Pouzet, pourquoi faites-vous partir cette période de janvier 44 ? Au début de l'année il ne se passe rien. Les premières opérations ont lieu avec les beaux jours en Italie contre Monte Cassino (Rome est libérée le 5 juin) mais il s'agit d'un front secondaire.
A l'ouest c'est évidemment le 6 juin en Normandie, et à l'est les Soviétiques lancent l'opération Bagration le 22 juin, jour anniversaire de Barbarossa, avec une débauche de moyens qui stupéfiera le monde entier, et au cours de laquelle les malheureux Landser, écrasés ou encerclés en permanence, n'ont guère eu l'occasion de manifester de résistance. (Les Russes progressent de 600 km en 2 mois, libèrent l'ouest de l'Ukraine, la Biélorussie, une partie des pays baltes, entrent en Pologne... et surtout ils détruisent la quasi-totalité du Groupe Centre, ce que Guderian estimera à la perte de 25 divisions.)
pareil pour Mai 45 : si c'est vrai à l'est, où la guerre est inexpiable jusqu'au bout, en revanche à l'ouest les troupes allemandes se rendent - assez souvent - dès la traversée du Rhin, puis en masse dans la bataille de la Ruhr, et cessent en gros de se battre à partir de début d'avril. Seules quelques unités d'acharnés opposent parfois une violente résistance, mais dans l'ensemble les Alliés occidentaux progressent sans opposition.
En fait à l'ouest, les soldats ont cessé de se battre dès qu'ils ont considéré la guerre comme perdue sur ce front. Georges Blond affirme que les discours de Goebbels, racontant les atrocités russes au cours de leur première intrusion en Prusse orientale, ont incité les soldats à l'ouest à favoriser l'avancée américaine, pour que ceux-ci aillent le plus loin possible au devant des Russes.
Mais c'est vrai que la résistance des soldats allemands, qui dans l'ensemble font confiance au discours d'Hitler sur les armes miracle, reste encore très motivée tout au long de l'automne et de l'hiver - en particulier avec l'offensive des Ardennes, puis celle contre Strasbourg, ou encore la défense de la poche de Colmar, celle d'Aix-la-Chapelle, de la forêt de Hürtgen, etc...
Sur le front russe les soldats allemands se battent pour leur peau et pour protéger la fuite des civils, mais ils resteront combatifs jusqu'à la fin.
Elviktor a écrit :
Pouzet a écrit :
Ainsi lors de la bataille de Normandie les allemands étaient pourtant mal commandés (Hitler)
Voilà une affirmation qui mériterait juste en soi d'être débattue car il ne me semble pas que ce soit Hitler himself qui lors de la bataille de Normandie ait commandé ce front (que ce soit au niveau tactique ou stratégique), ou que ces mêmes troupes allemandes aient été en quelque façon "mal commandées", car dans ce cas, comme vous l'évoquez vous même, cette bataille n'aurait jamais duré des semaines durant.
Elles étaient parfaitement commandées (les officiers allemands connaissaient leur métier) ... tant que Hitler ne s'en mêlait pas.
Le bocage s'est révélé un terrain très difficile pour les Alliés - c'est la mauvaise surprise du débarquement en Normandie - un terrain affreusement cloisonné par des haies contenant des murets de pierre, favorisant d'autant plus la défensive que les Allemands ont mis en place une tactique très efficace, basée sur 3 lignes successives : mines, fantassins, mitrailleuses et panzerfaust (bazookas allemands) en première ligne, soutien de mortiers et d'artillerie derrière, et enfin, en réserve, les chars pour intervenir en cas de brèche. (Ce dispositif a d'ailleurs servi plus tard de modèle pour la mise au point de la doctrine défensive de l'OTAN face aux chars russes.)
Les deux mois de guerre du bocage ont coûté 200 000 tués et blessés aux Alliés. (Chiffre entendu récemment dans un documentaire.)
Hitler a refusé d'envoyer en renfort la XIXe armée, stationnée au nord de la Seine, attendant pendant plus de six semaines le second débarquement dans le Pas de Calais. Il a aussi fait des interventions intempestives tout au long de cette bataille défensive, la plupart du temps pour refuser des renforts à des secteurs sur le point de craquer.
Mais sa décision majeure est de réserver la majorité des divisions Panzer stationnées en France pour une contre-offensive destinée à "rejeter les Alliés à la mer". Au moment où les Alliés commencent à sortir du bocage, la 3e armée de Patton fait la percée par le couloir d'Avranche - tout au sud, en face du Mont Saint Michel - et commence à remonter vers le nord pour prendre les Allemands à revers. Hitler attend (trop) puis lance la contre-offensive de Mortain, avec toutes ses réserves disponibles, pour couper le couloir qui ravitaille Patton. L'offensive donne du fil à retordre aux Américains, mais leur supériorité de moyens - notamment aériens - en vient assez vite à bout. (Hitler, qui ne mettait jamais les pieds sur le front, n'a jamais réellement mesuré ce que pouvait être cette supériorité aérienne.)
C'est le début de la retraite générale pour les Allemands, dont la majorité est encerclée dans la poche de Falaise, vers le 20 août, et dont une partie ne s'échappera qu'au prix de pertes effroyables.
Il me semble que c'est toute cette dernière phase très active, avec au final la destruction d'une fraction importante de l'armée allemande à l'ouest, qu'on appelle parfois, de façon restrictive, la bataille de Normandie.
Ensuite c'est le sauve-qui-peut pour toutes les unités allemandes en France. (Le 15 août a eu lieu le débarquement en Provence) Et c'est autant le manque d'essence que l'opposition allemande qui arrêtera la progression des Alliés, en gros à la fin septembre.