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Message Publié : 05 Jan 2017 19:45 
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Hérodote
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Inscription : 31 Oct 2016 18:39
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Pour justifier le fait de négliger totalement une partie des vapeurs allemands, tant les Deutschland avaient les soucis techniques représentatifs de la technologie de l’époque, tant les Hipper avaient pour souci une apparente quasi-idiotie sur toute la ligne et ils ne me semblent pas représentatif des possibilités technologiques. Entendons-nous, les concepteurs avaient leurs contraintes.

- Ils ont visé trop loin et trop tôt en implantant à la fois, et entre autres ; une gamme de pressions plus élevées, la généralisation des auxiliaires entraînés par turbine (qui demandent, en plus de la redondance, des auxiliaires électriques pour le lancement à froid), des automates bien trop en avance et une très importante installation destinée à la qualité de l’eau alimentaire.
- Le prototypage s’était plus ou moins limité à l’installation de groupes sur des navires marchands, donc dans des conditions radicalement différentes de variations d’allure
- Il y a eu un incroyable optimisme, considérant que tout fonctionnerait comme sur le papier.
- Les essais des installations à terre n’atteignent même pas le strict minimum.
- La construction se fait à la hâte
- L’expansion de la marine s’accompagne de la dilution des compétences et une longue série d’erreurs de conduite se produiront. Une illustration du faible niveau des cadres est le nombre d’avaries suite à des améliorations ou corrections, parce que les équipes ne repéraient pas les signes de défaillance, étant habitués au fonctionnement dégradé précédent. C’est typique du fonctionnement par habitude lorsque le niveau est faible.

En bref, introduire une nouveauté est toujours un pari. Mais ici, c’est une multiplication des innovations, couplée à des données de prototypes éloignés des conditions de fonctionnement, des marges de sécurité quasi-absentes, une construction à la hâte, quasiment sans essais fixes, avec des équipes machines dépassées : la catastrophe était assurée. Au fond, les ingénieurs ont dû sabrer le champagne rien que pour ne pas avoir refait le coup du Vasa. Cependant, ce n’est pas réellement la technologie elle-même qui est en cause, elle fonctionnera très bien sur les Bismarck (quoique les rendements n'atteignent pas les prévisions pour diverses raisons).

Pour donner une idée, un exemple représentatif tiré de mes notes :

En vapeur, la qualité de l’eau est importante pour éviter la corrosion, éviter d’encrasser les tubes (ce qui les isolerait et limiterait le transfert de chaleur dans les chaudières) et éviter d’endommager les turbines. A l’époque, les traitements chimiques étaient rudimentaires et les pertes d’eau en fonctionnement auraient imposé un volume de chimiques important à renouveler. On soutirait une partie de l’eau à intervalle en la remplaçant par de l’eau neuve produite par évaporation d’eau de mer. Mais l’évaporation est très énergivore et décision est prise d’améliorer le système.
Une installation importante est développée pour limiter les pertes d’eau, et de vapeur, purifier l’eau et les installations sont dessinées pour minimiser les fuites. Une qualité d’eau quasi-constante et de faibles pertes sont attendues, ce qui permet d’économiser sur les évaportateur destinés à la production d’eau distillée.

Maintenant, la pratique :
- Dans la hâte de la construction le tuyautage s’est mal passé et une partie des tuyaux ne vont pas au bon endroit : l’installation est inopérante. Après avoir connectés les bons tuyaux aux bons orifices, elle reste inopérante : elle n’avait pas été testée à terre. Il faudra du travail pour arriver à fonctionner en mode dégradé. Une série d’erreurs humaines et de défaillances des automates la remet en carafe peu de temps après.
- Avec la confusion de tuyautage, beaucoup de dépose-reposes ont lieu, les joints souffrent et des compartiments se transforment en marais poitevin.
- Si gérer les hautes pressions est simple techniquement, gérer le vide ne l’est pas : dans les condenseurs sous vide où se croisent vapeur, eau alimentaire et eau de mer, ont lieu simultanément contamination de l’eau de chaudière par le sel et fuites de vapeur. C’est normalement pris en compte, mais les ingénieurs avaient estimé que le phénomène serait quasi-nul.
- Le phénomène s’aggrave avec les variations d’allure, chose qu’on n’avait pas pu constater avec les prototypes faisant route à allures constantes.
- Pour tenter de pallier à tout cela, on soutire de grandes quantités d’eau et la production d’eau ne suit pas, faisant aussi bien grimper la consommation que l’usure du matériel.
- L’optimisme germanique avait conclu à la possibilité d’utiliser des alliages à faible résistance à la corrosion, étant donné la qualité théorique de l’eau. Au final, chaque ouverture se soldera par des rapports mentionnant « détérioration par corrosion beaucoup plus importante qu’attendu ».
- Couplée aux réactions brutales d’équipes peu entraînées prenant en manuel des installations suite à la défaillance d’automates, la fragilité due à la corrosion entraîne à plusieurs reprise des perforations suffisantes pour mettre hors service une ou plusieurs chaudières. La fragilité entraîne aussi des réductions de pressions maximales admissibles et le nombre de tubes tamponnés augmentant en parallèle, la puissance évolue plutôt mal.

Et ce n'est qu'une partie des causes de corrosion, la corrosion n'étant elle-même qu'une partie des soucis rencontrés. Les compilations de rapports techniques sont absolument ahurissants, je ne connais pas grand chose d'approchant.


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Message Publié : 06 Jan 2017 16:06 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
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Tuiop a écrit :
Mes excuses à la fois pour les nouveaux délais de réponse et la qualité de mon intervention précédents : à copier/coller des extraits de mes notes sans relecture, certains passages sont à la limite du lisible.

cush a écrit :
il y a un point qui me semble important: les Pensacola sont donnés pour un déplacement à pleine charge de 11500 tonnes là où le Spee en particulier atteint 16500 tonnes, soit un différentiel de 5000 tonnes


On est sur une donnée très contre-intuitive, mais autant rayon d'action et soutes sont corrélées de façon quasi linéaire, autant déplacement et résistance/rayon d'action ne sont pas directement liés. Même en considérant une coque en U idéale, on est sur une relation barbare utilisant en plus des variables empiriques (de type 1/(ln(vitesse x longueur de flottaison)-2)² ). Il est même possible de faire descendre la consommation spé en augmentant le déplacement, même sans bulbe.
Pour prendre un exemple très parlant, à allure optimale et +720% de déplacement, un pétrolier a une consommation de grosso modo +25% (c’est non linéaire, on ne peut pas considérer qu’on aura +1.6% de conso à +50%). C’est pour cela que j’ai choisi un navire avec un gabarit et une carène dans la même catégorie en négligeant le déplacement qui n'est pas pertinent, bien que ce soit totalement contre-intuitif (je me bats avec ça en formant des élèves officiers, c'est pareil pour tout le monde).


Et oui, pas facile à envisager et j'avoue avoir poussé le bouchon en me contentant d'une règle de trois... B) Cependant, l'optimisation de la consommation passe par des formes de coques très étudiées, ce qui est rarement possible dans le cas des bâtiments de ligne (si on considère les cuirassés de poche comme bâtiment de ligne, ce qui est encore une exagération). Bien que le ratio largeur/ longueur soit très proche dans les deux cas, j'imagine que les Northampton ne présentent pas de renflement du aux "bulges" à la flottaison ou ce genre de forme qui induit des perturbations dans l'écoulement du flot?

Tuiop a écrit :
Je prenais l’exemple des Pensacola pour que ce soit plus parlant, mais pour avoir un réel aperçu de l’impact sur l’autonomie, il faut prendre la consommation spécifique à l’arbre, c’est-à-dire combien de grammes de combustible pour transmettre 1KW/h à l’arbre d’hélice. A 15nds avec de la turbine ancienne génération et du diesel moderne pour l’époque, on arrive à un écart d’environ 9%, ce qui se traduit par un écart d’autonomie maximal de 9% à carène et emport de combustible égal. Pour avoir une marge maximale, j’ai pris pour les calculs les MAN 5033kW du Deutschland ( pour un total de 38MW aux arbres) et la série d’installations à turbine Parson 1922 (40sMW) montées par NY shipping sur navires marchands et navires de guerre (et j’ai négligé les pertes à l’accouplement des diesel assez faibles). C’est déjà absolument énorme.


La méthode me semble effectivement rigoureuse mais dans ce cas, on fait abstraction de tout l'environnement (entre autres des formes de coques évoquées précédemment). Si on reprend les calculs de consommation établis lors des essais à allure réduite des Duguay Trouin (deplct~8000t, 15 noeuds pendant 8 heures, puissance développée 4500<<5200 cv soit entre 3.3 et 3.8MW sur deux lignes), la consommation oscille en fonction des unités entre 220 et 285kg/nautique. La capacité des soutes des Deurtschland est de 3300 t et son autonomie à 15 noeuds de 17000 nautiques soit une consommation (toute théorique mais je n'ai que ça sous la main) de 194kg/nautique (je considère les 3300 t utilisables, quitte à être dans la théorie...). Une différence comprise entre 15 et 45%.
Si vous prenez une valeur de 38MW (51650cv) aux arbres pour le Deutschland et n'êtes plus à vitesse économique mais pas loin des 27~28 noeuds, que devient la consommation? J'ai bien l'autonomie calculée sur la base d'un essai à 23.7 noeuds (4750 nautiques soit 694kg/mile) mais ça ne correspond pas à grand chose. Sur les Duguay Trouin, et pour une vitesse de 30 noeuds, la puissance aux arbres est de 46.5MW et la consommation de 825kg/nautique.

Tuiop a écrit :
Ceci dit, en prenant des turbines un peu plus modernes comme celles des Pensacola, on arrive plus ou moins aux 5%. Après, il y a 9 types principaux de turbines en 1930 et on peut les adapter pour leur donner des rendements dans les hauts ou les bas, viser l’autonomie ou la vitesse, les rendements optimaux variant de 15% à plus de 30. Je pense que c’est ce qui fait que nous allons peut-être nous « tourner autour » en discutant, le sujet étant tellement vaste. En résumé, techniquement, la turbine est proche du diesel, peut le dépasser dans des conditions très spécifiques, mais sera gobalement au moins légèrement en dessous. En pratique, est-ce que ce sera le cas pour l'installation ? Ca va dépendre du cahier des charges. Sera-ce le cas pour le navire? Cela dépendra du bâtiment : conserver la stabilité avec de forts envahissement pourra rendre le différentiel vapeur-diesel négligeable, dans d'autres cas il pourra avoir un impact important.


tout à fait d'accord, d'où la primauté de la doctrine d'emploi qui participera grandement à définir les allures les plus utiles, leur périodicité et leur durée. C'est l'ironie des Deutschland, présentés comme des unités destinées à la Baltique, voire à la mer du nord...

Tuiop a écrit :
Un point à ne pas négliger par ailleurs : même dans en se plaçant dans situtation purement hypothétique où les navires auraient en moyenne 1% d'écart de rendement, à l'échelle nationale cela aura un impact considérable par rapport à la situation pétrolière.


Les petits ruisseaux... :!:

Tuiop a écrit :
cush a écrit :
D'ailleurs elle n'y tenait pas: le Spee avait un déplacement std de 12500 tonnes. Loin de moi l'idée de dire que les Deutschland étaient la panacée, ils n'étaient qu'une tentative de résolution de la quadrature du cercle. Je voulais simplement souligner la maitrise qu'avaient les Allemands du diesel. Ce n'est pas nouveau d'ailleurs: ils sont les premiers (et les seuls?) à équiper leur flotte sous-marine en diesel lors du premier conflit. On est loin des "Brumaire"...


Tout à fait, le Deutschland sorti en premier tenait plus ou moins dans les 10000t du traité, mais à quel prix… Sans compter les interprétations assez personnelles du déplacement standard. L’Allemagne estimait qu’une fois le bras de fer remporté en faisant passer le premier, il serait temps d’arrêter les bêtises pour les suivants. Pour l’anecdote croquignolette, une des premières mesures a été l’abandon des volants et poignées de vanne allégées (qui pouvaient casser dans les mains des équipes d'après une compilation de rapports techniques).

En ce qui concerne la valeur comparée des bâtiments, nous sommes sur la même longueur d’onde. Je me refuse quasi-systématiquement à établir des « classements » : comme vous l’avez vu précédemment, je me contente de lister une partie des traits positifs ou négatifs de chacun, car on a trop vite fait de comparer des oursins et des mérous, ou d’oublier d’autres données essentielles. Ce que je voulais dire, c’est que, d’un point de vue technique, je ne vois pas d’alternative pour éviter le diesel dans le cas précis du Deutschland étant donné le devis de poids. Que le diesel présente des intérêts et qu’il aurait pu être choisi, même si la situation ne l’avait pas exigé, est quelque chose avec lequel je suis tout à fait d’accord. Cependant, c'est une conjecture sur laquelle je n'ai pas de données, donc pas d'opinion.
Pour les submersibles, je vous fais toute confiance, ne connaissant pas plus que ça le sujet. Il me semble que la France avait posé un partie des bases du sous-marin diesel vers 1904-1905, mais elle avait aussi posé une partie des bases en matière de turbines pour se faire totalement dépasser par chauvinisme mal placé, alors…


Je ne connais pas ce projet mais maintenir D'après ce que j'en sais, la France a eu des difficultés dans la mise au point de diesels performants (limitation de la puissance - 1300cv, rapport poids/puissance défavorable et fiabilité discutable). En 1919, la CEPSM déconseillait la construction de sous-marins de grande patrouille (1450t) car ils exigeraient des diesels de 1800cv.

Tuiop a écrit :
cush a écrit :
Les marchands à turbine sont rares avant guerre et les machines mises en œuvre n'ont que de lointains rapports avec celles d'un "Fantasque" par ex (si ce n'est leur principe général).

Là, je vais devoir faire une réponse de normand : oui, et non, ça dépend à quoi on le compare. Les transatlantiques ainsi que les cargos rapides ont eu un rôle moteur dans l’évolution des performances et le Fantasque version Parson en a largement profité. Dans certains cas, des installations de la marchande sont transposées telle quelles avec un peu plus de redondance, dans d’autres ce sont des machines rendues plus rustiques pour la marine de guerre. Il faut voir que la gamme de turbines dans la marine marchande allait de la turbine basse pression à très faible valeur technologique, jusqu’aux pionniers technologiques. La perspective de grapiller un demi pourcent de consommation spécifique est suffisante pour injecter des capitaux colossaux avec une certaine mutualisation des efforts à l'échelle mondiale dans ce qu’on n’appelait pas encore la recherche & développement. D'autre part, on pouvait plus facilement se permettre de prendre un risque avec des navires expérimentaux qui pouvaient être réaffectés au cabotage ou aux liaisons lentes en cas d’échec. De la même façon, des protoypes fragiles ou à intervalles de maintenance très rapprochés pouvaient plus facilement s'imposer si la balance budgétaire était positive.

La généralisation de la turbine a été fortement ralentie par la 1ere guerre mondiale, mais dès les années 1920 elle se généralise. En 1930 35% du tonnage mondial lancé est en turbine (ce chiffre comprenant toute la production des pays à faible capacité technologique et industrielle, les diesels et quelques solutions atypiques répandues à l’époque). Les statistiques tirées du Lloyd donnent plus de 70% des bâtiments de flotte de commerce anglaise partagée entre diesel et turbine en 1939. En fait, la mutation de la propulsion entre 1920 et 1939 a été plus rapide que celle des années 1960-1990.

Je pense que le retour partiel de l'alternatif pendant la seconde guerre fausse notre impression à ce sujet.


Je ne connaissais pas ces chiffres et j'étais loin de les imaginer! merci pour la précision et mea culpa donc. Une précision, il s'agit de 70% des navires ou de 70% du tonnage? Un "Normandie", en dehors d'avoir été - et de le rester d'ailleurs - le plus beau bateau du monde, "pèse" quand même quelques caboteurs ou autres "tramps". D'ailleurs, ses machines non plus ne sont pas des plus classiques...

Tuiop a écrit :
cush a écrit :
J'imagine que pour ces puissances, il s'agit de navires marchands?


Pour 1926, il s’agit d’une moyenne sur les installations à turbines utilisées par la marine de guerre et de commerce anglaise, ainsi que de diesels utilisés par la marine de commerce et proposés à la marine de guerre (mais j’ignore si cette dernière les a utilisés, il faudrait que je recherche). J'ai sélectionné cette gamme car cela correspond au moteur diesel souvent considéré comme idéal à cette période et envisagé pour des applications militaires à plusieurs moteurs.
Pour les chiffres de 1929, il s’agit d’une compilation toutes puissances des devis comparés diesel/turbine proposés par les chantiers anglais entre 1928 et 1929, comprenant la marine de guerre et de commerce. La plupart des ouvrages techniques des années 30 ne font pas réellement de différence entre installations civiles et militaires, qui sont assez semblables sauf dans les extrêmes.


Là je suis plus qu'étonné, voire sceptique... Par exemple, je ne vois pas l'intérêt d'un étage HP sur une turbine de marchand, et c'est généralement celle qui pose le plus de problème (contraintes d'utilisation). De même, et à l'exception des paquebots, je ne vois pas l'utilité d'atteindre les pressions (et donc les températures) requises par les torpilleurs, croiseurs et autres cuirassés. Si en 1939, un marchand rapide est un marchand qui file 14 et plus rarement 15 nœuds, il n'a
besoins que de 5 à 6000 cv, soit 4.4MW.


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Message Publié : 07 Jan 2017 19:43 
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Hérodote
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cush a écrit :
La méthode me semble effectivement rigoureuse mais dans ce cas, on fait abstraction de tout l'environnement (entre autres des formes de coques évoquées précédemment).


C’est précisément le but de la manœuvre : si on veut comparer les avantages et inconvénients de la vapeur et du diesel, il faut se placer dans un cadre où l’on ne considère que la propulsion et élimine les autres variables.
En ce qui concerne les Northampton, c’est encore une donnée contre-intuitive mais être en écoulement laminaire ou turbulent peut être négligé dans une première approche. Disons que ça a une importance moindre que la résistance à l’air où l’état de surface de la carène. Pour être tout à fait honnête avec vous, il m’a fallu noircir trois bonnes pages pour avoir une idée pas trop dans les choux des Pensacola et je manquerai de temps et d’énergie pour faire une approximation des Northampton.

cush a écrit :
Si vous prenez une valeur de 38MW (51650cv) aux arbres pour le Deutschland et n'êtes plus à vitesse économique mais pas loin des 27~28 noeuds, que devient la consommation?

C’est ma faute, j’aurais dû le préciser, mais en parlant d'une machine, on spécifie la puissance nominale de l’installation. On considère généralement les approximations au doigt mouillé de 25% de la puissance nominale en croisière établie et 65-75% en vitesse maximale. Pour la puissance à l'arbre, j'ai fait une moyenne entre diagramme de charge et courbes de puissance théorique.

cush a écrit :
D'après ce que j'en sais, la France a eu des difficultés dans la mise au point de diesels performants (limitation de la puissance - 1300cv, rapport poids/puissance défavorable et fiabilité discutable). En 1919, la CEPSM déconseillait la construction de sous-marins de grande patrouille (1450t) car ils exigeraient des diesels de 1800cv.


Merci pour ces précisions, c’est un sujet intéressant que je ne connais qu’à travers l’affaire Laubeuf, mais vous me donnez envie de m'y intéresser.
Les protos et classes de submersibles auxquels je pensais étaient le Narval de 1900 qui a introduit la double coque, permettant d'en finir avec les cigares à la tenue de mer assez improbable, l’Aigrette de 1904 qui semble avoir été le premier sous-marin diesel-électrique au monde et la quinzaine de Brumaire dont l’un a remporté le record du monde de distance sans escale en 1912.
Cependant, je citerai Laubeuf lui-même, ayant démissionné et quitté la marine française pour pouvoir travailler avec un peu plus de liberté : « Le monopole laissé à l’Etat pour la construction des sous-marins et des submersibles est une perte pour l’industrie française, cas si les petites puissances augmentent leur flottille de beaucoup de ces navires, elles en confient la construction à l’Allemagne, à l’Italie et à l’Amérique, bref à des grandes puissances qui, hélas ! grâce à des agents à leur solde, n’ignorent plus rien des recherches dans ce domaine. » Il me semble que c'est la revue maritime qui citait un ingénieur de chez Germania « Dans trois ans, si la France veut avoir des sous-marins et des submersibles, elle devra les faire construire à Kiel ».



cush a écrit :
Une précision, il s'agit de 70% des navires ou de 70% du tonnage? Un "Normandie", en dehors d'avoir été - et de le rester d'ailleurs - le plus beau bateau du monde, "pèse" quand même quelques caboteurs ou autres "tramps".

Il s’agit bien de 35% du tonnage pour le premier chiffre et 70% des navires pour le second. Il aurait été préférable de rester sur la même « unité », mais le temps me fait défaut pour creuser dans mes archives. Et je ne saurai que vous rejoindre sur le Normandie (vous semblez avoir une bonne culture à ce sujet et probablement les connaissez peut-être déjà, mais j'y ajouterai l’Aquitania, son surnom de « The Ship beautiful » ne me parait pas usurpé, ainsi que les Rex et Amsterdam). Les braves gens des paquebots ont bien perdu au change de nos jours, même en termes de fiabilité.


cush a écrit :
Là je suis plus qu'étonné, voire sceptique... Par exemple, je ne vois pas l'intérêt d'un étage HP sur une turbine de marchand, et c'est généralement celle qui pose le plus de problème (contraintes d'utilisation). De même, et à l'exception des paquebots, je ne vois pas l'utilité d'atteindre les pressions (et donc les températures) requises par les torpilleurs, croiseurs et autres cuirassés. Si en 1939, un marchand rapide est un marchand qui file 14 et plus rarement 15 nœuds, il n'a
besoins que de 5 à 6000 cv, soit 4.4MW.


Je vais me permettre de vous taquiner, mais vous semblez avoir une bien piètre estime de la marine marchande. :wink:

L’intérêt est simple : l'argent. Les quelques armateurs n’ayant pas déjà vendu père et mère par manque de temps ou distraction seraient prêts à le faire pour grapiller quelques tonnes de combustible. D’autre part, il faut se remettre dans le contexte de l’époque où, l’aviation faisant défaut, le transport rapide était un marché reposant exclusivement sur les cargos et navires à passager rapides.
Pour prendre un exemple sur la vitesse, le plus connu des vapeurs à turbines (au destin malheureux) est le Lusitania qui faisait des pointes à 26nds. Il avait été pourtant lancé en 1907.
Le Queen Mary, lancé en 1930 « dépotait » 160.000 kW via un système novateur à 4 turbines qui a été adapté presque tel quel par la Navy (rendu plus rustique). Les turbines Rateau-Chantiers du milieu des années 30 et leurs installations sont identiques sur les croiseurs et contre-torpilleurs français et les bâtiments de la Compagnie Générale Transatlantique. Mais on peut sortir des transatlantiques : les steamers de chez River Clyde sont exclusivement en HP dès 1928, caboteurs compris, idem pour le remorqueur Le Rhône et ses sisterships en 1931, la Hambourg Amerika la généralise sur ses cargos en 1932 avec le Uckermark. La série des Valance de NY Shipping marchait à 28nds, bien qu'étant des general cargo ship. Même les installations novatrices allemandes ont été d’abord essayées sur cargos et la marine US adopte telle-quelles un grand nombre de machines civiles lorsque la guerre éclate.

Ce qu’il faut voir, c’est que ces installations, marine de guerre ou de commerce, utilisent les données des centrales électriques. Et le fait est qu’on retrouve déjà des installations fonctionnant à près de 100 bars dans des installations de 1927. Je cite les annales des mines de 1932 « A la centrale de Deep-Water fonctionnant sous une pression de 96 hpz, il nous a été déclaré que les frais de premier établissement n’ont dépassé que de 125 francs (5 dollars) par kilowatt installé, ceux d’une centrale analogue qui aurait été construite pour une pression de 27 hpz. Le gain de rendement compenserait très largement l’augmentation des dépenses de premier établissement. Cette opinion parait dominante, mais n’est cependant par totalement générale et on continue à établie des centrales sous une pression inférieure à 30 hpz ».
Autant dire que faire du 30bars était de la petite bière et, en fait, l'une des raisons importantes de la transition vers la turbine à partir de 1920 était de résoudre le problème d’utiliser la HP. Sur les machines alternatives, on utilisait du 25-30 bars avant la 1ere guerre, mais gérer les accumulations d’huile de graissage à la chaudière n’avait jamais été résolu. La turbine permettait de résoudre ce problème et c’est elle qui, couplée à la double réduction et à la chaudière moderne engendre une mutation rapide. Il aussi prendre en compte une donnée contre-intuitive (encore) : en 1909 dans la marchande, la turbine et à plus forte raison la haute pression est privilégiée dans les vitesses lentes ou intermédiaires. Le rendement est mis en avant et on considère à l'époque un bonus de rendement de 3% pour 100°F (comme en frigo température et pression sont interchangeables), ce qui la destine aux vitesses économiques dans cette gamme. Les années 20 changeront la donne.


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Message Publié : 10 Jan 2017 15:25 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
Message(s) : 1591
désolé, je n'ai pas trop de temps pour répondre mais dès que, je m'y attelle (d'autant plus que j'ai beaucoup de questions). Mais le sujet dérive, peut-être serait-il judicieux d'en ouvrir un sur la propulsion marine dans les années 30? ou sur la marine en général et les progrès technique d'ailleurs.


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Message Publié : 19 Jan 2017 1:10 
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Hérodote
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Inscription : 31 Oct 2016 18:39
Message(s) : 21
cush a écrit :
désolé, je n'ai pas trop de temps pour répondre mais dès que, je m'y attelle (d'autant plus que j'ai beaucoup de questions). Mais le sujet dérive, peut-être serait-il judicieux d'en ouvrir un sur la propulsion marine dans les années 30? ou sur la marine en général et les progrès technique d'ailleurs.


Je me connectais justement pour m'excuser d'avoir laissé le fil en jachère par manque de temps, ne vous en faites pas. Comme vous le dites, et sans calembour aucun, le sujet dérive largement au gré de cette intéressante discussion. Si vous ouvrez un sujet à propos d'un des éléments évoqués, je serais ravi d'apporter ma pierre à l'édifice, en considérant toutefois que mes connaissances sont très focalisées et que je devrais probablement me cantonner au rôle de spectateur si la discussion s'élargit.

Je vous remercie en tout cas d'avoir attiré mon attention sur le domaine des sous-marins français de l'entre deux guerres et leurs ancêtres, domaine qui se révèle très intéressant à piocher.


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