Les Allemands voulaient ancrer leur défense sur la Volga, afin de faire de Stalingrad un point d'appui défensif sur la rive méridionale de ce grand fleuve. L'objectif était d'établir un front continu qui aille de la Caspienne depuis Astrakhan à Voronej en suivant le cours de la Volga, puis du Don moyen. C'était très rationnel en vue de couvrir l'offensive principale qui vise alors le Caucase.
Vouloir supprimer la tête-de-pont soviétique au sud du fleuve était une mesure de sûreté nécessaire. Si on laisse les Soviétiques disposer d'une telle tête-de-pont, on leur laisse l'initiative d'attaquer vers le sud à partir d'un point d'appui solide et capable de soutenir une offensive de grande ampleur dans la profondeur, et ainsi de menacer l'effort principal dans le Caucase. Il est donc nécessaire de les en déloger.
Le problème, c'est la réalisation. Les Allemands ont voulu jouer sur la brutalité et s'en emparer rapidement. Ce n'est pas illogique au vu de la pénétration très profonde effectuée par la 16. Panzer Division le 23 août 1942, qui coupe le corridor Don-Volga large d'une soixantaine de kilomètres dans la journée et débouche au nord de Stalingrad. Mais outre qu'ils n'avaient pas prévu les unités nécessaires à une exploitation immédiate de ce beau succès offensif dans la foulée dans la ville, ils auraient dû arrêter de s'entêter à la prendre frontalement très vite et essayer de s'en emparer par la manoeuvre. Ils font d'ailleurs remonter la 4. Panzerarmee (en particulier son XXXXVIII. Panzerkorps) à la toute fin août 1942 dans ce sens, mais finalement c'est uniquement pour l'injecter dans un coûteux combat urbain sans guère de profit.
Ils peuvent donc regretter de ne pas avoir privilégié la manoeuvre, en isolant Stalingrad, sur le choc. La Volga est cependant un obstacle des plus considérables, qui exige des moyens de franchissement extrêmement conséquents. Aussi, contourner la ville afin de l'encercler pose des problèmes insolubles : - réunir un équipage de pont suffisant pour réaliser ce tour de force alors même que les élongations sont très longues entre les bases logistiques et la ligne de contact, et que les capacités logistiques sont très contraintes avec une seule tête-de-rail pour ravitailler la 6. Armee et les unités roumaines (puis la 4. Panzerarmee) ; - s'aventurer au nord de la Volga, c'est s'exposer à être contre-attaqué dans des phases de vulnérabilité, le franchissement d'abord, la consolidation de la tête-de-pont ensuite, l'exploitation et l'encerclement de la ville ensuite. Et cela adossé à un cours d'eau majeur qui rend extrêmement aléatoire un repli sous pression ; - avec quelles unités ? Si le XIV. Panzerkorps rejoint le nord de la ville et le XXXXVIII. Panzerkorps le sud où ils sont concentrés chacun début septembre, et six trois divisions blindées et trois motorisées semblent suffisantes pour réaliser une telle action, cela impose tout de même de les relever dans la ville. Et là, il faut avouer que la 6. Armee n'a pas nécessairement les moyens de fixer la 62e Armée soviétique dans Stalingrad tout en opérant un double franchissement nord-sud de Stalingrad de la Volga, une exploitation - certes limitée - au nord du cours d'eau et un investissement en règle qui doit durer plusieurs semaines pour porter ses fruits...
Bref, attaquer frontalement était une mauvaise décision, les faits l'ont démontré. Mais s'aventurer au nord du fleuve était tout aussi aléatoire et bien plus risqué, surtout avec des moyens aussi comptés.
On notera que les Allemands avaient eu des expériences amères des combats urbains : - à Varsovie les 7 et 8 septembre 1939 ; - à Dniepropetrovsk en juillet 1941 ; - à Voronej en juillet 1942. Ils savaient donc à quoi s'attendre et c'est donc contraints et forcés qu'ils ont mené la bataille de la sorte. Je crois que l'OKH plaidait en septembre 1942 pour un arrêt des attaques frontales et pour s'accommoder de la tête-de-pont soviétique. Mais Hitler a exigé une relance des actions offensives dans ce secteur, d'où les combats qui s'y poursuivent en octobre et jusqu'en novembre 1942. Il est possible que les motifs de propagande ou de psychologie aient été prioritaires dans son ordre.
CEN EMB
_________________ "Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"
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