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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 10 Mai 2016 16:00 
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Le Chagrin et la Pitié est un documentaire franco-suisse de Marcel Ophüls tourné essentiellement au printemps 1969 et sorti au cinéma en 1971.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Chagri ... Piti%C3%A9

Citer :
Le film [de Marcel Ophüls] constitue historiquement la première plongée cinématographique effectuée dans la mémoire collective française sur la période de l'Occupation allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale. Face à un discours dominant qui ne faisait état jusque là que des faits de résistance, Ophüls a permis de mettre l'accent sur des comportements quotidiens beaucoup plus ambigus à l'égard de l'occupant, voire de franche collaboration. En brisant l'image faussement unanime d'une France entièrement résistante, le film joue un rôle important dans l'inauguration d'une phase de la mémoire de l'occupation que l'historien Henry Rousso appelle le « miroir brisé », à partir des années 19703. Ce courant de pensée est ensuite fortement nourri par le livre de Robert Paxton, La France de Vichy publié aux États-Unis en 1972 et traduit en français en 1973.

Je supprime mon intervention, je n'avais pas vu que c'était en réponse à Barbetorte. Pierma


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 10 Mai 2016 16:51 
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Henry Rousso est l'auteur d'un petit opuscule consacré à Vichy dans la collection « Que sais-je ? ». Il a également écrit "Vichy. L'événement, la mémoire, l'histoire" aux éditions Gallimard. Le premier chapitre est consacré à la Révolution nationale. Il est composé de cinq sections :

- Les origines
- La pratique du pouvoir
- La nature du pouvoir
- Transformer la société
- Quel bilan ?

Un texte introductif précède "les origines" :

Citer :
Il a fallu attendre la fin des années 1960 pour que les historiens prennent au sérieux le projet politique de Vichy et voient dans la « Révolution nationale » autre chose qu'un catalogue d'intentions plus ou moins cohérentes. Pourtant, bien qu'éphémère, le phénomène mérite d'être analysé. C'est la seule fois, en effet, où une culture politique à tendance autoritaire et réactionnaire a eu en charge les destinées du pays. Jusque-là, elle était minoritaire. Elle a été écartée des responsabilités tout au long de la IIIe République et elle sera quasiment exclue après 1944. Elle a certes exercé le pouvoir dans des conditions exceptionnelles, mais elle n'a pu le faire que parce qu'elle représentait une tendance non négligeable dans l'éventail des traditions idéologiques françaises.

« Révolution culturelle » ? C'est Pétain lui-même qui le proclame, le 25 juin 1940, jour de l'entrée en vigueur de l'armistice et avant l'avènement officiel du régime de Vichy : « C'est à un redressement intellectuel et moral que d'abord, je vous convie. » Il ne s'agit pas simplement de changer les hommes ou de repenser la gestion du pays, mais bien de transformer les structures de la société française, en réaction contre le système républicain, le capitalisme libéral, l'individualisme et l'universalisme de la société moderne.

Le terme même de « Révolution nationale » couvre à la fois un corps de doctrine, qui puise à diverses sources intellectuelles, et une série de réformes institutionnelles, économiques, sociales ou culturelles effectives.

Vichy s'attelle à la tâche dès juillet 1940. La nécessité d'un « redressement intérieur », préconisé par le clan Pétain-Weygand, n'était-elle pas l'une des justifications de l'armistice, un mois plus tôt ? L'urgence est donc de mise. Pas question d'attendre la levée de l'occupation ou la signature d'une paix séparée. Ces objectifs sont d'ailleurs indissociables : Révolution nationale et collaboration d'État constituent les deux volets d'un même projet politique. La rénovation intérieure est, en effet, entièrement conditionnée par la réussite de sa politique « extérieure », la collaboration avec le Reich.

Comment la France peut-elle concevoir une œuvre durable sans recouvrer, d'abord, sa souveraineté et sans négocier, ensuite, sa place dans le futur équilibre européen ? À l'inverse, les fondements idéologiques de la Révolution nationale rangent obligatoirement celle-ci dans le camp du nazisme et du fascisme, dont elle ne peut, en toute logique, que souhaiter la victoire. On imagine mal la survie d'un tel régime dans le cadre d'une victoire alliée, même si certains, à Vichy, en rêvent et même si la politique pratiquée par les Américains, notamment en 1942, en Afrique du Nord, a pu laisser planer un doute. La Révolution nationale s'affirme ainsi, dès l'origine, comme une vision étroite mais globale du monde. Elle est surtout, au sens plein du terme, une certaine idée de la France.





Les origines
Citer :
La Révolution nationale a longtemps été perçue soit comme l'héritière exclusive de l'Action française, soit comme une idéologie faite de bric et de broc. En fait, elle correspond à une tentative de synthèse pragmatique de plusieurs courants. C'est cette diversité qui donne à la dictature de Vichy son caractère « pluraliste », selon le mot de Stanley Hoffmann. Le socle repose sans conteste sur la survivance des grands courants de pensée réactionnaires du XIXe siècle. Le refus des idéaux de 1789 tiré des contre-révolutionnaires comme Louis de Bonald ou Joseph de Maistre, la critique de la société industrielle inspirée de Le Play, le catholicisme social de René de La Tour du Pin ou d'Albert de Mun, la recherche d'une « troisième voie » entre capitalisme et socialisme imprègnent de façon diffuse l'idéologie de Vichy. Le régime en tire sa critique de l'individualisme, responsable d'un déracinement de l'homme de sa condition originelle. Il réaffirme la primauté des structures d'encadrement « naturelles », les communautés organiques que sont la nation, la famille, la profession.

Cependant, contrairement à une idée répandue, Vichy n'a pas renié tout l'héritage de 1789. S'il adopte une nouvelle symbolique, dont la marque la plus connue est la francisque gallique, hommage aux ancêtres, il conserve la célébration du 14 Juillet et La Marseillaise. Dans l'imagerie officielle, le drapeau et les couleurs tricolores, symboles de la République, sont systématiquement associés à la personne de Pétain. Il n'est d'ailleurs pas question de revenir à un illusoire « Ancien Régime » ; l'article premier des « Principes de la Communauté », publiés en 1941 pour faire pièce à la Déclaration des droits de l'homme, reconnaît l'existence de « droits naturels » :


« L'homme tient de la nature ses droits fondamentaux, mais ils ne lui sont garantis que par les communautés qui l'entourent : sa famille qui l'élève, la profession qui le nourrit, la nation qui le protège. »


L'Action française, elle-même héritière de cette culture traditionaliste, a bien sûr fourni nombre de thèmes à la Révolution nationale. L'idée de « la France seule » obsède les partisans de l'armistice puis de la collaboration d'État. Les chantres du « pouvoir d'un seul » applaudissent la prise de fonction du « Maréchal ». L'hostilité au principe de la représentation politique, donc par définition à la démocratie parlementaire, la dénonciation de « l'Anti-France » et des « quatre états confédérés » – juifs, francs-maçons, métèques et protestants – se traduisent pour la première fois en termes institutionnels, comme dans le statut des juifs du 3 octobre 1940. Quant au « retour à la terre » et l'appel à un « État corporatif », ils sont inscrits depuis près d'un demi-siècle dans la doctrine de l'Action française. D'authentiques maurrassiens ont d'ailleurs joué un rôle essentiel à Vichy. Le plus connu, Raphaël Alibert, garde des Sceaux, a été le rédacteur des trois premiers actes constitutionnels et des premières lois répressives.

Toutefois, et c'est là une différence de taille, le régime n'a jamais eu de velléité monarchiste, même si la nomination d'un « dauphin » ou des formules régaliennes comme celle qui précède toutes les lois de Vichy – « Nous, Maréchal de France, Chef de l'État français, le Conseil des ministres entendu, décrétons... » – ont fait se pâmer d'aise le vieux Maurras. Il s'est souvent écarté de ce dernier, dans la doctrine comme dans la pratique, notamment avec l'importance qu'il a accordée au rôle de l'État. Rien d'étonnant, d'ailleurs, à ces infidélités : en 1940, la doctrine de l'Action française était figée, en butte à de nombreuses critiques à droite.

La Révolution nationale est l'héritière d'autres courants idéologiques. Parmi eux, on peut citer l'« esprit ancien combattant » et les mots d'ordre des ligues d'avant-guerre, surtout celle des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque. Les thèmes du « devoir », du « sacrifice », de l'« obéissance aux chefs », la nécessité pour tous d'être prêts à « servir », le refus des divisions internes, donc des partis politiques, sont récurrents dans les discours de Pétain, avant comme pendant l'Occupation. La nécessité d'un exécutif fort, le « sens de l'État » exigé de ses serviteurs rappellent les idées d'André Tardieu, qui fut un temps le porte-parole d'une réforme constitutionnelle au début des années 1930.

De même, les projets et réalisations en matière économique et sociale sont un prolongement direct des réflexions des cercles « non conformistes » ou antilibéraux de l'avant-guerre, du groupe « X-Crise », de Jean Coutrot, aux Nouveaux Cahiers, de Jacques Barnaud, sans oublier les diverses tendances corporatistes, tel l'Institut d'études corporatives et sociales, de Maurice Bouvier-Ajam. Emmanuel Mounier et le personnalisme ont également influencé certaines franges de la nébuleuse vichyste.

Enfin, des courants issus de la gauche, en rupture de ban avec le communisme ou le socialisme, ont fourni quelques cadres et éléments de doctrine, même si on en retrouve plus souvent la trace dans les partis collaborationnistes après 1940. Ainsi, l'idée même d'une « révolution », fût-elle nationale, est plutôt formulée par des intellectuels venus du marxisme, à l'exemple d'un Marcel Déat, un bref moment proche de Vichy. Leur objectif est de faire pièce à l'idéal révolutionnaire bolchevique et d'utiliser l'élan vital des masses, à l'instar du fascisme et du national-socialisme. Ce qui explique les réticences à Vichy des plus conservateurs, qui lui ont d'abord préféré les mots « redressement » ou « rénovation ». Mais, très vite, le terme révolution s'impose. Dans une déclaration faite à la presse américaine le 22 août 1940, Pétain en justifie l'adoption :


« La “Révolution nationale” ne se fait pas contre l'oppression politique mais contre un ordre périmé. Elle s'accomplit au lendemain d'une défaite, sept ans après la révolution allemande, dix-huit ans après la révolution italienne, et dans un esprit tout à fait différent de ces deux révolutions historiques. »


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 11 Mai 2016 0:45 
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ThierryM a écrit :
L. VLPIVS POLLEX a écrit :
Même son "honneur-famille-patrie" prêterait à rire, après la lourde défaite (pas que militaire) ou l' Honneur en a pris un coup, la Famille aussi(avec des millions de prisonniers, séparés de leurs familles, précisément) et la patrie pour finir (vassalisée à son conquérant, par son honorable, familial et patriote gouvernement légal).


Vichy était même d'accord avec vous sur l'honneur puisque la devise était "Travail - Famille - Patrie."

Je ne sais plus quel résistant a transposé cette devise en "tracas, famine, patrouille." :mrgreen:

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 11 Mai 2016 9:47 
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Grégoire de Tours
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Pierma a écrit :
ThierryM a écrit :
L. VLPIVS POLLEX a écrit :
Même son "honneur-famille-patrie" prêterait à rire, après la lourde défaite (pas que militaire) ou l' Honneur en a pris un coup, la Famille aussi(avec des millions de prisonniers, séparés de leurs familles, précisément) et la patrie pour finir (vassalisée à son conquérant, par son honorable, familial et patriote gouvernement légal).


Vichy était même d'accord avec vous sur l'honneur puisque la devise était "Travail - Famille - Patrie."

Je ne sais plus quel résistant a transposé cette devise en "tracas, famine, patrouille." :mrgreen:


Léon-Paul Fargue.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 11 Mai 2016 15:32 
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ThierryM a écrit :
Pierma a écrit :
Je ne sais plus quel résistant a transposé cette devise en "tracas, famine, patrouille." :mrgreen:


Léon-Paul Fargue.

Merci pour l'info.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 23 Mai 2016 21:09 
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Salluste
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Henry Rousso est l'auteur de "Vichy. L'événement, la mémoire, l'histoire" aux éditions Gallimard. Le premier chapitre est consacré à la Révolution nationale. Il est composé de cinq sections :

- Les origines
- La pratique du pouvoir
- La nature du pouvoir
- Transformer la société
- Quel bilan ?


La pratique du pouvoir
Citer :
La Révolution nationale a cherché sa cohérence dans une pratique du pouvoir exercé au jour le jour par des élites de formations et d'horizons divers. Celles-ci se sont approprié, chacune dans son domaine et non sans des conflits parfois aigus, le contenu originel (très vague) de la « pensée du Maréchal ». La devise « Travail, Famille, Patrie », tirée de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, et empruntée aux Croix-de-Feu n'en donne qu'une image imparfaite. Destinée à supplanter la trilogie républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité », fondée sur des valeurs universelles et « abstraites », elle marque l'attachement de la Révolution nationale au principe des « communautés », des corps organiques « réels » : la nation, la région, la profession, la famille – autant de cellules, hiérarchiquement ordonnées, qui encadrent l'individu et l'attachent par des liens qui doivent rester indissolubles. René Gillouin, un doctrinaire des plus influents du pétainisme, a proposé une définition plus éclairante du nouveau régime, qui permet d'analyser ses principes directeurs et ses réalisations : « Le nouvel État est national, autoritaire, hiérarchique et social. »

Vichy appartient à la famille des « rassemblements nationaux ». La nation constituant la communauté suprême, toute idée de division est exclue, que ce soit la lutte des classes ou le pluralisme politique. Sans interdire expressément le partis politiques (sauf le Parti communiste, clandestin depuis 1939) – partis qui sont d'ailleurs presque tous assommés par la défaite et l'Occupation –, Vichy en empêche l'activité, du moins pour ceux qui ne lui sont pas a priori favorables. La mise en congé des Chambres, la censure, le contrôle de la presse, la répression contre certains dirigeants de gauche ou de droite (Léon Blum, Pierre Mendès France, Jean Zay, Édouard Daladier, Georges Mandel...) jettent une chape de plus en plus plombée sur la vie politique. De même, le régime dissout en novembre 1940 les grandes confédérations syndicales, qu'elles soient ouvrières comme la CGT ou la CFTC, ou patronale comme la CGPF, car Vichy a l'ambition de créer de nouvelles structures d'encadrement social. L'objectif, partiellement atteint, est bien de « dépolitiser » la société française, de mettre fin à la « culture du mécontentement », responsable de tous les maux, à commencer par la défaite.

Parce que « national », le nouvel État « bannit en son sein, ou dépouille de toute influence dirigeante, les individus et les groupes qui, pour des raisons de race ou de conviction, ne peuvent ou ne veulent souscrire au primat de la patrie française : étrangers, juifs, francs-maçons, communistes, internationalistes de toute origine et de toute obédience », écrit René Gillouin. C'est d'ailleurs en ces seuls termes de rejet qu'il définit la « nation ». Vichy la conçoit, en effet, comme une entité à la fois organique et restreinte, fondée sur l'exclusion érigée en doctrine et en politique. C'est en ce domaine qu'il a le plus battu en brèche le principe de l'égalité des citoyens devant la loi en créant des catégories de citoyens de second rang, fichés, renvoyés de certaines professions, puis pourchassés, livrés aux Allemands et parfois déportés.

Par la loi du 17 juillet 1940, tout magistrat, fonctionnaire ou autre agent de l'État peut être relevé de ses fonctions sur simple décret ministériel, une mesure qui prolonge certains décrets pris en 1939 dans le cadre d'une situation de guerre mais mise en application ici pour des motifs bien différents. Une autre loi, du même jour, interdit l'accès aux emplois publics à tout citoyen français né d'un père étranger. Au total, près de 2 300 fonctionnaires sont épurés en 1940.

Le 22 juillet 1940, une autre loi entreprend la révision des naturalisations octroyées depuis 1927 aux « Français de fraîche date », comme le dit Pétain le 15 août 1940, par la plume de Gillouin interposée. C'est ainsi que 15 000 citoyens, dont près d'un tiers de juifs, redeviennent des étrangers, faisant, à ce titre aussi, l'objet de mesures d'exclusion.

Le 13 août 1940, le gouvernement interdit les « sociétés secrètes » – une mesure qui frappe les francs-maçons, que Pétain déteste tout particulièrement. Les loges sont dissoutes et leurs membres désignés, dans le Journal officiel, à la vindicte publique. Enfin, le 3 octobre 1940 et le 2 juin 1941 sont promulgués les « Statuts des juifs » qui leur interdisent l'accès à certaines professions et en font des citoyens mineurs. Enraciné dans la Révolution nationale, dont il constitue un aspect important mais non central, l'antisémitisme d'État de Vichy, associé à l'engrenage de la collaboration, amènera le régime à participer activement à la Solution finale, bien qu'il n'ait pas conçu le projet d'exterminer, ni même de chasser du territoire les juifs français.



La nature du pouvoir
Citer :
La Révolution nationale a tenté de redéfinir la source, l'exercice et la transmission du pouvoir. Elle a également contribué à renforcer la puissance et les prérogatives de l'État. Mais elle l'a fait sans vue d'ensemble, même si la « réforme constitutionnelle » était prévue dans le vote du 10 juillet 1940. C'est plutôt par tâtonnements successifs, avec une pratique où se mêlent l'autoritarisme naturel des dirigeants et l'exercice d'un pouvoir sans partage (tant du gouvernement que de l'administration) que s'est opérée la rupture avec la IIIe République.

Certes, le processus n'était ni inattendu ni entièrement original. Il faut rappeler, sans en surestimer la portée, que, depuis 1938, l'utilisation systématique des décrets-lois avait réduit le champ d'action des Chambres et habitué le pays à une pratique autoritaire du pouvoir exécutif – tendance souvent associée au timide relèvement que connaît la France dans les mois qui précèdent la guerre. De même, l'extension des prérogatives de l'État s'insère dans une longue durée car elle s'est faite, pour l'essentiel et démocratiquement sous la IIIe République, puis sous la IVe et la Ve. Mais, avec Vichy, la rupture politique est radicale.

Tout d'abord, l'exercice du pouvoir est profondément bouleversé. Par les trois premiers « actes constitutionnels » du 11 juillet 1940, Pétain déclare de son propre chef « assumer les fonctions de chef de l'État français » (acte no I) : il s'attribue « la plénitude du pouvoir gouvernemental » (acte no II) et ajourne les Chambres « jusqu'à nouvel ordre » (acte no III). La République est ainsi gommée en quelques mots, tandis que se met en place un régime autoritaire qui concentre entre les mains d'un seul, sans contrôle, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

La transmission du pouvoir est, elle aussi, modifiée par la nomination d'un « dauphin », qui fait du vice-président du Conseil (Pierre Laval), puis de l'amiral Darlan (à titre personnel), l'héritier des pleins pouvoirs du chef de l'État en cas d'« empêchement » (actes no IV du 12 juillet 1940 et IV quater du 10 février 1941). Surtout, aucun mode d'élection ni de désignation autre que par le fait du Prince-Maréchal n'est envisagé. Une loi du 12 octobre 1940 suspend les sessions des conseils généraux élus, les remplaçant par des « commissions administratives » et transférant leurs pouvoirs aux préfets. Ce qui pose – en théorie, compte tenu des circonstances – la question de la source du pouvoir, donc de la légitimité du régime.

En apparence, le principe de la souveraineté nationale n'a pas été touché, puisque Pétain, le chef suprême, détient son « mandat » d'un vote (plus ou moins légal, le débat fait rage depuis cinquante ans) de l'Assemblée nationale. Dans la réalité, la Révolution nationale a tenté de façon pragmatique d'établir des liens personnels entre le chef de l'État et les Français avec l'instauration (à forte charge symbolique) du serment pour les hauts fonctionnaires et magistrats, et surtout avec la mise en œuvre, au moyen d'une propagande adéquate, d'un culte de la personnalité.

Quant à l'extension des prérogatives de l'État, elle est la conséquence de plusieurs phénomènes. Les circonstances exceptionnelles que sont les pénuries, la désorganisation sociale due à la débâcle, la coupure du pays en plusieurs zones et la présence d'une administration étrangère sur les trois cinquièmes du territoire ont joué un rôle immédiat, inévitable. Mais la structure autoritaire du régime et l'absence de tout contrôle parlementaire ont pesé de tout leur poids. Elles ont donné un pouvoir considérable à l'administration, préfets en tête, et enfermé la vie économique, sociale, culturelle dans des réseaux de contraintes et de règlements rarement égalés depuis.

Par ailleurs, profitant de leur présence à Paris et de l'éloignement de l'exécutif à Vichy, beaucoup de hauts fonctionnaires se sont arrogé des prérogatives souvent très larges. C'est le cas, dans les administrations économiques, d'un Jean Bichelonne, secrétaire général puis ministre de la Production industrielle, ou encore à l'Intérieur, d'un René Bousquet, secrétaire général à la Police, qui négocie directement avec la SS les accords de collaboration policière, en juillet 1942.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 04 Juin 2016 14:53 
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Salluste
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Petit rappel des cinq sections :

- Les origines
- La pratique du pouvoir
- La nature du pouvoir
- Transformer la société
- Quel bilan ?



Transformer la société
Citer :
Vichy a très vite réalisé, cependant, qu'un régime autoritaire ne pouvait se couper entièrement des masses. L'exercice à sens unique du pouvoir a ses effets pervers, à commencer par la méconnaissance profonde de l'opinion, donc du degré de soutien dont le régime peut bénéficier. D'où la création d'organismes de relais, tel le Conseil national en 1941, sorte de Parlement croupion, ou, dans un autre registre, la Légion française des combattants, sur le modèle des associations d'anciens combattants d'avant-guerre qu'elle regroupe et unifie. Cette dernière est destinée à être « le fer de lance de la Révolution nationale », en l'absence d'un « parti unique », farouchement refusé par Pétain à l'été 1940. Elle évoluera vers l'activisme, avec le Service d'ordre légionnaire de Darnand, puis vers la lutte armée, avec la Milice. Le régime a beau déclarer en permanence, par la voix de son chef ou des ministres en campagne, que « la Révolution nationale est une mystique », une révolution « intime », dira le cardinal Gerlier, il n'en sera pas moins très vite coupé des Français. La « révolution culturelle » des premiers mois accouchera d'un État policier – le cas est fréquent.

Pétain et la Révolution nationale sont les héritiers de Lyautey et d'une tradition d'ordre social, d'inspiration inégalitaire. Cela s'est traduit par l'exigence d'une « obéissance », d'une « discipline » que Pétain réclame aux Français lorsqu'il s'adresse à eux, son képi de chef bien vissé sur la tête. Mais cela s'est traduit surtout par la volonté de former et de promouvoir des élites spécifiques, définies à la fois par leur mérite, leur sens des responsabilités et du commandement, et par leur adhésion à la nouvelle idéologie. Telle est la raison d'être des nombreuses « écoles de cadres », dont la plus célèbre a été celle d'Uriage. On y développe l'esprit d'équipe, la culture physique, l'apprentissage de la fonction de « chef », parfois sur un mode paramilitaire. Autant de traits qu'on retrouve dans les Chantiers de jeunesse, créés à l'été 1940. C'est l'institution fétiche du régime, qui mise beaucoup sur une jeunesse « saine » et « unie » (mais non « unique », comme dans les régimes fascistes). Les joies simples de la nature, l'effort physique, l'obéissance aux chefs, la communion des âmes et des esprits autour de « la flamme qui monte du sol natal » doivent favoriser le jaillissement d'élites nouvelles, un projet qui a largement échoué.

Transformer en quelques mois une société aussi pesante que celle de la France de 1940 exige d'établir des priorités. Le régime a donc privilégié la famille, l'éducation, l'économie. Dans la conception organique de la société, la nation est la communauté suprême et la famille, la communauté de base :

« La famille, cellule initiale de la société, nous offre la meilleure garantie de relèvement. Un pays stérile est un pays mortellement atteint dans son existence. Pour que la France vive, il faut d'abord des foyers. Le foyer [...], c'est cette communauté spirituelle qui sauve l'homme de l'égoïsme et lui apprend à s'oublier pour se donner à ceux qui l'entourent. »



Il est vrai que la dénatalité préoccupe depuis longtemps les pouvoirs publics. Elle incite le gouvernement Daladier à promulguer le premier Code de la famille, en juillet 1939, dont Vichy ne fait que compléter l'armature : renforcement de l'autorité paternelle et du chef de famille, propagande et incitations financières pour garder les femmes au foyer, notamment par l'allocation d'un salaire unique aux jeunes ménages ou la remise à l'honneur de la fête des Mères.

En matière d'éducation, les premières années sont marquées par une réaction cléricale, revanche manifeste sur les lois républicaines de 1882-1905. De 1940 à 1941, Vichy rétablit les écoles congréganistes, supprime les écoles normales, accroît les subventions aux écoles privées et rétablit l'instruction religieuse (en option) dans les écoles publiques (loi du 6 janvier 1941). « L'école sans Dieu a vécu », titre La Croix, vengeresse, le 12 décembre 1940. Mais l'offensive calottine ne dure pas, car la Révolution nationale se trouve devant un dilemme : soit elle redonne tout son poids à l'Église, soutien actif du régime par la voix de quelques grands prélats, mais prend le risque de voir lui échapper le monopole du contrôle des esprits ; soit elle réaffirme le principe de la laïcité scolaire afin de préserver la primauté de l'État, quitte à se situer dans la continuité de la pratique républicaine. Pétain le dira sans ambiguïté, dans un discours du 25 mars 1942 : « Il est un domaine où l'État exerce normalement sur la jeunesse une influence plus directe : c'est celui de l'école. » Dès novembre 1941, Jérôme Carcopino entreprend de stopper l'offensive catholique, qui soulève de nombreuses oppositions, pour s'engager dans des réformes à caractère plus technique du système éducatif français.

En matière économique et sociale, l'écart entre les intentions idéologiques et la pratique a été l'un des plus manifestes. La Révolution nationale avait l'ambition de combattre à la fois le principe de la lutte des classes et le capitalisme libéral, « la féodalité des trusts », comme disait Pétain. Elle projetait de mettre en place un système corporatif, un peu à l'image de l'Estado Novo de Salazar, dans lequel chaque profession – autre grande « communauté » organique –, chaque métier, chaque secteur ou branche économique seraient organisés sur un mode vertical, intégrant dans un même organisme patrons, cadres, ingénieurs, ouvriers, sous l'arbitrage de l'État.

Concrètement, Vichy a instauré en premier lieu des « ordres professionnels », dont la plupart existent toujours : médecins, pharmaciens, dentistes (loi du 7 octobre 1940), architectes (loi du 31 décembre 1940), vétérinaires (loi du 18 février 1942), experts-comptables (loi du 3 avril 1942), etc. Ils ont une fonction de régulation interne à une profession, un peu sur le modèle de l'Ordre des avocats fondé en 1804 par Napoléon. Is en fixent les statuts, les conditions d'accès, la déontologie. Mais ces ordres sont loin d'avoir l'autonomie suffisante pour définir une politique d'ensemble en matière de santé ou d'urbanisme, qui reste du ressort de l'État. Par ailleurs, ils répondent autant, sinon plus, à des besoins catégoriels qu'ils ne sacrifient à une idéologie « médiévale », d'où leur pérennité et leur extension après la guerre à d'autres corps de métiers.

Ensuite, Vichy crée de manière pragmatique une économie dirigée, voire « administrée » par le biais d'organismes spécialisés laissés aux mains des grands chefs d'entreprise (Comités d'organisation, Offices de répartition, etc.) qui contrôlent la totalité de la production et de la distribution des produits. Cet édifice complexe, qui appartient à un processus de longue durée, avant comme après l'Occupation, consacre la défaite des idées corporatistes, le plus souvent hostiles au dirigisme d'État, au profit des conceptions technocratiques qui prévalent chez les hauts fonctionnaires ayant la charge effective de l'appareil dirigiste. Contrairement à une idée répandue, la Charte du Travail (1941), par exemple, met définitivement un terme aux velléités corporatistes. Elle instaure une séparation nette entre l'« économique » et le « social », dont le lien constituait le cœur du projet corporatiste.

Le pouvoir de décision économique est laissé de façon exclusive à l'État et aux chefs d'entreprise, par le biais notamment des Comités d'organisation. Les organismes créés par la Charte, dont les Comités sociaux, n'exercent leurs prérogatives que sur un mode consultatif et pour les questions touchant aux seules conditions de travail ou aux œuvres sociales. La seule création proche des idées corporatistes est la Corporation paysanne, le 2 décembre 1940. Elle tente d'intégrer dans un même organisme à caractère obligatoire les représentants, en principe élus, en réalité nommés par l'État, de tous les métiers de l'agriculture.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 04 Juin 2016 16:45 
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Pierre de L'Estoile
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Il faut tout de même observer que cette révolution a fait long feu.

Les formateurs et les stagiaires de l'école d'Uriage sont dès le début critiques à l'égard du gouvernement et finissent pour bon nombre d'entre eux dans la résistance. Je lis d'ailleurs dans l'article de wikipedia qui lui est consacré : Uriage sert de refuge pour les juifs des villes voisines, parfois même de Lyon où Uriage a comme contact privilégié le père Pierre Chaillet. L'école est fermée fin 1942 sur les ordres de Laval.

Le principal inspirateur de la Révolution Nationale était Weygand, hostile à la politique de collaboration : L'armistice, rien que l'armistice.. En novembre 1942, les Allemands l'expédient en Allemagne.

Fin 1942, Laval qui a reçu tous les pouvoirs à égalité avec le chef de l'Etat est celui qui gouverne dans les faits, Pétain s'effaçant de plus en plus. C'en est alors fini de la Révolution Nationale à laquelle Laval n'avait jamais adhéré.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 04 Juin 2016 19:23 
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Pierre de L'Estoile
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Un lien vers Uriage tiré des entrailles du forum
viewtopic.php?f=49&t=21287&hilit=uriage

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 05 Juil 2016 8:14 
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Salluste
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Je rappelle les cinq sections du chapitre consacré à la Révolution nationale :

- Les origines
- La pratique du pouvoir
- La nature du pouvoir
- Transformer la société
- Quel bilan ?



Quel bilan ?
Citer :
Au total, la Révolution nationale est restée une œuvre inachevée, fragile et... détestée. L'évolution du conflit la range après 1942 au second plan des priorités. L'effondrement du régime l'envoie définitivement dans l'enfer des idéologies du désastre. Pourtant, nombre de transformations ont été reprises à la Libération et sont entrées dans les mœurs, quitte à subir un ravalement. Là où Vichy a poursuivi, en l'intensifiant, l'œuvre de ses prédécesseurs, Front populaire y compris, il a laissé une trace plus ou moins durable. C'est du moins vérifiable dans le domaine de la politique économique, de la politique d'éducation après 1941, de la politique familiale ou encore de la politique sportive. C'est vrai également de la création de « régions » et de la prise en compte du concept de décentralisation comme des réformes de l'appareil d'État. En revanche, là où la Révolution nationale a cherché ouvertement et brutalement la rupture avec l'ordre ancien, elle a connu des échecs relativement cuisants. La politique d'exclusion, notamment à l'égard des juifs, qui se transformera en répression en 1941-1942, marque une étape décisive dans l'évolution défavorable de l'opinion.

Autre exemple tout à fait significatif : la politique culturelle. Vichy n'a pu ni n'a su imposer des formes spécifiques d'expression artistique. Ni la littérature, plutôt fascinée par le fascisme (ou tournée vers la Résistance), ni le cinéma, pourtant en pleine créativité, ni le théâtre, florissant lui aussi, n'ont vu éclore un art officiel. S'il existe une imagerie maréchaliste, on chercherait en vain un « art pétainiste », à l'exemple des tentatives du nazisme ou du fascisme. Autrement dit, manquent les preuves les plus évidentes que cette « révolution culturelle » ait commencé d'opérer dans l'imaginaire des Français.

Pour expliquer cette lacune, alors qu'on ne peut douter du volontarisme de Vichy, on peut avancer plusieurs raisons : la Révolution nationale est toujours perçue à travers le culte du Maréchal, et son projet politique passe au second plan, derrière l'attachement sentimental à Pétain.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 18 Juil 2016 17:09 
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Je recommande le bouquin de la Librairie Larousse "La France en guerre" de Philippe Masson dans la série "Histoire de France illustrée".
Entre autres illustrations, une affiche de propagande où l'on voit écrit en gros caractère : « LA FRANC-MAÇONNERIE FOSSOYEUSE DE LA PAIX ». Le commentaire de l'historien :
Citer :
La loi du 13 aout 1940, dont l'inspirateur était le garde des Sceaux Alibert, un homme imprégné des idées d'Action française, supprima les sociétés secrètes. Cette mesure était en fait dirigée contre la franc-maçonnerie, jugée coupable d'avoir plongé la France dans la décadence. La fonction publique fut en partie « épurée », mais les poursuites revêtirent une sévérité inégale selon les ministères concernés.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 25 Juil 2016 0:18 
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La période qui va de juin 1940 à août 1941 est ponctuée de plusieurs discours de Pétain :

• Discours du 25 juin 1940 : les conditions de l'armistice
• Discours du 11 octobre 1940 : l’ordre nouveau
• Discours de Pétain après l’entrevue de Montoire : 30 octobre 1940
• Discours de Pétain du 12 août 1941 : « Le vent mauvais »


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 25 Juil 2016 23:59 
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Citer :
Là où Vichy a poursuivi, en l'intensifiant, l'œuvre de ses prédécesseurs, Front populaire y compris, il a laissé une trace plus ou moins durable. C'est du moins vérifiable dans le domaine de la politique économique, de la politique d'éducation après 1941, de la politique familiale ou encore de la politique sportive. C'est vrai également de la création de « régions » et de la prise en compte du concept de décentralisation comme des réformes de l'appareil d'État. En revanche, là où la Révolution nationale a cherché ouvertement et brutalement la rupture avec l'ordre ancien, elle a connu des échecs relativement cuisants.
Si j'ai bien compris,cette citation est tirée de Vichy. L'événement, la mémoire, l'histoire d'Henry Rousso. Dans sa présentation, l'éditeur distingue trois objets (http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/Vichy.-L-evenement-la-memoire-l-histoire) :
- le régime installé avec l'ambition de conduire en profondeur, dans un pays occupé, une «Révolution nationale» ;
- le gouvernement et son administration dont la mémoire nationale, ces dernières décennies, privilégie le souvenir de la déportation des juifs ;
- l'objet de recherches menées par des historiens et dont la perspective globale sur l'époque diverge de plus en plus de celle que nourrit la justice.[/quote]

Il est indéniable que le travail de réforme administrative accompli pendant la période de Vichy a été intense et que le résultat en été en grande partie pérenne. On peut ainsi dire que le code de l'urbanisme est né sous la régime de Vichy comme le code civil est né sous le Consulat. Mais est-ce le résultat de la Révolution Nationale ? Je reste accroché à l'idée que la Révolution Nationale doit être entendue dans une acception restreinte, celle d'un mouvement reposant sur un socle idéologique très maurrassien :
- anti-parlementarisme et rejet de la démocratie en général,
- conservatisme et autoritarisme en matière de moeurs,
- conservatisme et autoritarisme dans le domaine des idées et de la création artistique,
- nationalisme.

Certains aspects de la Révolution Nationale peuvent apparaître séduisants comme l'espèce de scoutisme développé à l'école des cadres d'Uriage, qui me laisse personnellement sceptique mais qui n'est pas fondamentalement détestable. Après tout, rien dans la devise du régime n'est haïssable. A la CGT, qui n'est pas d'inspiration particulièrement pétainiste, on accorde aussi une grande valeur au travail. La famille est digne de considération et il faut aider les parents à élever leurs enfants et c'est pour cela qu'on leur verse des allocations familiales, quant à la patrie, c'est pour servir la patrie que Charles de Gaulle est parti à Londres. Mais tout cela ne doit pas occulter le fondement idéologique inacceptable qui donne la priorité à l'autorité du chef sur les libertés individuelles. Une allocution du 4 juin 1941 faite aux représentants des organisations professionnelles donne le ton : Cet État sera hiérarchique et autoritaire, fondé sur la responsabilité et le commandement, s'exerçant de haut en bas, à tous les échelons de la hiérarchie, s'appliquant à des objets concrets et à des intérêts précis, s'inspirant des principes sociaux, politiques et spirituels qui ont fait la cohésion et la grandeur de la nation française. C'est un fascisme à la française qu'on peut rapprocher des régimes de Franco ou de Salazar. Ces deux derniers ont duré, sans, globalement, atteindre leurs objectifs, à moins que la suppression des libertés ne soit un objectif en soi, faisant perdurer un retard économique qui ne commencera à être rattrapé qu'après un retour à la démocratie et l'intégration dans l'Union Européenne.

Les lignes directrices de la Révolution Nationales sont données dans le discours du 11 octobre 1940.

En politique extérieure, la collaboration avec l'Allemagne dans l'espoir qu'elle soit bien disposée à l'égard de la France : En présence d'un vainqueur qui aura su dominer sa victoire, nous saurons dominer notre défaite. Et si le vainqueur ne dominait pas sa victoire ? Eh bien alors : Si toutes les voies nous sont fermées, nous saurons attendre et souffrir.

En politique intérieure, un régime, hiérarchique et social : ni lutte des classes ni capitalisme. Egalité des chances qui sont données par le travail et le talent, sans considération des origines sociales mais à la condition d'une intégration dans la France nouvelle (on en déduit que les Juifs, dont il n'est jamais question dans les discours de Pétain, sont par définition impossible à intégrer dans la société française). Le droit au travail est proclamé. Pour le garantir l'économie sera encadrée par l'Etat et les organisations professionnelles constituées sous la forme de corporations. Les droit de grève est aboli, les conflits devant se régler par les partenaires sociaux ou devant les tribunaux. En matière économique, fin du libéralisme, retour au colbertisme.

Ce programme de réformes intérieures n'a pu aboutir dans son esprit, à mon avis pour la raison principale que cet esprit était tout à fait étranger à Pierre Laval, nommé chef du gouvernement en avril 1942 et qui se fait accorder les pleins pouvoirs en novembre 1942, date à partir de laquelle Pétain ne maîtrise plus rien.

Certes de nombreuses mesures, certaines à fort contenu social, ont été prises, mais il est difficile de dire si c'est en application de la Révolution Nationale. Les cartons des ministères était pleins de projets, beaucoup d'entre eux initiés sous le Front National. La raison à mon avis la plus plausible de leur réalisation est que les technocrates en place dans les administrations ont pu travailler sans être freinés par l'exercice du jeu parlementaire.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 26 Juil 2016 0:21 
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Jerôme a écrit :
le discours du 12 août 1941 sur "le vent mauvais" correspond bien à cette période. Les Français ont compris que l'Angleterre allait tenir longtemps, que la Wehrmacht risquait de se perdre en Russie (comme la Grande Armée), que la RN théorisait en fait la dictature pétainiste à l'intérieur et la soumission de la France à l'"ordre nouveau" imposé par l'Allemagne !

Les Français avaient-ils compris que l'armée allemande risquait de se perdre en Russie ? A vrai dire, je ne sais pas. La guerre en Russie n'en était qu'à son 50ème jour. C'était probablement un peu tôt pour se faire une idée. Le discours a été prononcé en août mais le « vent mauvais » avait peut-être commencé de souffler bien avant.

Un extrait du discours : De plusieurs régions de France je sens se lever depuis plusieurs semaines un vent mauvais. L’inquiétude gagne les esprits ; le doute s’empare des âmes ; l’autorité de mon gouvernement est discutée : les ordres sont souvent mal exécutés.

En attendant de parcourir d'autres ouvrages, voyons l'explication qui figure dans "La France en guerre" de Philippe Masson :
Citer :
Malgré le renforcement de ses pouvoirs, l'Etat français, soumis à l'Occupation et à ses rigueurs, ne pouvait exercer une politique réellement indépendante. Ces orientations contribuèrent au désenchantement de l'opinion dès l'été de 1941. Le 12 août, le maréchal dénonça le « vent mauvais » qui soufflait sur le pays. La conjoncture jouait également son rôle. La guerre continuait, prenait une allure mondiale. Les difficultés matérielles s'aggravaient. Les premiers attentats contre les Allemands se traduisaient par des exécutions massives d'otages.


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 Sujet du message : Re: Révolution nationale
Message Publié : 26 Juil 2016 0:28 
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Barbetorte a écrit :
Certains aspects de la Révolution Nationale peuvent apparaître séduisants comme l'espèce de scoutisme développé à l'école des cadres d'Uriage, qui me laisse personnellement sceptique mais qui n'est pas fondamentalement détestable.

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