voir ma remarque précédente). A moins de détourner les moyens de la Luftwaffe occupés au nord bien sûr.
Mais... c'est évidemment le cas dans le cas de figure que j'évoque, puisque la stratégie allemande repose dans ce cas sur la volonté de porter des coups cuisants aux Britanniques sur les théâtres d'opérations périphériques, en particulier en Méditerranée. La Luftwaffe appuierait massivement les actions allemandes, et il suffit pour être sûr que cela aurait été le cas de lire Halder qui évoque de manière détaillée l'appui 3D prévu pour "Felix". Et rapportez-vous aux éléments chiffrés que je donne ci-dessus pour voir que l'action de la RAF se fait peu sentir avant le second semestre 1941, tout comme celle de la Royal Navy (sur les convois qui acheminent les forces allemandes, je ne parle en rien des unités de surface de la Regia Marina).
cush a écrit :
Mais l'exercice est intéressant et pour ma part, je crois qu'il aurait fallu beaucoup plus que 6 à 10 divisions allemandes pour renverser le cours de la guerre en Méditerranée.
Pour aller jusqu'à Suez, si. Si Rommel avait eu ne serait-ce qu'une bonne division (et les approvisionnements qui vont avec !) en plus en mai 1941, il enfonçait la frontière égyptienne. S'il avait eu une division blindée (et ses approvisionnements bien sûr) supplémentaire en août 1942, il perçait la position d'El-Alamein.
Je pense que vous surestimez la Eighth Army en 1940 : ce n'est pas parce qu'elle obtient d'éclatants succès contre des Italiens démotivés et incapables d'appliquer des concepts modernes à leur campagne offensive (et à leur pitoyable retraite vers la Tripolitaine) qu'elle aurait tenu le choc contre une paire de divisions mécanisées allemandes dirigées avec maestria, au moral excellent et rompues au combat mobile.
cush a écrit :
En gros, je pense que sans la Luftwaffe, rien de possible
Nous tombons d'accord, trouvez-moi une seule fois où j'aurais mentionné le contraire.
cush a écrit :
sans mazout pour la Marine italienne non plus
Je ne pense pas que ça avait cette importance en 1940. Et de toute manière, ça ne les a pas empêché d'envoyer un corps de bataille numériquement très conséquent en Libye puis en Tunisie à un moment beaucoup plus critique que le second semestre de 1940...
cush a écrit :
sans un bouclage de la Méditerranée par la prise de Gibraltar (elle même impensable sans participation espagnole et là encore, rien n'est joué!) pas davantage...
Encore une fois, plutôt d'accord, mais 1) "Felix" est à deux doigts d'être déclenchée, et je ne pense pas que les Britanniques auraient pu tenir le "Rock" si les Allemands avaient voulu s'en emparer en bénéficiant de la complicité ou de la passivité espagnole ; 2) montrez un passage où j'aurais insinué le contraire.
cush a écrit :
Enfin, et en admettant que l'axe réussisse à transférer suffisamment de forces et à les ravitailler pour chasser l'Anglais, je les vois "prisonniers" de leurs conquêtes (quoiqu'on en dise, les USA en la personne de Roosevelt ont déjà mis en place les structures et la politique propre à soutenir l'Angleterre quoiqu'il arrive).
Les premières unités américaines combattent à partir de la fin août 1942 (une division de Marines à Guadalcanal), soit neuf mois après Pearl Harbor. Sur le théâtre d'opérations occidental, c'est en novembre 1942 qu'une poignée de divisions subissent leur baptême du feu (onze mois après Pearl Harbor). Il faut attendre le second semestre 1943 pour que l'armée américaine puisse aligner un volume significatif d'unités de combat terrestre (qui restera de toute manière infiniment inférieur à ce que l'Allemagne mettra en ligne : en gros une centaine de divisions pour les Américains contre 400 à 450 pour l'Allemagne).
Il n'y a aucune chance que les Américains puissent intervenir significativement sur le cours des opérations si la campagne est rapide, et il n'y a aucune raison de penser que les Britanniques auraient pu "durer" si les Allemands avaient mis le gros de leur puissance dans la balance (après tout, ils ont essayé en Grèce et ont rembarqué en deux semaines ; en Crète et s'en sont fait expulser en dix jours).
cush a écrit :
C'est là où nous divergeons. Je pense que les ressources nécessaires à faire de la Méditerranée la "Mare nostrum" chère à Mussolini exigeraient du Reich un effort et un temps beaucoup plus important que ce vous donnez.
Puisque j'ai mentionné les USA et Roosevelt un peu plus haut, il aurait aussi fallu que ceux ci acceptent le fait. En 1917, les USA ont pris pour prétexte la liberté des mers pour entrer en guerre...
C'est tout le problème du "what if", et il ne peut y avoir de "vainqueur" à ce jeu. J'ai tout de même une position assez facile à tenir : Hitler a fait un choix qui s'est avéré mauvais en juillet 1940. A ce titre, je peux confortablement dire qu'il n'aurait pas dû attaquer l'URSS dans les conditions dans lesquelles il l'a attaquée, et qu'il aurait mieux fait de suivre les avis de ses "terriens" et de ses "marins" qui souhaitaient poursuivre la lutte contre la Grande-Bretagne en Méditerranée (avantage 1 de ma position : elle diverge de celle qui a envoyé le Reich hitlérien à la catastrophe, et elle ne peut donc être pire ; avantage 2 de ma position : elle était défendue par - excusez du peu - des gens aussi techniques et bien informés que Brauschitsch, Halder et Raeder - même s'il est bien évident qu'ils n'avaient pas en tête tous les arguments que je donne, en particulier les factuels, et pour cause...).
CNE EMB