Nous sommes actuellement le 20 Avr 2024 0:01

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 23 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant
Auteur Message
Message Publié : 24 Août 2014 19:55 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Août 2014 10:25
Message(s) : 106
Bonjour,

j'ai vu mentionner à plusieurs reprises sur le forum que toutes les offensives de la seconde guerre mondiale s'essoufflaient au bout de 400 à 450 km.

J'en comprends bien la raison: la distance grandissante entre le front et les dépôts nécessite des rotations logistiques de plus en plus longues qui finissent par saturer les moyens de transport disponibles. Ce qui est moins clair, pour moi, c'est que cette valeur semble presque universelle, que les moyens de transport soient des camions, des trains, des chevaux ou des avions, que les lignes de communication soient larges (front de l'est), plus étroites (front de l'ouest) voire limitée à une seule route étroite (Libye). Elle semble aussi s'appliquer à l'époque contemporaine (guerres du Golfe). Cette universalité peut-elle se comprendre simplement ?

La réponse figure peut-être déjà dans le forum, mais je maîtrise encore mal les fonctions de recherche.

Bien à vous

_________________
Quaerendo invenietis


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Août 2014 20:45 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Il y a probablement un rapport entre le cout de la mécanisation, sa dépendance à la fourniture continue de pétrole et de moyens de réparation et de remplacement immédiat d'un matériel moderne et les exigences de rapidité des offensives.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Août 2014 22:49 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
Message(s) : 1591
Il ne faut pas non plus négliger la géographie: même si le front de l'est est large, il n'est pas forcément praticable (je pense au manque d'infrastructure, au climat ou aux éléments naturels tels que les déserts ou les marais comme le Pripets par ex.). La logistique n' est pas seule en cause, les pertes et l'épuisement des troupes sont des facteurs très importants. 400 km me semble même être exceptionnel.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Août 2014 23:10 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15830
Localisation : Alsace, Zillisheim
Quodlibet a écrit :
Bonjour,

j'ai vu mentionner à plusieurs reprises sur le forum que toutes les offensives de la seconde guerre mondiale s'essoufflaient au bout de 400 à 450 km.

Pas toutes. Celles de type : blietzkrieg. Dans le dernier Guerre & Histoire, ce problème de logistique est mentionné pour les batailles qui ont suivi le débarquement et pour les batailles de l'été et l'automne 1944 sur le front de l'est. Or, de Saint-Lo à Metz, il y a environ 800km si on ne tient pas compte du détour vers le sud en Bretagne au début de la percée de Patton. En fait, dans les 2 cas, à quelques jours près, entre le début des offensives et leurs essoufflement, il y a 70 jours. J'y reviendrais plus tard.

Quodlibet a écrit :
J'en comprends bien la raison: la distance grandissante entre le front et les dépôts nécessite des rotations logistiques de plus en plus longues qui finissent par saturer les moyens de transport disponibles. Ce qui est moins clair, pour moi, c'est que cette valeur semble presque universelle, que les moyens de transport soient des camions, des trains, des chevaux ou des avions, que les lignes de communication soient larges (front de l'est), plus étroites (front de l'ouest) voire limitée à une seule route étroite (Libye). Elle semble aussi s'appliquer à l'époque contemporaine (guerres du Golfe). Cette universalité peut-elle se comprendre simplement ?

La réponse figure peut-être déjà dans le forum, mais je maîtrise encore mal les fonctions de recherche.

Bien à vous


En fait, il faut comprendre les similitudes et les différences pour comprendre exactement cette notion. Dans une attaque de type blitzkrieg, on va taper très fort sur un point du front pour le faire craquer et ensuite, on envoie un maximum d'unités dans la brèche. Dans le cas le plus caricatural, la percée reste une espèce de pointe qui s'enfonce vers le cœur du dispositif ennemi et il n'y a qu'une seule route qui mène des magasins initiaux aux éléments de pointe. Par cette seule et unique route doivent monter les ravitaillements et les renforts, tandis que au retour, on a des camions à vide, des blessés et des morts et des engins à réparer ou à recycler (plus les prisonniers). Dans de tels cas, la distance semble être d'environ 400-450 km. On peut l'augmenter en augmentant la taille des véhicules, en prévoyant des magasins plus grands au départ, des magasins intermédiaires, ou en récupérant des moyens logistiques intacts chez l'ennemi (voies de chemin de fer).

Justement, dans les 2 exemples cités dans la revue, les voies de chemin de fer sont inopérantes. En Normandie, pour affaiblir la logistique allemande, les anglo-américains ont détruit toute l'infrastructure ferroviaire. Le réseau est à reconstruire, les machines ont été évacuées par les allemands, on manque de charbon ... Coté soviétique, l'écartement entre les chemins de fers allemands et russes n'est pas identique. Les russes reconstruisent donc les lignes de chemin de fer et ils avancent à environ 1,5 km par jour de ligne nouvelle ... Ce qui n'est pas folichon au vu des distances à couvrir. De plus, tout au long de la guerre, les concentrations d'artillerie utilisées par les soviétiques n'ont cessé d'augmenter. Mais, qui dit plus de canons au kilomètre carré, dit plus de munitions, plus de servants, plus de problèmes logistiques. Une des armée russe a avancé de 84 km en 24 heures. Mais, cela s'était au début de l'attaque
Coté anglo-américains, l'un des problème était l'infrastructure portuaire qui limitait l'arrivée de ravitaillement en France. Donc, la logistique que ce soit sur le front de l'est ou de l'ouest repose ... sur des camions américains. Les américains ont livré 400 000 jeeps et camions aux soviétiques durant la guerre. On pourrait penser que c'est cela le point faible des alliés. Les camions utilisés sont relativement lents. A l'est, le réseau routier est en mauvais état. A l'ouest, le Red Ball Express est limité en vitesse pour privilégier l’efficacité. Le taux de pannes dépend de la vitesse, or avec certains chargements, les camions sont aux limites du poids transportable. Augmenter la vitesse, augmenterait exponentiellement la consommation de carburant, le taux d'accidents (donc les retards) et le taux de pannes.

Or, le problème coté occidental est qu’Eisenhower ne va pas choisir entre les diverses armées qu'il a sous ses ordres. En ne voulant privilégier personne, il distribue à chacun les mêmes quantités. Or, les diverses armées vont donc se partager la pénurie.Coté soviétique, le problème semble être que le succès a dépassé les espérances. Dans la durée où l'on avait planifié une avance de 200 à 300 km, on a fait 500 à 600 km. Il y a donc un "fossé" de 200-300 km entre les éléments les plus avancés et les capacités des logisticiens. Du coup, il y a des tanks qui sont en panne sèche et des artilleurs qui manquent de munition.

L'une des conséquences de ces problèmes de logistique sera la rédaction du cahier des charges de l'avion de transport de troupes américain, le C-130 Hercules. Mais, malgré les limitations des moyens de l'époque, en 1945, l'USAAF contrôlait 3700 avions et transportait 3 millions de passagers et 1,1 million de tonnes de matériel (donc 90 000 tonnes de courrier). Un C-47 possède une capacité d'emport de fret limitée à environ 3 tonnes. Le C-130 Atteint les 20 tonnes.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 24 Août 2014 23:27 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Oui, l'usure des véhicules et leur ravitaillement jouent, bien sûr, mais il ne faut pas négliger la fatigue des soldats.
Je pense qu'il faut se garder de toute abaque sur le sujet : les Allemands - pour prendre l'exemple que je connais le mieux même s'il y a d'autres exemples tout aussi valides chez les Soviétiques ou les Anglo-Américains - ont progressé de bien plus que 400 kilomètres tant à l'ouest (Trêves-Abbeville et Amiens-Saint-Etienne, cela fait environ 1 200 kilomètres) qu'en Afrique (plus de 800 kilomètres d'Agedabia à Bardia en passant par Benghazi, Derna et Tobruk en Cyrénaïque) que dans les six premiers mois de la guerre en URSS (1 470 kilomètres de Zamosc à Rostov pour certaines unités de la Panzergruppe, 875 kilomètres de Memel à Leningrad pour d'autres de la Heeresgruppe "Nord", 1 100 kilomètres de Suwalki à Moscou pour certains éléments de la Heeresgruppe "Mitte").

Certes, ils se sont arrêtés pour de courtes pauses opérationnelles (jamais supérieures à deux semaines pour les unités blindées), mais ce sont aussi les distances les plus courtes qui ne prennent pas en compte le fait que certaines unités ont roqué (ainsi en URSS, certaines formations de la Panzergruppe 4, qui sont allées jusqu'à Leningrad avant de rejoindre la région de Smolensk à 750 kilomètres de là ; ou alors la Panzergruppe 2 de Guderian qui, partie de Brest-Litovsk, a rejoint d'abord Lochvica par Moghilev et Yelnia sur 1 200 kilomètres en combattant, avant d'être redéployée sur une base de départ plus orientale distante d'une centaine de kilomètres, et de faire encore la portion Sostka-Tula sur 450 kilomètres, soit 1 750 kilomètres de progression - suivie d'une retraite dont je ne parlerais même pas).

Il en va différemment des armées belligérantes : ainsi les Anglo-Américains se retrouvent-ils en panne sèche en septembre 1944 malgré une stupéfiante rationalisation logistique ("Pluto", "Redball Express", etc.), parce que la mécanisation accrue de leurs unités entraînent un besoin très supérieur (mais aussi parce que la Manche est un goulot d'étranglement logistique majeur dont les Allemands ont aggravé l'effet de constriction en tenant ou en détruisant les installations portuaires) ; les Soviétiques ont une logistique primaire qui a du mal à satisfaire longtemps leurs consommations massives liées aux volumes déployés (de chars, de pièces d'artillerie).
Si l'on ajoute les destructions opérées par l'ennemi en retraite et l'étirement des élongations logistiques, on obtient un effet de seuil qui se situe pour les offensives géantes soviétiques à une profondeur comprise entre 300 et 500 kilomètres. Mais encore une fois, cela dépend de nombreux facteurs : infrastructures utilisables ou réparables rapidement, poches de résistance adverses, coupures humides praticables en de nombreux points ou générant des constrictions, aléas climatiques ou météos, etc.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Août 2014 8:56 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Août 2014 10:25
Message(s) : 106
Bonjour,

Merci à Narduccio et CNE_EMB de leurs réponses, précises et détaillées comme toujours. Je pensais que la valeur universelle de 400 km pour la profondeur d'une offensive était due à un goulot d'étranglement unique et inévitable, parmi les différents facteurs logistiques, et je ne parvenais pas à l'identifier.

La conclusion me semble être qu'en réalité il n'y a pas de valeur universelle pour la profondeur d'une offensive, ce qui est logique en raison des très nombreux facteurs qui interviennent. Il existe une valeur moyenne, peut-être de l'ordre de 400 km, mais l'énorme dispersion de cette valeur autour rend vain l'objet de ma question initiale. Merci de m'avoir éclairé.

Je vais sans doute investir dans "Les routes de la liberté", le livre de Nicolas Aubin sur la logistique US en 1944, malgré son prix élevé (certes justifié). Le conseilleriez-vous?

Bien à vous

_________________
Quaerendo invenietis


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Août 2014 10:11 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15830
Localisation : Alsace, Zillisheim
Quodlibet a écrit :
Bonjour,

Merci à Narduccio et CNE_EMB de leurs réponses, précises et détaillées comme toujours. Je pensais que la valeur universelle de 400 km pour la profondeur d'une offensive était due à un goulot d'étranglement unique et inévitable, parmi les différents facteurs logistiques, et je ne parvenais pas à l'identifier.


Il faut tenir compte que la limite des attaques de type blitzkrieg ne vaut que si on est en présence d'une capacité de résistance de la part de l'ennemi. Aujourd'hui on sait que les capacités opérationnelles des unités allemandes en juin 1940 étaient limitées. Mais, même si les allemands s'en doutaient, cela n'a pas d'importance puisque l’État-major français ne trouve pas les ressources pour opposer une résistance efficace. Tandis que les américains, lors de la Guerre du Golfe de 1990, décident de stopper leur offensive au bout d'environ 400 km puisqu'ils savent que Saddam a gardé les unités de sa garde en réserve et qu'ils pensent qu'ils pourraient avoir des difficultés à en venir à bout dans les conditions où ils se trouvent.

On a souvent critiqué l'attitude des soviétiques lors de l'insurrection de Varsovie. Celle-ci eu lieu du 1er août au 2 octobre 1944, or l'Armée Rouge savait qu'elle avait des difficultés logistiques croissantes. Il y avait ce gap logistique de plusieurs centaines de kilomètres. Je comprends que les responsables militaires soviétiques aient eu peur d'un Stalingrad à l'envers. Tandis que le cas de Paris est différent, les alliés ont commencé leur offensive principale depuis peu de temps, ils ont les capacités logistiques qui leur permettent de prendre la ville s'ils le désirent. Les allemands sont en plus en phase de retrait et d'abandon du territoire français suite au Débarquement de Province. En fait, pour les Allemands Paris vaut pour ses ponts et le fait que ce soit un nœud ferroviaire important. La stratégie allemande en France, à ce moment-là, ne permettait pas de s'accrocher à la ville.

Donc, les limites "théoriques" dépendent de la situation sur le terrain à l'instant donné. Une unité qui n'est pas à son optimum logistique, mais qui n'a pas d'opposition sérieuse devant elle, peu continuer d'avancer. S'il y a une capacité de résistance et qu'elle continue d'avancer, elle risque d'avoir un niveau de perte inacceptable, voire même d'être le noyau d'un retournement du cours de l'offensive avec un adversaire qui se sert de cette victoire comme d'un point d'appui. Elles dépendent aussi des capacités logistiques mises en place à l'instant de lancer l'attaque. Lors des opérations de l'été 1944, les soviétiques décident de lancer 4 offensives en cascade, Bragation n'est que l'une des 4. Le but est d'obliger les allemands à roquer leurs unités blindées qu'ils ont en nombre limités pour faire en sorte qu'elles ne soient jamais là où il faut. La première attaque a lieu en Carélie, là où il n'y a pas de réserve stratégique blindée coté nazis. Les allemands réagissent en y envoyant des chars pour contrer la menace. Ensuite Bragation démarre en Biélorussie, et les chars courent derrière. En coordination avec Bragation, les fronts baltes attaquent en Estonie et en Lettonie. Le 13 juillet, le premier front ukrainien s'ébranle dans le cadre de l'opération Lvov-Sandomir. Puis, il y a 2 petites opérations pour colmater les brèches. Les blindés allemands qui servent de réserve en Nord-Ukraine sont "attirés vers le front central par l'opération Bragation. Donc, quand commence l'opération en Ukraine, les allemands prélèvent les réserves qui se trouvent dans le sud-de l'Ukraine. Il n'y a plus de réserves quand commence l'opération Iassy-Kichinev qui se dirige vers Bucarest. Cette cascade d'opérations qui ont toutes leurs réserves logistiques permettent de causer de grandes difficultés logistiques à l'armée allemande. Ses unités de réserves sont déplacées d'un front à l'autre et ont des difficultés à se mettre en position de contrattaque. Les unités blindées allemandes étant tributaires du transport en train pour être opérationnelles.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Août 2014 12:40 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
Message(s) : 2196
CNE_EMB a écrit :
les Allemands ont progressé de bien plus que 400 kilomètres dans les six premiers mois de la guerre en URSS (1 470 kilomètres de Zamosc à Rostov pour certaines unités de la Panzergruppe 1, 875 kilomètres de Memel à Leningrad pour d'autres de la Heeresgruppe "Nord", 1 100 kilomètres de Suwalki à Moscou pour certains éléments de la Heeresgruppe "Mitte").


Mon capitaine, le fameux "raid de Dünaburg" de Manstein fait-il partie de votre énumération ?

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Août 2014 12:55 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
bourbilly21 a écrit :
Mon capitaine, le fameux "raid de Dünaburg" de Manstein fait-il partie de votre énumération ?


Il est inclus dans les 875 kilomètres de Memel à Leningrad en route directe. Il y a environ 350 kilomètres des positions de départ de la 8. Panzer Division à l'actuelle Daugavpils.

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 25 Août 2014 16:01 
Hors-ligne
Plutarque
Plutarque
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 03 Mars 2009 11:43
Message(s) : 174
Localisation : 59
Peut-on voir aussi dans cet "essouflement" un problème mathématique ? Après tout, Roger Bacon (un des pères fondateur de la méthode scientifique) disait très justement : "La science vise une certitude qui ne souffre aucun doute, une vérité qui ne souffre aucune erreur. Les mathématiques s’imposent donc comme les fondations de toute science" :wink:

Je m'explique : un convoi dépasse rarement les 80 km/h sur une route asphaltée. Encore faut-il en trouver une... Faute de quoi, le convoi se retrouve rapidement limité à une vitesse de 30 à 50 km/h sur les routes de campagne. Au meilleur des cas, je ne parle même pas des conditions de circulations qui ont déjà été citées ainsi que les goulets d'étranglements que peuvent représenter l'approvisionnement des bases de ravitaillement elles-mêmes.

Bref, il faut du temps pour faire la jonction entre les bases de ravitaillement et les unités déployées sur le terrain. Plus une armée avance vite, plus il est difficile de faire cette jonction : parcourir 400 km peut prendre facilement plus de deux journées à un convoi (chargement / route aller / déchargement - chargement / route retour / déchargement).

A la rotation suivante, si l'armée avance, le front sera encore plus loin, plus long à atteindre. Au final, cet étirement pose la contrainte du nombre et de la taille des convois, qui nécessite lui-même d'être approvisionné (un camion GMC CCKW, par exemple, a lui-même une autonomie d'environ 400km).

_________________
Celui qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour obtenir un peu plus de sécurité ne mérite vraiment ni l'une, ni l'autre. (Benjamin Franklin)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 26 Août 2014 21:40 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général

Inscription : 20 Déc 2008 14:01
Message(s) : 5112
Localisation : Bourgogne
Il existait dans l'armée française (existe encore en fait) un outil de planification logistique utilisé par les états-majors, qui permet de quantifier les volumes et les délais. Mais il a ses limites et ne vaut pas le conseil d'un spécialiste (à mon sens).
De même, les unités d'appui aux mouvements que je connais très bien savaient procéder (savent encore !), par divers moyens (comptes-rendus de pointage, diagrammes d'occupation des carrefours par exemple, guidage/jalonnage des rames), au contrôle et à la fluidification des mouvements.

Mais je ne pense pas qu'un abaque soit pertinent parce qu'il y a de trop nombreux éléments à prendre en compte :
- si on peut raisonnablement penser que la consommation moyenne d'une unité puisse être globalement estimée, la fourchette de tolérance deviendra de plus en plus étendue plus la progression se poursuit. Ainsi, si une compagnie de chars de tel modèle peut faire 100 kilomètres sur route avant de ravitailler, elle ne pourra plus en faire que cinquante si elle est engagée deux fois dans des combats d'importance, et trente si elle l'est trois fois. Comme il est impossible d'anticiper les réactions adverses, il est impossible de planifier un besoin exact. Plus on étend la période ou la zone géographique de référence, plus le "delta" est important ;
- le terrain est déterminant. Et notamment l'infrastructure de mouvement et de stationnement (qu'on oublie facilement). Si une planification peut prévoir l'utilisation d'une route, l'ennemi ou la "loose topo", le choix d'un pont hors-gabarit, voire l'encombrement du trafic (civil dans le cadre d'un exode, militaire si la discipline de roulage n'est pas respectée et que deux unités se retrouvent à utiliser le même réseau de manoeuvre) peuvent changer la donne et donc les consommations ;
- le choix des moyens de déploiement a aussi son importance : si les véhicules roulent, si les véhicules sont transportés sur porte-engins, s'ils sont transportés par voie ferrée voire voie aérienne ;
- l'ennemi, s'il n'est pas une contrainte contrairement au terrain, est bien entendu décisif dans les consommations logistiques. Une unité qui ne combat pas voit ses besoins logistiques réduits au ravitaillement en carburant, en vivres et en eau (ainsi qu'en pièces de rechange mécaniques et en pneus), une qui combat doit non seulement satisfaire ces besoins, mais en plus gérer ses consommations en munitions, en médicaments, évacuer ses blessés et ses engins endommagés, etc. Surtout que le combat implique de la manoeuvre, et la manoeuvre implique une surconsommation ;
- les aléas climatiques sont également à prendre en compte. Sur un terrain détrempé, c'est inévitable, vous progressez moins vite et vous consommez plus. Les soldats de la Panzergruppe 2 de Guderian en octobre 1941 pourraient en parler longuement...
- le matériel fait aussi partie des données qu'il est difficile de quantifier. Pour prendre un autre exemple connu, on peut procéder à un convoi d'une trentaine de véhicules et avoir cinq pannes majeures et quinze crevaisons, et sur le même itinéraire, plus tard, n'avoir que deux pannes importantes et quatre crevaisons.
- enfin, l'aléa lambda joue aussi. Une station-service miraculeusement placée sur l'axe de progression, la discipline de roulage et de feu de l'unité, les accidents par nature imprévus, la cannibalisation de véhicules endommagés au profit d'autres, la récupération sur l'ennemi ou les civils, tout cela peut modifier à la marge un stock logistique et permettre à la manoeuvre de durer.

Tous ces éléments compliquent une planification logistique qui ne peut pas être mathématique tant le hasard, l'ennemi, le terrain et le matériel s'associent pour la rendre aléatoire. Même si on peut émettre des ordres d'idée rationnels, ceux-ci peuvent tout aussi bien être pris en défaut lourdement que se révéler parfaitement justes. Dans le doute, il vaut quand même mieux avoir un "G4 qui percute pour gérer la misère"...

CNE EMB

_________________
"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 27 Août 2014 0:12 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15830
Localisation : Alsace, Zillisheim
Effectivement, l'expérience sur le terrain compte et cela se voit en 1944. Les soviétiques en son à leur 4ème année de guerre. Leur logistique n'a eu de cesse de s'améliorer. Malgré tout, au bout de 70 jours, ils seront arrivé au bout de leurs possibilités. On constate ensuite une longue pause dans les opérations avec quelques timides manœuvres locales de part et d'autre. Quand ils reprendront l'offensive, ils auront amélioré leurs capacités logistiques et ils n'auront plus besoin de stopper.

Coté occidental, les américains en sont à leur 3ème année de guerre. et ils ont connu surtout des opérations avec des fronts limités. En Afrique du Nord, en Italie, en Sicile, le front effectif était au mieux de une ou deux dizaines de kilomètres. Or, en France, puis en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, ils vont avoir à faire à des fronts de plusieurs centaines de kilomètres. Les Anglo-Américains ont fait d'énormes erreur d'appréciation sur le front occidental. Voici ce qu'il y a d'écrit dans l'article de Guerre & Histoire :
Citer :
Pour autant, ce tableau logistique masque l'essentiel : les difficultés anglo-américaines sont en fait plus doctrinales que matérielles. Passé une phase amphibie remarquablement maitrisée, l'avancée dans les terres relève une conduite maladroite des opérations.
...
Cette incapacité à séquencer les opérations en phases de nature différente - les Anglo-Saxons ne pensent qu'en terme de "campagne" comme au XIXème siècle - conduit à un planning irréaliste au début d'Overlord, suivi d'un déphasage temporel. Ainsi, à la veille de Cobra, fin juillet, Montgomery et Bradley ont 34 jours de retard sue leurs prévisions avant de se retrouver fin septembre avec 210 jours d'avance sur une position envisagée pour ... mai 1945! Incapables de prévoir une progression aussi fulgurante, les planificateurs ne se sont pas dotés des moyens - pourtant disponibles dans l'absolu- de soutenir une exploitation sur 500 à 600 km par la route (900 km pour Patton arrivé en Lorraine en passant par la Bretagne).
Les camions qui soutiennent l'avancée, trop petits, sont conçus pour des parcours inférieurs à 200 km et destinés à ravitailler des unités progressant de moins de 5 km par jour... Un rythme six à dix fois plus lent que celui adopté par les Sherman de la 3ème armée US après le 1er août


L'Ancien a écrit :
Peut-on voir aussi dans cet "essouflement" un problème mathématique ?

Il y a un problème "mathématique". Mais, il doit être ajusté avec l'expérience. Quand l'ennemi se replie, il faut pouvoir rester au contact. Quand on fait 50 km par jour avec une logistique prévue pour une avancée de 5 km par jour, on finit par arriver au bout des possibilités logistique. A ce moment-là, il y a 2 solutions : prioriser l'une des armées au détriment des autres (choix que n'a pas fait Eisenhower, malgré les déclarations de Bradley, Patton ou Montgomery), ou limiter l'avance générale pour garder un front continu au risque que l'ennemi ait eu le temps de se replier sur une ligne fortifiée.

Bien entendu, on peut anticiper tout cela. Mais souvent, les armées vivent avec ce qui a été décidé quelques années avant. Une division blindée américaine de 1944 consomme 94 000 litres de carburant par jour en moyenne. L'opération Pluto a permit de délivrer plus de 781 millions de litres d'essence entre le 12/08/44 et le 08/05/45. Mais, à certain moment, ce que les pipe-lines délivraient n'était pas suffisant.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 27 Août 2014 21:51 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Août 2014 10:25
Message(s) : 106
Bonjour,

CNE_EMB souligne à juste titre la très grande variété des situations rencontrées et donc la difficulté à vouloir les faire rentrer de force dans une abaque (joli terme qui me ramène au temps où je savais encore utiliser une règle à calcul). Néanmoins, il est nécessaire d'évaluer avant une opération de quoi on aura besoin pour la mener à terme. Des règles de calcul sont pour cela indispensables, même s'il faut conserver à l'esprit que l'évaluation peut se révéler complètement erronée (et prévoir un plan B?).

Ma question initiale portait sur le fait que je ne voyais pas comment de telles règles mathématiques ( a priori plus ou moins linéaires) pouvaient conduire à une valeur universelle (un matheux dirait "un point fixe"). Je suis donc heureux d'apprendre qu'il n'y a pas d'universalité.

Dans le chapitre sur la bataille de Normandie de son livre un peu ancien Supplying War, Martin van Creveld donne justement quelques exemples du "problème mathématique" (combien faut-il de compagnies de GMC parcourant X km par jour pour ravitailler 22 divisions US à 300 km de leurs bases?) et les énormes erreurs de prévision alors commises (malgré 18 mois de préparation minutieuse), mais il montre surtout l'extraordinaire improvisation réussie ensuite par la logistique américaine. Le très bon numéro de Guerre & Histoire ne dit pas autre chose.

Bien à vous

_________________
Quaerendo invenietis


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 28 Août 2014 6:44 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15830
Localisation : Alsace, Zillisheim
Quodlibet a écrit :
Bonjour,

CNE_EMB souligne à juste titre la très grande variété des situations rencontrées et donc la difficulté à vouloir les faire rentrer de force dans une abaque (joli terme qui me ramène au temps où je savais encore utiliser une règle à calcul). Néanmoins, il est nécessaire d'évaluer avant une opération de quoi on aura besoin pour la mener à terme. Des règles de calcul sont pour cela indispensables, même s'il faut conserver à l'esprit que l'évaluation peut se révéler complètement erronée (et prévoir un plan B?).


Il faut bien comprendre que sans une logistique sans faille, la capacité combattante d'une unité militaire va décroitre de plus en plus vite. Au bout d'un moment, elle ne sera plus en état de contrer une quelconque réaction un peu sérieuse. C'est cela qu'on va découvrir ou redécouvrir durant l'année 1942 en ce qui concerne les allemands. C'est pour ne pas se retrouver dans ce cas de figure, que les américains stopperont leur offensive lors de la première guerre du Golfe. Si on dépasse ce point, on risque d'entrer dans des phases où les 2 adversaires semblent danser une espèce de valse-hésitation. L'un avance, quand il a trop avancé, le second prend l'initiative et avance à son tour entrainant la retraite du premier. Mais, dès que le premier a suffisamment reculé, sa logistique s'améliore et il peut repartir à l'offensive, alors que le second s'essouffle ...

Cela montre une des carences de l'armée française en juin 40, elle n'avait plus les capacités de monter une résistance structuré. Alors que les allemands sont si loin de leurs bases qu'ils ont très peu de capacités offensives. Mais cela n'est pas un problème à ce moment-là puisqu'il suffit souvent d'une chenillette pour faire prisonnier des régiments entiers. En 44, les américains et les russes maitrisent mieux leur logistique. Mais pas suffisamment, au bout de 70 jours, ils sont au bout des possibilités. Les russes, peut-être à cause de leur expérience ou pour des raisons politiques, décident de stopper leur avance. Coté occidental, on continue d'avancer, mais de manière bien plus lente, jusqu'au coup de frein sur les Ardennes. La bataille des Ardennes est rendue possible parce que les alliés sont au bout de leurs possibilités logistiques.

Il subsiste depuis une polémique : quelle est la meilleure solution pour une armée ? Foncer et aller de l'avant comme les allemands en 40, 41 ou 42 ? S'arrêter quand on détecte qu'on est aux limites pour se renforcer et repartir de l'avant dès que les conditions sont réunies. Mais, cela peut permettre à l'adversaire de se préparer et de se renforcer, voire de se mettre dans une posture défensive sur une ligne qu'il aura le temps de fortifier. Comme en Italie avec les divers replis sur des lignes pré-établies lorsque les alliés mettaient le paquet et que le front allemand se laissait déborder.

La réponse est que dans tous les cas, il n'y a pas de réponses préalable. C'est au commandement de donner des directives, de roquer des unités en cas de besoin, d'être attentif à la situation et de faire le bon choix au bon moment. Pour cela, il faut qu'il sache en permanence l'état des forces de l'adversaire et l'état de ses propres forces.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 28 Août 2014 9:48 
Hors-ligne
Polybe
Polybe
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 24 Août 2014 10:25
Message(s) : 106
Bonjour,

Citer :
Si on dépasse ce point, on risque d'entrer dans des phases où les 2 adversaires semblent danser une espèce de valse-hésitation. L'un avance, quand il a trop avancé, le second prend l'initiative et avance à son tour entrainant la retraite du premier. Mais, dès que le premier a suffisamment reculé, sa logistique s'améliore et il peut repartir à l'offensive, alors que le second s'essouffle ...


C'est toute l'histoire de la guerre du désert de 1940 à 1942: les Italiens avancent, les Britanniques les repoussent et avancent, les Germano-Italiens les repoussent et avancent, etc. jusqu'à la seconde bataille d'El Alamein. La partie s'arrête quand Montgomery a accumulé assez de forces pour ne plus s'essoufler (si l'on peut dire), et que Rommel se trouve pris entre deux feux avec l'opération Torch et le débarquement allié au Maroc et en Algérie.

Bien à vous

_________________
Quaerendo invenietis


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 23 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 68 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB