cush a écrit :
A compter de 1944, il me semble que les Allemands en reviennent a une guerre défensive très classique à base de places fortes et de contre attaques locales qui, vu le manque criant de moyens, n'aboutissent au mieux qu'à retarder l'armée rouge de quelques heures. En quoi empêchent-ils les Soviétiques de déployer leurs armées de char ou les groupements mixtes dans la profondeur une fois la percée effectuée? Ces batailles n'ont certes pas les mêmes objectifs que celles menées par les Allemands aux temps des conquêtes (les soviétiques n'ont jamais fait de l'anéantissement des armées ennemi le nec plus ultra de la stratégie) mais elles sont menées par des armées intégrant tous les paramètres de la guerre moderne avec un facteur menant: la vitesse d'exécution et un corolaire dévastateur: la profondeur de la percée et ses effets sur les arrières.
J'en reviens donc à ma question : qu'est-ce que le Blitzkrieg ?
Est-ce la simple mécanisation des armées ?
Est-ce le développement technologique généralisé de celles-ci ?
Est-ce autre chose ?
C'est tout le problème de ce caméléon sémantique qui peut vouloir dire tout et n'importe quoi, de la simple association du char et de l'avion à une manière de faire la guerre reposant sur un système de pensées et une organisation très poussés.
En ce qui me concerne, j'en reviens au fondement du mot. Le Blitzkrieg, cela signifie "guerre-éclair", c'est donc forcément une guerre qui a pour objectif de s'achever au plus tôt, à la vitesse de l'éclair. Fortement empreigné des théories clausewitziennes, ce concept repose sur le postulat qu'une guerre efficace s'achève de manière fulgurante grâce à la vitesse autorisée par le cheval-vapeur (sinon, la campagne de Prusse de 1806 et les opérations allemandes d'août 1870 sont aussi un Blitzkrieg). A ce titre, les offensives soviétiques de 1943 à 1945 ne correspondent pas puisqu'elles n'achèvent pas la guerre.
Au contraire, c'est parfaitement dans la manière de penser et de faire des Allemands jusqu'à l'automne 1941 :
- en Pologne en septembre 1939, le plan "Weiss" prévoit d'abattre la Pologne très rapidement ; ce qui est fait en même pas quatre semaines ; l'organisation tactique est cependant partielle, puisque c'est un test grandeur réelle des principes d'organisation tactique du Blitzkrieg (la pertinence du concept de division blindée interarmes) ;
- à l'ouest, "Gelb" n'est qu'un Blitzkrieg inabouti, puisqu'il ne postule pas l'effondrement de la France immédiatement. C'est d'ailleurs aussi un test à taille réelle, mais cette fois à l'échelle opérative, avec la constitution d'un groupement mécanisé autonome. Mais cette opération incorpore une action offensive tellement brutale qu'elle intègre déjà un succès décisif qui modifiera définitivement le rapport de forces en faveur de l'Allemagne. Quant à "Rot", c'est clairement une offensive qui vise à plier l'affaire déjà bien engagée ;
- dans les Balkans, la double opération "25" et "Marita" est le modèle du Blitzkrieg, planifié, conçu et exécuté comme tel pour la première fois de l'Histoire : la Yougoslavie est forcée à la paix en onze (11) jours, la Grèce continentale est conquise en même pas un mois ;
- "Barbarossa" est censée être un avatar supplémentaire du Blitzkrieg, avec la conquête de l'espace soviétique jusqu'à la ligne AA en moins de 17 semaines. C'est un demi-échec. "Taifun" doit achever le travail, mais échoue devant Moscou ;
- par la suite, plus jamais l'Allemagne n'essaiera d'achever la guerre de manière éclair (en grande partie parce qu'ils n'en avaient plus les moyens mais pas seulement, comme le souligne les objectifs de leur offensive d'été 1942).
Les Alliés, qu'ils soient occidentaux ou soviétiques, n'ont jamais pu terminer la guerre de manière éclair, compte tenu de la puissance de l'armée allemande. Ils ont donc adapté les principes d'organisation et les doctrines du Blitzkrieg au niveau tactique et opératif, sans pouvoir en faire une stratégie globale.
Ma position est donc que le Blitzkrieg n'est pas un mythe, mais qu'il a échoué face aux Soviétiques. Son adaptation ultérieure, qu'elle soit allemande en 1942, soviétique ou anglo-américaine, se contente de se déployer dans les niveaux tactique et opératif car la situation stratégique ne permet pas d'envisager une guerre-éclair.
A noter que le Blitzkrieg vise deux objectifs qui se recoupent partiellement :
1) la destruction des forces armées adverses au plus tôt afin d'acquérir une totale liberté de manoeuvre ;
2) l'effondrement psychologique de l'ennemi par tous les moyens possibles (en détruisant ses forces armées, certes, mais aussi en l'attaquant grâce à la troisième dimension dans la profondeur de son dispositif, par le biais de parachutistes ou de raids de terreur, en conquérant ses centres de décision politico-militaires, ses bassins industriels, son espace stratégique, en coupant ses lignes d'approvisionnement, etc, etc.).
Mais si quelqu'un a une définition acceptée de tous du Blitzkrieg, je suis preneur. Je doute juste qu'il en existe une qui fasse consensus.
CNE EMB