Jerôme a écrit : Petite question annexe : Madagascar était vraiment menacé par la marine japonaise ?
Là il faut se mettre une minute à la place des Britanniques :
- Singapour est tombée le 15 février, et l'armée japonaise fait la loi en Malaisie. Peu avant cet épisode, l'aviation japonaise a coulé le Prince of Wales et le Repulse, deux épouvantails supposés pour leur marine, que Churchill pensait suffisants pour une sorte de politique de la canonnière.
La chute de Singapour est un séisme pour lui :
Wiki a écrit : Le Premier ministre britannique Winston Churchill a appelé la chute de Singapour la « pire des catastrophes » et « la plus grande capitulation » de l'histoire militaire britannique. Singapour, la « forteresse imprenable », était tombée en seulement sept jours.
Donc déjà, il n'est pas besoin d'une boule de cristal pour deviner que les forces terrestres japonaises libérées par la chute de la Malaisie vont mettre cap au nord vers la Birmanie, avec l'Inde en point de mire. Ce qu'elle feront effectivement, et avec un certain succès.
La question est : avec quel accompagnement naval ? Les Philippines viennent de tomber, l'aéronavale japonaise qu'on a vue à l'oeuvre à Pearl Harbor est disponible, où donc va-t-elle frapper ?
Si le but des Japonais est de couper la route des Indes pour y mettre le paquet, c'est pour les Britanniques une situation de cauchemar.
je ne sais pas de quels renseignements disposent les Britanniques à cette date. (Que savent-ils des intentions japonaises ?) Ils mettent sur pied l'opération sur Diego Suarez, effective le 5 mai - espérant une attitude "raisonnable" de la part de Vichy, c'est à dire une défense de principe qui ne s'éternise pas - pour assurer aux marines alliées une base indispensable vers la route des Indes. pour ne pas indisposer Vichy, Churchill va jusqu'à écarter De Gaulle de l'opération. (Faux calcul, et même calcul idiot quand on sait que l'armée de terre japonaise peut en une journée - elle le fera en 45 - écraser les forces vichystes d'Indochine et y établir sa souveraineté. Imagine-t-on Vichy prendre le risque de les indisposer ?)
Quelques jours plus tard, les Japonais frappent en direction de l'Australie, avec des forces importantes, ce qui indique que leur "Schwerpunkt", leur objectif principal, est là. Ce n'est guère plus rassurant pour les alliés - la perspective d'un isolement de l'Australie, sans même parler de sa conquête, n'a rien de réjouissante - mais enfin ça lève l'hypothèque sur l'Inde. (Mais même dans ces conditions, il n'est pas envisageable de laisser les japonais, si peu que ce soit, menacer la route des Indes. Qui est d'ailleurs aussi, à Madagascar, la route vers l'Egypte : la Méditerranée est coupée en deux.)
Les deux événements sont presque simultanés :
Citer : Les 3 et 4 mai, les forces japonaises envahirent et occupèrent Tulagi, même si plusieurs navires de guerre furent surpris et endommagés ou coulés par les appareils de l'USS Yorktown. Conscient de la présence des porte-avions américains dans la zone, le groupe aéronaval japonais entra dans la mer de Corail avec l'intention de les détruire.
Les Américains, chanceux, perdent un porte-avion, en coulent un autre, et repoussent temporairement la marine japonaise, mais le combat en Nouvelle-Guinée puis à Guadalcanal (dont la construction de l'aérodrome japonais renforce la menace vers l'Australie) ne fait que commencer.
Donc, Jérôme, je répondrais : la route des Indes n'était pas menacée et je pense peu probable que les Britanniques ignoraient le mouvement japonais en direction de l'Australie au moment où ils attaquent Diego-Suarez. D'ailleurs l'aéronavale américaine, bien renseignée, attendait bien les Japonais là où ils allaient.
Mais même dans cette hypothèse, pouvaient-ils prévoir que la ligne de résistance dressée devant l'Australie tiendrait ? Depuis 6 mois, les Alliés n'avaient accumulé que des défaites, dans le Pacifique. L'US Navy était contrainte d'engager la quasi-totalité de ses moyens dans le Pacifique, avec d'ailleurs une détermination digne d'admiration.
Et puis jetez un oeil sur la base de Diego Suarez : la baie est quasi-fermée, les approches protégées par des hauts fonds, du point de vue naval c'est une forteresse. Il ne peut pas être question de laisser la marine japonaise y établir un point d'appui. Même si l'accompagnement en forces terrestres est un peu faible - mais l'Afrique du Sud peut y envoyer des renforts - il FAUT mettre la main dessus. Les maigres forces navales et aériennes de Vichy, qui d'ailleurs s'y battront bien, hélas, en font une place à prendre.
D'autres que moi seront peut-être mieux documentés, mais je pense avoir éclairé les conditions générales...
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