CNE_EMB a écrit :
And so what ? De Gaulle est complice ?
Vous faites de l'Histoire à rebours : en 1940 ou même en 1944 ou 1945, gagner la guerre et reconstruire le pays étaient des priorités plus urgentes que de s'assurer que des coupables de "violation des droits humains" (je reprends vos termes, même si pour le coup je les trouve atténués) soient jugés (même si cela se recoupe partiellement). Estimer que ces priorités auraient dû être inversées illustre à quel point il est facile de juger quelques décennies plus tard depuis son fauteuil...
CNE EMB
On prend vite la mouche sur ce forum, comme sur tous d'ailleurs, mais c'est tout de même regrettable. Je n'ai pas dit ni insinué que de Gaulle était complice, j'ai même précisé dans un message précédent qu'il avait immédiatement aboli les lois raciales de Vichy dès qu'il eut réussi à supplanter Giraud qui, lui, les avait maintenues en Algérie et c'est ce qui compte. Je ne fais donc pas le procès de de Gaulle, je constate simplement qu'il est fort peu question de la shoa dans les mémoires de de Gaulle.
Je fais peut-être de l'histoire à rebours, je ne vois pas bien ce que vous entendez par là, mais ce que je sais, c'est que l'histoire s'écrit nécessairement après les évènements. De Gaulle et Churchill ont publié leurs mémoires sur la seconde guerre mondiale plusieurs années après. L'étendue de l'entreprise d'extermination des juifs étant alors connue, ils auraient pu juger nécessaire de le mentionner. Or, il ne l'ont pas fait, ce qui, en soi, mérite d'être relevé sans que cela ne soit une accusation d'aucune sorte. Plus largement, un article d'Hérodote.net traite du silence sur la shoa non seulement pendant mais après la guerre :
http://www.herodote.net/1941_1945-synthese-76.php. Loin de faire le procès de quiconque, je pense qu'on peut admettre l'explication suivante :
Citer :
Il est très difficile a posteriori de départager les responsabilités des uns et des autres dans l'absence de réaction au génocide. Il semble d'abord que nul, y compris le pape, Churchill et le président américain Roosevelt, n'ait osé prendre la véritable mesure d'un drame comme l'humanité n'en avait encore jamais connu.
et aussi relever par la suite une certaine indifférence :
Citer :
Plus surprenant que le déni collectif du génocide pendant la Seconde Guerre mondiale est son déni après !...
Immédiatement après 1945 paraissent de nombreux témoignages bouleversants sur les camps. Mais très vite, l'intérêt du public retombe. Primo Levi, rescapé d'Auschwitz, est affecté par l'échec de son livre ô combien poignant : Si c'est un homme (Se questo è un uomo, 1947)...
...Jusqu'à la fin des années 1950, la spécificité du génocide des juifs (et des tziganes) est passée sous silence et ignorée de bonne foi...
On s'en rend compte dans l'émouvant documentaire filmé d'Alain Resnais Nuit et Brouillard (1955) comme aux procès du maréchal Pétain (1945) et de René Bousquet, principal responsable de la rafle du « Vél d'Hiv » (1949), où les questions juives furent passées sous silence !
Narduccio a écrit :
Vous semblez oublier que la plus grande bataille médiatique, mais il est vrai qu'elle a eu essentiellement lieu dans les journaux londoniens et new-yorkais, entre pro-Girauds (soutenus par le gouvernement américain) et pro-français-libres fut sur ce thème. Et elle a été gagnée par les pro-français-libres ce qui a aussi aidé de Gaulle a marginaliser Giraud. Cette bataille a été menée en grande partie sur le plan moral, Giraud se posant en continuateur de Pétain et maintenant ses lois scélérates, il ne pouvait pas être question qu'il représente la France.
Je n'oublie pas, j'ignore. Ben, oui, j'avoue connaître très peu les actions médiatiques au cours de la seconde guerre mondiale, ce pourquoi je pose la question, et je vous remercie d'avoir apporté une réponse.
Citer :
Il est vrai que de Gaulle semble se désintéresser de la question et laisse d'autres débattre à sa place. Mais, ces "autres" sont souvent des proches bien introduits dans les structures des "gaullistes". Lui, se pose en rassembleur : tous ceux qui veulent se battre avec lui pour la libération de la France sont les bienvenus. Il laisse à ses seconds couteaux le soin de régler les problèmes qui pourraient diviser cette façade. De Gaulle accepte le ralliement de tous les français qui se présente à lui. Dans les rangs des Français-Libres, il y a des anciens de l'Action-Française et des anciens des Brigades Internationales. Ils combattront ensemble! Il met des gens de gauche et des juifs a des postes importants.
C'est tout à fait vrai, mais cela ne traite pas du tout la question que je posais. Aujourd'hui, nous reprochons deux choses au régime de Vichy :
- l'armistice et la politique de collaboration avec l'Allemagne qui s'ensuivit ;
- la persécution des juifs devançant les exigences allemandes et allant au-delà de celles-ci.
Or au cours de la guerre et pendant plusieurs années après, on s'en est tenu aux premiers griefs, notamment lors des procès de Pétain en 1945 et de Bousquet en 1949.
Je lis toutefois sur hérodote.net :
Citer :
dans son numéro du 25 juin1942 et les suivants, le Daily Telegraph de Londres publie une série d'articles incendiaires. Le premier révèle : « Plus de 700.000 Juifs polonais ont été exterminés par les Allemands dans le plus grand massacre de tous les temps ». Ces informations sont reprises par le New York Times et suscitent des manifestations de protestation à New York.
et
Citer :
Anne Frank (13 ans), juive d'origine allemande, est cachée dans un appartement secret à Amsterdam, avec sa famille. Elle écrit dans son célèbre Journal à la date du vendredi 9 octobre 1942 : « Nous n'ignorons pas que ces pauvres gens [les juifs capturés par les nazis] seront massacrés. La radio anglaise parle de chambre à gaz. Peut-être est-ce encore le meilleur moyen de mourir rapidement. J'en suis malade... » Le vendredi 31 mars 1944, elle écrit encore : « La Hongrie est occupée par les Allemands ; il y a encore un million de juifs qui, sans doute, vont y passer, eux aussi.