Harrachi78 a écrit :
Ok, c'est très clair. Je ne savais pas que les liens administratifs sont restės aussi étroits avec la zone occupėe !
Mais, concernant le point mis en citation ci-dessus, n'y eut-il pas des supputations ou des fuites sur la suite potentielle de l'après guerre dans l'optique d'une victoire allemande ? Hitler ou quelque officiel allemand a bien pu faire fuiter tel ou tel projet ? Ou alors on n'a vraiment aucune idėe sur ses intentions, au moins entre 1940 et 1943 ? Tout au moins, qu'est-ce qui était attendu côté Vichy comme minimum ?
Là on sort de l'histoire pour rentrer dans le what-if, parce qu'il faudrait définir ce qu'on entend par "victoire allemande". Dans l'esprit d'Hitler, c'était une mainmise complète sur toute l'Europe continentale, le reste du monde étant supposé se satisfaire de cet état d'équilibre. Un objectif insensé. (Jamais le reste du monde n'aurait accepté ça.)
(Albert Speer a raconté comment on planchait, début 42, sous la direction de Himmler, sur la colonisation par l'Allemagne des plaines russes, la main d'oeuvre soviétique esclave servant à construire 20 villes de 100 000 habitants. Speer estime que l'opération aurait tué à la tâche dans les 40 millions de slaves, tout en mobilisant pendant 5 ans toute la production de ciment du Reich. ça phosphorait dur, dans le Reich de 1000 ans !)
En revanche, on peut rappeler quelques évidences, ou quelques constantes, qui permettent de fixer les idées :
- tout d'abord "le minimum attendu par Vichy" n'avait aucune importance aux yeux d'Hitler. Il y avait ce que lui était susceptible de proposer comme appât à Vichy, et ce qu'il attendait en retour. Il ne faudrait pas se tromper sur le côté qui menait la danse. Et apparemment à sa plus grande satisfaction, puisque Pétain et Laval sont restés les figurants français jusqu'au bout.
Il aurait pu nommer un Reichsprotektor à la place, mais ils faisaient l'affaire. De plus en plus isolés et de plus en plus bouffés par les ultras de la collaboration, ou avec un Darnand, chef de la Milice, qui devient en janvier 44 ministre de l'Intérieur, mais enfin, Laval est là pour garantir tant bien que mal une autorité sur les fonctionnaires, et Pétain reste volontaire pour décorer la vitrine, qu'attendre de plus d'une France dont on sait qu'elle n'attend plus rien que le débarquement ?
- En revanche, Vichy disposait d'une légère marge de manoeuvre, disons en échangeant de la docilité contre des compensations, ou en faisant valoir ses difficultés à faire respecter les demandes du Führer.
Quand on parle de Vichy on parle essentiellement de Laval, qui dirigeait tout. Et s'il y avait un domaine utile pour eux qui lui échappait, hé bien les Allemands (Abetz, ambassadeur, ou directement Hitler) exigeaient que ces pouvoirs lui soient dévolus, à lui ou à un autre figurant à leur solde. Donc Vichy a commis des trahisons militaires pures et simples au profit des Allemands, a livré lui-même les Juifs étrangers - les autres ne perdant rien pour attendre - a envoyé ses jeunes adultes au travail obligatoire en Allemagne, mais dans l'autre sens les nazis ont dû admettre que ça n'était pas si facile, que ça prenait du temps, que les entreprises françaises (d'accord en cela avec Speer) avaient aussi besoin de main d'oeuvre qualifiée, etc...
C'est là que Laval estimait avoir cédé moins que demandé, et c'est ainsi qu'il a fait le choix de revenir en France depuis l'Espagne "pour y défendre son honneur", le malheureux...
Au total, La France a fourni à l'Allemagne une part importante de sa production agricole, des bras pour l'industrie allemande, et la production de ses usines utiles à l'effort de guerre allemand.
- Hitler n'en demandait pas plus. Il a refusé toutes les ouvertures militaires qui ont été esquissées. Il ne croyait pas que les Français puissent se joindre sincèrement à lui dans la guerre, il jugeait que les militaires français n'étaient pas fiables et il avait foutument raison.
Je crois que vous avez là l'essentiel des données du jeu. (D'autres pourront corriger ou moduler, mais je pense que le tableau est assez juste.)
- pour le peu qu'on sache des délires des nazis après leur victoire éventuelle, il faut noter, en plus de l'annexion de l'Alsace-Moselle, l'existence d'une "zone interdite" qui couvrait tout le nord de la France, les Ardennes, une partie de la Champagne, l'est de la Bourgogne, sauf erreur, et la Franche-Comté. En ajoutant les régions correspondantes en Belgique, on retrouvait la Bourgogne de Charles le Téméraire, en gros. L'idée venait d'Himmler, et était destiné dans son esprit à la création d'un Etat SS idéal, où le sang aurait été purement aryen, et qui aurait donné au monde l'exemple de la perfection nazie. Hitler avait au moins laissé courir l'idée, puisque tous les cadres et policiers en charge de l'occupation du Nord et des Ardennes, par exemple, étaient gérés depuis Bruxelles. (les habitants de ces régions avaient du souci à se faire...)
- Je ne crois pas que Hitler ait imaginé en détail un avenir pour le reste la France. Race latine qui n'avait guère besoin d'une industrie... Une sorte d'état agricole au service de l'Allemagne, je pense.