Rebecca West a écrit :
Vézère a écrit :
Rassurez-moi, ce chiffre de 3 à 5 millions concernerait toutes les dénonciations, pas seulement celle des Juifs?
Cinq millions, le chiffre vient d'être utilisé par Waresquiel (une chronique : La République, le juge et le dénonciateur) qui manifestement évoque les délations sous le régime de Vichy sans entrer dans un "cloisonnement" : le sujet est la délation et sa place dans l'histoire.
[
... Les cinq millions de lettres de dénonciation du régime de Vichy nous le rappelle (que
"... Les grandes périodes de soupçons ont toujours été de grands moments de violence au nom d'une morale trop souvent érigée en lieu et place de la politique et du droit. ..."]
.
Avant de clouer quelqu'un au pilori, pourrais-t-on avoir un lien vers cette chronique pour pouvoir juger sur pièce et pas à partir d'un extrait ?
Quant à la réalité de la délation ou de la dénonciation, puisque certains se basent sur un simple ressenti, étudions un peu la réalité. Par exemple, cette étude qui porte sur un seul département, le Calvados. Donc 404 900 habitants au dernier recensement avant l'Occupation. A la Libération, on y a jugé 1302 individus considérés comme délateurs. C'est à la fois peu, mais aussi beaucoup. Dans cet article, il y a une analyse de qui ils sont, de pourquoi ils l'ont fait et contre qui. La délation a été une réalité sous l'Occupation. On peut discuter de son ampleur, mais de là à la nier ... il y a un pas qu'on ne peut pas franchir !
La délation sous l'Occupation dans le CalvadosApparemment, il n'y a peu d'études portant sur toute la France. Il existe plusieurs études plus ou moins locales. Par exemple, on apprend que dans le district judiciaire dAngers, ce sont environ 200 délateurs qui seront jugés à la Libération. A chaque fois, on ne sait pas si on a aussi retrouvé les délateurs anonymes ou pas... Voici les répartitions du "type" de délation :
Citer :
54 % des personnes condamnées ont dénoncé un comportement ou un engagement politique (propos antiallemands, activités résistantes, etc.). Un peu plus de 3 % des délations revêtaient un caractère antisémite et 43 % portaient sur des faits souvent inhérents à une vengeance. Ces dénonciations sont d’abord le fruit d’un conflit préexistant que le contexte de l’Occupation permet de « vider ». La place réduite de l’antisémitisme peut tout à fait s’expliquer par l’absence de plaignants : le taux élevé de déportation des Juifs angevins est dû surtout aux zèle particulièrement efficace des exécutants locaux allemands, bien secondés par l’administration et les forces de l’ordre françaises.
La Délation dans la France des années noiresEt pour finir, les Allemands de l'Occupation voyaient dans le grand nombre de dénonciation qu'ils recevaient le signe de l’abaissement moral de la France... Ce qui semble indiquer qu'ils ont été surpris de trouver plus de délateurs en France que chez eux ... :
Citer :
« Bien qu’honnie par la majorité de la population, considérée à la Libération comme l’un des pires crimes de la collaboration, la pratique de la dénonciation a constitué une réalité marquante dans la France des années noires (…) De nombreuses personnes ont franchi le pas de la dénonciation, pour assouvir une vengeance, réparer une « injustice » ou témoigner de leur zèle politique ». Les Allemands aiment à insister sur l’ampleur du phénomène de la délation, illustration de l’abaissement moral de la France. En réalité ils incitent à la dénonciation, au prix de récompenses souvent très importantes.
Citer :
Faute d’études historiques complètes sur le sujet, il est difficile de déterminer la part de la dénonciation dans l’action répressive des autorités occupantes. Il est probable que la délation ait été à l’origine de la plupart des affaires de détention d’armes et de propos antiallemands, que seules les personnes proches étaient en mesure de révéler. Les délations les plus fréquentes et les plus constantes portent sur le ravitaillement et le marché noir, dans un contexte de pénurie. Les historiens observent également que toute discrimination suscite mécaniquement une dénonciation spécifique : ainsi dénonce-t-on les communistes, les juifs, les réfractaires au Service du travail obligatoire. À ce sujet, la faible proportion de délation de réfractaires au STO semble bien confirmer son rejet massif au sein de la population française ; la politique antisémite ne fait pas, comme le STO, consensus contre elle dans la société. La situation des femmes de prisonniers de guerre, « placées sous une étroite surveillance sociale liée à la crainte (le plus souvent fantasmée) de leur infidélité, suscite d’innombrables ragots et des lettres, anonymes ou non, adressé aux captifs et à leurs proches ».