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Aucun historien n'a été cité.
Pas même Tsuyoshi Hasegawa, "Staline, Truman et la capitulation du Japon. La course à la victoire", publié en 2014. Qui va pourtant dans votre sens : historien trilingue, il a eu accès aux archives russes, américaines et japonaises. Et sa conclusion sur ce point précis est bien que les bombes A furent le prétexte idéal pour capituler. Selon lui le 7 août, l'empereur appris qu'Hiroshima avait été la cible d'un bombardement atomique, mais cela ne permit pas pour autant de dégager un consensus. En revanche, l'annonce, deux jours plus tard, de l'invasion de la Mandchourie par les Russes créa une véritable panique. La bombe A, selon Hasegawa, ne fit pas capituler le Japon, mais permit la victoire américaine.
http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SRCH?IK ... =177469323J'ai trouvé pas mal de recensions de cet ouvrage, qui a l'air très très intéressant et d'une réflexion qui va évidemment très au-delà des seules bombes A.
C'est la traduction d’un ouvrage publié en anglais en 2005.
ISBN: 978-2-8004-1559-8
Je n'ai pas lu ce bouquin dont parle AnonymeJ, mais j'ai vu qu'il y a des recensions sur internet.
On nous dit que la publication de cet ouvrage a suscité de nombreux débats au sein de la communauté des historiens.
Synopsis :« C’est donc une histoire sans héros ni vrais scélérats non plus – juste des hommes. La fin de la guerre du Pacifique fut en dernière analyse un drame humain dont la dynamique fut déterminée par les caractéristiques très humaines des participants : l’ambition, la peur, la vanité, la colère et les préjugés ». Ainsi se termine l’ouvrage de Tsuyoshi Hasegawa consacré aux derniers mois d’un conflit qui mit aux prises trois acteurs : les Etats-Unis, l’Union soviétique, souvent négligée par les historiens qui ne lui réservent d’habitude qu’un rôle secondaire, et le Japon.
Grâce à ses connaissances linguistiques exceptionnelles et à un examen minutieux des archives américaines, russes et japonaises, Hasegawa déconstruit sans complaisance les mythes accrédités par les histoires « nationales » d’un des épisodes les plus dramatiques du siècle dernier et dénoue un à un les fils de l’intrigue complexe qui aboutit au largage de la bombe atomique sur Hiroshima et à l’entrée en guerre de l’URSS. Pourquoi Truman et Staline refusèrent-ils de transiger sur l’exigence de capitulation sans conditions imposée au Japon ? Pourquoi les Japonais s’accrochèrent-ils si longtemps à l’espoir vain d’une médiation soviétique pour mettre un terme à la guerre ? Pourquoi Hirohito décida-t-il d’imposer sa « décision sacrée » d’arrêter la guerre à son gouvernement et à son armée ? Le Japon aurait-il fini par capituler sans la bombe atomique ?
Telles sont quelques-unes des questions abordées dans un ouvrage passionnant où Hasegawa réussit le pari d’allier la rigueur de l’historien à un indéniable talent de narrateur.
Une recension de Constance Sereni :Citer :
"La publication de cet ouvrage a suscité de nombreux débats au sein de la communauté des historiens, alors même que le livre accumulait les récompenses tant aux États-Unis qu’au Japon. Cette controverse ne doit pas surprendre au vu de son ambition : présenter un tableau de la fin de la guerre au Japon qui prenne en compte de manière égale les débats au sein du gouvernement japonais, les ambitions de Staline et les intérêts de Truman. La question à laquelle Tsuyoshi Hasegawa se propose de répondre appartient aux plus grandes controverses du 20e siècle : comment fut fait le choix de recourir aux bombes atomiques.
L’argument généralement utilisé pour justifier les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki est que le Japon n’aurait jamais accepté de capituler sans ce double choc, Truman aurait fait ce choix pour épargner la mort de nombreux soldats américains. Or ici, Hasegawa livre une tout autre interprétation : il veut démontrer que c’est l’entrée en guerre de l’URSS plus que les bombes atomiques qui a précipité la défaite du Japon.
Cet ouvrage est remarquable (...) pour son approche transnationale, et surtout parce qu’il suscitera certainement de l’intérêt pour le rôle du Japon dans cette défaite. En effet, la contribution de Hasegawa la plus originale, en tout cas pour l’historiographie en langue occidentale, réside dans son analyse de la façon dont l’État japonais a pris la décision de capituler. Les divisions au sein de l’État et entre factions pour ou contre la poursuite de la guerre, le rôle de l’empereur sont décrits avec minutie, ce qui n’a jusqu’ici jamais été le cas en dehors du Japon" (Constance Sereni, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2014/4, n° 124, p. 217).
Une recension de Jean-Daniel Piquet:Jean-Daniel Piquet,
« Tsuyoshi Hasegawa, Staline, Truman et la capitulation du Japon. La course à la victoire », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique
URL :
http://journals.openedition.org/chrhc/5824 Citer :
Cet ouvrage très détaillé et très bien indexé reprend un thème souvent évoqué dans la littérature de la Seconde Guerre mondiale, mais resté tabou dans l’opinion américaine malgré les travaux d’historiens « révisionnistes » depuis les années 1960, déterminés à mettre en cause les origines de la guerre froide. L’auteur est trilingue et a pu avoir accès aux archives. Il évoque dans le détail les longues négociations américano-soviétiques et soviéto-japonaises, qui n’empêchèrent finalement ni le largage des bombes les 6 et 9 août 1945, ni la déclaration de guerre de l’URSS au Japon le 8 août. Il met en fait en relief l’importance du rôle de l’URSS, jusque-là considéré comme secondaire par les historiens. Celle-ci s’était engagée en février à Yalta auprès du président Roosevelt à entrer en guerre contre le Japon dans les deux à trois mois qui suivraient la capitulation de l’Allemagne. Il s’agissait pour Washington de limiter au maximum les pertes américaines.
Mais le Japon et l’URSS avaient conclu pour cinq ans un pacte de neutralité en avril 1941, dont seule l’annonce de non-renouvellement au bout de quatre ans s’avérait juridiquement possible. Une déclaration unilatérale avant avril 1945 revenait à agir de manière analogue à l’Allemagne nazie, qui engagea sans prévenir l’opération Barbarossa en violation complète du pacte germano-soviétique.
Ce ne furent ni la crainte de perdre beaucoup d’hommes face à un peuple fanatisé – le Japon souhaitant capituler avant le 1er novembre 1945 – ni le désir d’impressionner l’URSS qui incitèrent Harry Truman à employer la bombe atomique, mais bien la nécessité de prendre de vitesse les Soviétiques, parfaitement logique de la part d’un anticommuniste né (malgré un réel libéralisme politique qui l’amena en interne à poursuivre la lutte contre la ségrégation raciale et les injustices sociales, entamée par son prédécesseur). Il ne souhaitait pas partager avec eux les fruits de la victoire, comme Franklin Roosevelt était prêt à le faire. Mais c'est aussi, chez ce nouveau président, le désir plus terre à terre de venger l’attaque surprise de Pearl Harbour (qualifiée à tort de traîtrise si l’on sait qu’un message diplomatique fut envoyé, mais non lu dans les temps) et les maltraitances contre les prisonniers américains par « un peuple féroce et cruel ». Comme si ce peuple n’avait pas été suffisamment puni par les bombardements incendiaires – fait curieusement négligé dans le livre – sur ses villes. Un général américain, Curtis Le May, avait lancé en février 1945 une formule, attribuée par la suite – peut-être à tort – aux bombardements sur le Viêt Nam : « Nous réduirons le Japon à l’âge de la pierre ». Aussi, le 27 juillet 1945, Harry Truman envoya-t-il une injonction de capitulation sans conditions qu’il savait inacceptable pour les Japonais, désireux de garder leur monarchie et leur empereur. Il écrivit ainsi le 23 juillet dans son carnet : « Nous publierons un message d’avertissement demandant aux Japs de capituler et de sauver des vies. Je suis sûr qu’ils n’en feront rien. Mais nous leur en aurons donné l’occasion ».
Ce ne furent pas les deux bombes atomiques qui précipitèrent la capitulation japonaise, mais plutôt la déclaration de guerre soviétique au Japon, pour qui une reddition inconditionnelle face aux États-Unis et une occupation du pays par leur armée constituaient un moindre mal. La menace communiste avait motivé, dans le passé, l’alliance de Hiro-Hito avec Hitler et aurait débouché en 1945 sur la chute assurée de la monarchie, que malgré leur intransigeance les Américains n’avaient pas imposée. Cet enjeu politico-social n’est mis en relief qu’au début du livre. On y lit qu’au fur et à mesure que s’accumulaient les défaites militaires, la crainte d’une révolution communiste augmentait, bien perceptible par exemple dans les notes à l’empereur de Funimaro Konoe, Premier ministre japonais. Ainsi écrit-il : « Ce dont nous devons nous inquiéter, c’est d’une révolution communiste qui irait de pair avec la défaite ». À ce moment, il suggère de négocier avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. La situation va se modifier après la défaite allemande de mai 1945 : un parti de la paix de plus en plus influent tentera à Tokyo d’imposer un rapprochement avec l’URSS, en l’utilisant comme intermédiaire.
Du côté soviétique, l’enjeu idéologique ne constitue pas, loin s’en faut, la seule motivation à la déclaration de guerre. On touche ici à une zone d’ombre que seul l’historien russe Boris Slavinski a eu le courage à ce jour d’explorer : loin de désirer la seule libération des peuples opprimés, l’URSS était décidée à reprendre des territoires perdus en 1904, quitte à violer l’engagement pris à Yalta de conclure préalablement un traité avec la Chine, et sur le terrain à commettre à son tour des crimes de guerre. Il s’agissait de Sakhaline sud, des chemins de fer en Mandchourie, de Dairen, de Port Arthur, et enfin de la partie nord des îles Kouriles qui, elles, n’avaient jamais appartenu à la Russie, quoi qu’en ait dit Moscou. L’auteur note quand même que « les exigences sécuritaires primaient sur la légitimité ». De fait, cela doit être précisé, en 1950, après la victoire de Mao Zedong, les acquisitions mandchoues de l’URSS furent officiellement rendues à la Chine, et ce, du vivant de Staline, même si la guerre de Corée, dans laquelle les deux pays socialistes se sont engagés, retarda jusqu’en 1955 l’exécution de l’accord. Par ailleurs, rien ne permettait d’assurer qu’après-guerre un nouveau pacte antikomintern sous la houlette des États-Unis et/ou de la Grande-Bretagne n’allait pas se former dans la région. L’ancien, précisons-le, était en 1936 doublement dirigé contre l’URSS et la Mongolie extérieure, laquelle fut envahie à l’été 1939 par le Japon, amenant l’URSS à intervenir, au moment même où elle signait le pacte germano-soviétique. Vers 1947, le recrutement de criminels de guerre nippons par l’Amérique de Truman, pour lutter contre le communisme, montre que la motivation sécuritaire de Moscou n’était pas infondée et qu’elle ne relevait pas du nationalisme et de l’expansionnisme. En revanche, s’agissant des Kouriles, l’idéal internationaliste s’en est trouvé passablement terni, au vu du contentieux qui a toujours opposé les partis communistes japonais et soviétique. Pris dans une course de vitesse, Staline, qui avait prévu à la fin juin l’entrée en guerre pour le 25 août, accéléra la décision de crainte, après Hiroshima, de perdre les droits territoriaux promis à Yalta. Dans un premier temps, après Postdam, il l’avança au 11 août, puis à l’annonce du largage de la première bombe A sur Hiroshima, il se décida pour le 8. Mais la proclamation de Postdam enjoignant le 26 juillet le Japon à capituler sans conditions fut seulement formulée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine sur la volonté du président Truman, un point clé dont l’auteur tient peu compte quand il veut souligner le machiavélisme de Staline. L’URSS, qui avait préparé son propre texte quadripartite, similaire quant à la capitulation inconditionnelle, fut écartée. Du coup, elle endossa le mauvais rôle, faisant apparaître sa déclaration de guerre du 8 août comme une traîtrise similaire à Pearl Harbour. On voit alors que Truman a bien manœuvré pour exécuter sa vengeance et empêcher une occupation à l’allemande de l’archipel nippon.