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Message Publié : 23 Oct 2018 8:27 
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Je ne vois pas où est l'habileté du futur chancelier. Il a eu de la chance que Papen lui prépare le terrain pour accéder à la chancellerie. Il est vrai que Papen le regrettera par la suite

A vous lire, on pourrait penser qu'Hitler attendait sagement d'être appelé par la droite conservatrice/radicale et qu'il se serait retrouvé pratiquement là, par hasard… ce qui est totalement faux.
Le DNVP et le Zentrum - duquel sera exclu Papen lorsqu'il lâche Brüning - sont progressivement noyautés par les nazis au début des années 1930. Hitler a très bien remarqué les dissensions et les fractures dans ces partis traditionnels du centre et de droite, qu'il exploite, ainsi que le côté destructeur d'aventuriers comme Papen pour en finir avec ce qu'il demeure encore des institutions démocratiques de la République de Weimar. Que les cabinets se maintiennent grâce à la confiance du président de la République et non d'un Reichstag - devenu immobile depuis l'arrivée en force des… nazis - est aussi très bien exploité par les proches d'AH.
Les nazis se servent aussi du groupe de médias (et de pression) d'Hugenberg - du DNVP - pour faire passer leurs idées auprès du peuple allemand. Et que dire de la campagne présidentielle d'Adolf Hitler 1932 ? Elle est novatrice à tout point de vue et anticipe largement celle d'un Roosevelt aux Etats-Unis. Que dire du noyautage du Stahlhelm - association d'anciens combattants nostalgiques de la monarchie au départ et qui tombe sous la coupe progressive du NSDAP ? Il s'agit bien là de manipulations à tous azimuts, qui empêchent de penser qu'Hitler soit demeuré dans la posture d'un simple observateur ou un étranger aux événements qui secouent l'Allemagne à partir de 1928-1930. Le bonhomme n'a d'ailleurs aucune vie privée - pas de femme, ni d'enfants -, il s'est pratiquement "marié" à son pays et utilise tout son temps et son énergie pour le conquérir, le posséder.
Ce n'est pas Hitler qui a été un allié objectif de Papen - mais il lui a encore laissé croire jusqu'au dernier moment en ne demandant que deux portefeuilles dans le cabinet de janvier 1933 afin de ne pas (trop) alerter les réticences du vieux maréchal -, mais bien l'inverse.
Hitler a besoin, dans un premier temps, du DNVP et du Zentrum pour gouverner (il sait qu'il ne parviendra pas à dépasser dans un contexte "normal" les 33-35% des suffrages et que, depuis novembre 1932 les caisses du parti sont vides), puis afin de placer en sommeil le Reichstag.

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Pour quelle raison n'aurait-il pas gardé les Goebbels, Goering, Hess, etc ?

Goebbels a beau être un piètre orateur, c'est un tacticien et un manipulateur de premier ordre.
Goering est une légende vivante, as de la Première Guerre mondiale, dont la popularité dépasse largement la Bavière, il peut faire le lien entre l'armée allemande et le NSDAP et ses sections paramilitaires (qu'il faudra bien sacrifier un jour…)
Hess est un combattant hors pair (il l'a démontré entre 1914 et 1918) meneur d'hommes, fidèle et loyal à l'égard de son maître jusqu'à la mort s'il le faut. Il est toujours intéressant d'avoir de tels exaltés autour de soi pour être servi, non ?

Je ne prétends pas qu'Hitler soit un génie, mais certainement pas le velléitaire attentiste que vous nous présentez. Il a plus de Rienzi que de Machiavel et il a un plan très net depuis 1924 et il fera tout pour l'accomplir, de manière déterminée.

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Message Publié : 23 Oct 2018 21:26 
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Grégoire de Tours
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Duc de raguse a écrit :
Je ne prétends pas qu'Hitler soit un génie, mais certainement pas le velléitaire attentiste que vous nous présentez. Il a plus de Rienzi que de Machiavel et il a un plan très net depuis 1924 et il fera tout pour l'accomplir, de manière déterminée.

Merci. Il a donc un plan très net qui va lui permettre de devenir un des principaux politiciens de la république de Weimar et d'accéder au second tour des élections présidentiels. Et après on fait quoi ?
Son "plan" ne lui a permis ni d'être élu président ni d'accéder à la chancellerie. Sa stratégie politique n'est pas mauvaise puisque des millions d'Allemands ont voté pour lui en 1932. Mais il n'est pas élu président. Après cet échec électoral il se raccroche à l'espoir d'être chancelier avant la fin de l'année, une hypothèse catégoriquement rejetée par Hindenburg. On imagine la détresse des amis d'Adolf Hitler. Il faudrait un coup de chance inespéré pour accéder à la chancellerie. C'est ce qui va se passer avec la « manœuvre » improbable du 29-30 janvier. Une manœuvre qui n'avait pas lieu d'être si Papen n'avait pas été jaloux de Schleicher. Papen était consterné de la nomination de Schleicher par Hindenburg. Papen devait donc intervenir auprès du président de la république pour faire dégager Schleicher.

Hitler était un excellent orateur et possédait une grande détermination. Il avait des grandes qualités qui lui ont permis d'être le leader du parti nazi et un des principaux politiciens en Allemagne. Mais c'est sans doute la désagrégation de la république de Weimar qui lui a donné l'occasion d'être chancelier.



Duc de raguse a écrit :
Ce n'est pas Hitler qui a été un allié objectif de Papen - mais il lui a encore laissé croire jusqu'au dernier moment en ne demandant que deux portefeuilles dans le cabinet de janvier 1933 afin de ne pas (trop) alerter les réticences du vieux maréchal -, mais bien l'inverse.

Je considère que la « manœuvre » réalisé par Papen le 29-30 janvier est inespérée pour Hitler. C'est une chance inouïe, c'est un scénario improbable. Le 10 août 1932 Hindenburg avait déclaré à son entourage : « Faire d'un caporal bohémien le chancelier du Reich, ce serait du propre ! » Dans ces conditions Hitler est condamné à rester un personnage secondaire. Seul l'intervention d'un deus ex machina peut le conduire à la chancellerie.
Au théâtre on appelle deus ex machina un « événement inattendu et improbable qui vient régler les problèmes du protagoniste à la dernière minute » selon la définition d'Yves Lavandier.



Duc de raguse a écrit :
Goebbels a beau être un piètre orateur, c'est un tacticien et un manipulateur de premier ordre.
Goering est une légende vivante, as de la Première Guerre mondiale, dont la popularité dépasse largement la Bavière, il peut faire le lien entre l'armée allemande et le NSDAP et ses sections paramilitaires (qu'il faudra bien sacrifier un jour…)
Hess est un combattant hors pair (il l'a démontré entre 1914 et 1918) meneur d'hommes, fidèle et loyal à l'égard de son maître jusqu'à la mort s'il le faut. Il est toujours intéressant d'avoir de tels exaltés autour de soi pour être servi, non ?

Merci. Hitler n'avait aucune raison d'écarter les Goebbels, Goering, Hess, etc. Il a donc fait ce qu'aurait dû faire n'importe quel homme qui est chef d'un parti politique.Qu'y a-t-il de plus normal — quand on est chef de parti politique — que de garder les collaborateurs qui peuvent s'avérer utiles ?


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Message Publié : 23 Oct 2018 22:31 
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Philippe de Commines
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Arkoline a écrit :
Hitler était un excellent orateur et possédait une grande détermination. Il avait des grandes qualités qui lui ont permis d'être le leader du parti nazi et un des principaux politiciens en Allemagne. Mais c'est sans doute la désagrégation de la république de Weimar qui lui a donné l'occasion d'être chancelier.


Merci. Vous semblez balayer d'un revers de clavier un point capital qui est l'emprise, de plus en plus croissante, de Hitler sur les masses et dans l'inconscient collectif.
Ce n'est certes pas un paramètre qui lui a, directement, permis d'accéder au pouvoir mais c'est une donne qui lui a permis de ne pas disparaître de la vie politique lors d'échecs cuisants et ils y en a eu.
Je vous renvoie à quatre ouvrages "Le mythe Hitler et l'opinion Allemande sous le Nazisme de Ian Kershaw" "Avez vous vu Hitler de Walter Kempowski" et plus particulièrement le dernier, même si il concerne la période durant laquelle AH est déjà chancelier "Rêver sous le III Reich Charlotte Beradt"

Enfin, je vous accorde, il était temps que les portes de la chancellerie s'ouvrent car l'opinion commençait à tourner casaque et en particulier lorsque le NSDAP a soutenu la grève des transports de Berlin en 1932. L'effritement était déjà en cours aux élections législatives de 1932 et la perte de ce socle électoral, qu'était la population ouvrière, aurait pour le coup été fatal.

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> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )


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Message Publié : 23 Oct 2018 22:32 
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Son "plan" ne lui a permis ni d'être élu président ni d'accéder à la chancellerie.

A la fin du mois de janvier 1933, il ne vous aura pas échappé qu'il a réussi à accéder à la chancellerie et à ne plus jamais la quitter… :wink:

Citer :
Après cet échec électoral il se raccroche à l'espoir d'être chancelier avant la fin de l'année, une hypothèse catégoriquement rejetée par Hindenburg. On imagine la détresse des amis d'Adolf Hitler. Il faudrait un coup de chance inespéré pour accéder à la chancellerie. C'est ce qui va se passer avec la « manœuvre » improbable du 29-30 janvier. Une manœuvre qui n'avait pas lieu d'être si Papen n'avait pas été jaloux de Schleicher. Papen était consterné de la nomination de Schleicher par Hindenburg. Papen devait donc intervenir auprès du président de la république pour faire dégager Schleicher.

Mais cela AH l'a très bien compris et, finalement, il n'attendait que cela. Ses proches - et lui-même - ont joué de ces rivalités pour qu'elles servent le NSDAP au final. Papen n'est qu'un pantin entre les mains des nazis et sa proximité avec le vieux maréchal est la seule raison qui les intéresse. D'ailleurs, ils savent très bien qu'il a besoin des sièges du NSDAP au Reichstag pour avoir une majorité, même relative. Le DNVP et le Zentrum, dans une moindre mesure, sont déjà noyautés par le NSDAP. Ce n'est qu'une question de temps !
Enfin, quoi ! depuis 1930 les institutions de la République de Weimar sont paralysées et ressemblent à des jouets cassés et aucune majorité ne se dégage pour soutenir un cabinet. Que fait-on alors ? On appuie la responsabilité du gouvernement sur président de la République et on gouverne par décret-loi. La Constitution le permettant, pourquoi revenir en arrière ? Par ailleurs les rêveurs du calibre de Ebert et de Stresemann sont morts, donc ?
Il n'y a pas besoin d'être un génie pour observer et remarquer que le régime est à son agonie et que les proches d'un Hindenburg - même réélu en 1932 - n'ont cure de maintenir la République de Weimar.
Le passé d'Hitler et (certaines) des idées véhiculées par le NSDAP gênent quelque peu le vieux président monarchiste. Mais au final, qui est l'ennemi commun ? Les communistes et, bien entendu, la démocratie libérale, totale hérésie (qui pourrait voir la KPD l'emporter au final…) pour les traditions politiques germaniques.
Hitler a volontairement fait croire (comme Louis Napoléon Bonaparte à Thiers un peu plus tôt ?) aux conservateurs qu'il ne serait pas dangereux. Papen a gobé une sornette aussi grosse, car il était aveuglé par le fait de revenir aux affaires, mais même le poste de chancelier (alors qu'il l'a déjà été !), il ne l'obtient pas.
Si Hitler et les nazis avaient vraiment été entre les mains de Papen, son jouet, jamais ils n'auraient obtenu le poste suprême.
Pourtant, ils l'ont eu. Qui a été le dindon de la farce ?
D'ailleurs, même sans Papen, Hindenburg n'avait aucune solution en janvier 1933 pour former un gouvernement duquel les nazis - représentant près du tiers des députés du Reichstag - auraient été exclus. Cela fait alors des mois que la crise politique perdure, il faut trouver une solution. Qui a rendu ce choix impossible ? La stratégie hitlérienne.
Schleicher est mort politiquement en décembre 1932 : traité de "démagogue" par la bourgeoisie et les grands patrons allemands (suite à des promesses abracadabrantesques sur les salaires des ouvriers) et tentant de scinder le NSDAP en deux, il apparait comme un "combinard" qui n'est pas la solution. Faut-il aussi rappeler que lorsque Papen devient chancelier il légalise à nouveau les SA, sous la pression de Schleicher, et discute avec Hitler pour former son gouvernement. Ce dernier lui demandant le poste suprême (à vérifier, ma mémoire me joue peut-être des tours), qu'il lui refuse, l'accord de gouvernement capote. Le scénario se reproduit avec Schleicher, qui ne veut pas d'Hitler dans son gouvernement, mais joue la carte Strasser. C'est à nouveau un échec.
Bref, c'est le NSDAP et Hitler qui mènent la danse dans la vie politique allemande depuis 1930 (et encore plus en 1932) et non l'inverse !
Dans ce que vous relevez, Papen ne fait rien d'autre que de reproduire ce que Schleicher avait tenté - sans succès - en son temps.
Schleicher lorsqu'il comprend qu'Hindenburg ne le gardera pas un 3ème mois comme chancelier, lui conseille de faire appel à un certain Adolf Hitler au poste de chancelier.


Citer :
Mais c'est sans doute la désagrégation de la république de Weimar qui lui a donné l'occasion d'être chancelier.

Personne ne dit le contraire.
Mais qui permet à cette désagrégation de s'accélérer ? Lui, bien entendu.
Le front de Harzburg, cela vous dit quelque chose ?
Refuser de soutenir tout gouvernement qui ne permet pas au NSDAP d'intervenir cela constitue quoi selon vous ?
Entrainer les partis de gouvernement dans le rejet du plan Young en 1929 - pour les décrédibiliser et les remplacer sur la scène politique - cela ne vous parle pas ?
En j'en passe…
Vous semblez confondre crise économique et sociale avec crise politique. Or la seconde est essentiellement due aux manœuvres du NSDAP et de son führer, pas au mois de janvier 1933, mais depuis 1924, avec une montée en puissance très nette à partir de 1928.

Citer :
Le 10 août 1932 Hindenburg avait déclaré à son entourage : « Faire d'un caporal bohémien le chancelier du Reich, ce serait du propre ! » Dans ces conditions Hitler est condamné à rester un personnage secondaire. Seul l'intervention d'un deus ex machina peut le conduire à la chancellerie.

Mais enfin, depuis quand des propos ("volés" et reproduits par des tiers ensuite…) d'un chef d'Etat sont à prendre au pied de la lettre ? N' avait-on pas déjà entendu murmurer un certain Louis XVI le 10 juillet 1789 au sujet d'un autre certain Necker qui ne devait jamais être rappelé aux affaires ? Que dire d'un Rocard nommé Premier ministre par un président de la République qui le détestait ? Comment qualifier l'attitude d'un Kerenski qui arme à nouveau les bolcheviks - ses ennemis jurés - contre le risque d'un putsch des troupes monarchistes de Kornilov ?
Enfin, bon, combien de chefs d'Etat se sont parjurés dans l'Histoire ? Des milliers, si ce n'est davantage.
Les propos d'Hindenburg - s'il les a vraiment prononcés - signifient seulement qu'il n'aime pas le personnage d'Hitler. Et ensuite ?
L'a-t-il seulement destitué ensuite ? Lorsqu'il a suspendu toutes les libertés individuelles et collectives après le f(u)ameux incendie du Reichstag ? Lorsqu'il a ouvert les premiers camps de concentration ? Lorsqu'il a nettoyé les "gêneurs" de 1934 (faut-il nommer les officiers supérieurs de l'armée - dont Schleicher - qui ont été liquidés avec les SA ?). Non, bien entendu, nous le savons tous, jamais Hitler n'a même été "recadré" par Hindenburg, alors limogé, n'y pensons pas...
On dira que ces propos ne veulent pas dire grand chose dans la question qui nous occupe et ne peuvent constituer un tel argument d'autorité pour nous faire croire que le vieux maréchal (cela me fait penser à un autre quelques années plus tard) aurait été berné par un politique jaloux et que Hitler, dans tout cela, n'aurait été qu'un honnête courtier se trouvant là par hasard.
Cela révèle de réticences, certes. Mais aucune véritable opposition.

Citer :
Il a donc fait ce qu'aurait dû faire n'importe quel homme qui est chef d'un parti politique. Qu'y a-t-il de plus normal — quand on est chef de parti politique — que de garder les collaborateurs qui peuvent s'avérer utiles ?

Rien d'anormal, bien au contraire. Par contre, un bon nombre de chefs de partis politiques (d'aujourd'hui ou du passé) n'ont pas fait preuve de cette "normalité".
On peut par contre se questionner sur la lucidité - ou la "normalité" - des chefs du Zentrum et du DNVP (Hugenberg cité plus haut) entre 1928 et 1933.
Ils ont cru renaitre en se jouant d'un NSDAP montant - faisant au passage des choix très discutables, tout en entrainant l'explosion de leurs partis (en offrant aux nazis une respectabilité publique, ainsi qu'un canal de sympathie et une force de frappe médiatique incroyable) - et ont participé à creuser leur tombe.

Vous conviendrez que cela fait (un peu) beaucoup pour un type qui se trouvait là - presque - par hasard ! :wink:

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Message Publié : 24 Oct 2018 23:54 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Juil 2012 15:11
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nico86 a écrit :
Je vous renvoie à quatre ouvrages "Le mythe Hitler et l'opinion Allemande sous le Nazisme de Ian Kershaw" "Avez vous vu Hitler de Walter Kempowski" et plus particulièrement le dernier, même si il concerne la période durant laquelle AH est déjà chancelier "Rêver sous le III Reich Charlotte Beradt"

Enfin, je vous accorde, il était temps que les portes de la chancellerie s'ouvrent car l'opinion commençait à tourner casaque et en particulier lorsque le NSDAP a soutenu la grève des transports de Berlin en 1932. L'effritement était déjà en cours aux élections législatives de 1932 et la perte de ce socle électoral, qu'était la population ouvrière, aurait pour le coup été fatal.

Certainement "il était temps que les portes de la chancellerie s'ouvrent car l'opinion commençait à tourner casaque". Les portes se sont ouvertes à la suite de l'intervention d'un deus ex machina. Ce fut une chance inouïe. Ce fut un scénario improbable, un scénario inattendu.



nico86 a écrit :
Vous semblez balayer d'un revers de clavier un point capital qui est l'emprise, de plus en plus croissante, de Hitler sur les masses et dans l'inconscient collectif.

Je n'ai pas balayé ce point capital. Hitler sait qu'il possède une "aura" indéniable qui lui sera très utile s'il a la chance d'être appelé à la chancellerie. Mais comment peut-il croire à cette chance après les élections législatives du 6 novembre 1932 ?
Le résultat électoral du 6 novembre est une mauvaise surprise pour Hitler et ses amis.


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Message Publié : 24 Oct 2018 23:57 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 12 Juil 2012 15:11
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Citer :
Je ne vois pas où est l'habileté du futur chancelier. Il a eu de la chance que Papen lui prépare le terrain pour accéder à la chancellerie. Il est vrai que Papen le regrettera par la suite

Duc de raguse a écrit :
A vous lire, on pourrait penser qu'Hitler attendait sagement d'être appelé par la droite conservatrice/radicale et qu'il se serait retrouvé pratiquement là, par hasard… ce qui est totalement faux.

A vrai dire je ne suis pas du tout certaine qu'il avait une « attente ». Que pouvait-il attendre après la faiblesse du NSDAP aux élections legislatives du 6 novembre 1932 ?
Si Hitler n'est pas appelé à la chancellerie lorsque son parti occupe 230 sièges au Reichstag alors comment pourrait-il être appelé avec uniquement 196 sièges ?
Il faudrait un coup de chance inespéré pour accéder à la chancellerie. C'est ce qui va se passer avec la « manœuvre » improbable de von Papen en janvier.



Duc de raguse a écrit :
Les propos d'Hindenburg - s'il les a vraiment prononcés - signifient seulement qu'il n'aime pas le personnage d'Hitler. Et ensuite ?

Hindenburg ne veut pas que Hitler soit chancelier. A quel moment Hindenburg a-t-il changé d'avis ? En janvier. C'est le résultat d'une « manœuvre » de Papen qui possède une habileté certaine pour mener des intrigues.



Duc de raguse a écrit :
Je ne prétends pas qu'Hitler soit un génie, mais certainement pas le velléitaire attentiste que vous nous présentez. Il a plus de Rienzi que de Machiavel et il a un plan très net depuis 1924 et il fera tout pour l'accomplir, de manière déterminée.

Est-ce son "plan" qui lui a permis d'accéder à la chancellerie ? On peut en douter. Je crois à l'intervention d'un "deus ex-machina".
Hitler a-t-il cru que son "plan" pouvait le conduire vers le pouvoir ? C'est probablement ce qu'il a cru pendant longtemps, notamment au début de l'année 1932 lorsqu'il fait sa campagne électorale pour être élu président. Mais les électeurs ont préféré Hindenburg.
Que reste-t-il des espoirs d'Hitler à la fin de l'année 1932 ?



Duc de raguse a écrit :
Le DNVP et le Zentrum - duquel sera exclu Papen lorsqu'il lâche Brüning - sont progressivement noyautés par les nazis au début des années 1930. Hitler a très bien remarqué les dissensions et les fractures dans ces partis traditionnels du centre et de droite, qu'il exploite, ainsi que le côté destructeur d'aventuriers comme Papen pour en finir avec ce qu'il demeure encore des institutions démocratiques de la République de Weimar. Que les cabinets se maintiennent grâce à la confiance du président de la République et non d'un Reichstag - devenu immobile depuis l'arrivée en force des… nazis - est aussi très bien exploité par les proches d'AH.

Il n'en demeure pas moins que le NSDAP totalise 196 sièges au Reichstag le 6 novembre 1932, ce qui représente une baisse de 34 sièges par rapport à juillet. Comment Hitler peut-il garder l'espoir d'accéder à la chancellerie ?



Duc de raguse a écrit :
Vous semblez confondre crise économique et sociale avec crise politique. Or la seconde est essentiellement due aux manœuvres du NSDAP et de son führer, pas au mois de janvier 1933, mais depuis 1924, avec une montée en puissance très nette à partir de 1928.

La montée en puissance commence en 1928 et se termine en 1932. Hitler et ses amis se trouvent dans l'impasse en novembre 1932.



Duc de raguse a écrit :
Citer :
Après cet échec électoral il se raccroche à l'espoir d'être chancelier avant la fin de l'année, une hypothèse catégoriquement rejetée par Hindenburg. On imagine la détresse des amis d'Adolf Hitler. Il faudrait un coup de chance inespéré pour accéder à la chancellerie. C'est ce qui va se passer avec la « manœuvre » improbable du 29-30 janvier. Une manœuvre qui n'avait pas lieu d'être si Papen n'avait pas été jaloux de Schleicher. Papen était consterné de la nomination de Schleicher par Hindenburg. Papen devait donc intervenir auprès du président de la république pour faire dégager Schleicher.

Mais cela AH l'a très bien compris et, finalement, il n'attendait que cela. Ses proches - et lui-même - ont joué de ces rivalités pour qu'elles servent le NSDAP au final. Papen n'est qu'un pantin entre les mains des nazis et sa proximité avec le vieux maréchal est la seule raison qui les intéresse. D'ailleurs, ils savent très bien qu'il a besoin des sièges du NSDAP au Reichstag pour avoir une majorité, même relative. Le DNVP et le Zentrum, dans une moindre mesure, sont déjà noyautés par le NSDAP. Ce n'est qu'une question de temps !

Vous affirmez que Papen n'était qu'un « pantin entre les mains des nazis » pendant l'année 1932. Rien n'est moins sûr. Je considère que Hitler et ses amis (Goering, Goebbels, Hess, etc) étaient en plein désarroi après les élections législatives de novembre 1932. C'est un moment difficile pour eux. Ils ne se doutent pas encore que Papen va mener une intrigue qui permettra à Hitler d'être chancelier.


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Message Publié : 25 Oct 2018 9:40 
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Merci pour cette démonstration d'un entêtement peu commun... :mrgreen:

Je vous rappelle les faits de l'année 1932 et 1933 et vous faites comme si rien ne s'était passé en écrivant encore et encore "c'est de la faute à Papen, sinon, jamais Hitler n'aurait été nommé chancelier".

D'une part c'est d'un déterminisme incroyable - qui vous dit qu'en février ou mars, par une manoeuvre d'autres personnes il ne l'aurait pas été ? -, d'une autre cela revient à balayer toutes les tentatives de la droite conservatrice - Papen et Schleicher essentiellement - de 1932-1933 à intégrer (impossible de raisonner autrement !) le NSDAP du printemps 1932 à l'hiver 1932-1933 dans des coalitions de gouvernement.

Schleicher ne veut pas d'Hitler, il joue la carte Strasser pour scinder le parti en deux (qu'il croit comme vous en perte de vitesse, encore que vous vous nous le présentez à l'agonie...), ce à quoi répond Hitler par une démonstration de force au sein de son parti : il déjoue le piège et conduit Strasser à renoncer à l'offre de Schleicher et à quitter le NSDAP. Papen ne semble pas hostile au personnage d'Hitler s'il faut passer, finalement, par là pour contrôler le NSDAP (comme si Hitler allait se faire contrôler... lol ) et avoir une majorité de gouvernement pour sortir de la crise politique dans laquelle se trouve l'Allemagne depuis la chute de Brüning.
Vous vous focalisez sur la rivalité Papen/Schleicher qui est, finalement, secondaire : ils ont le même objectif : contrôler les nazis tout en ayant le pouvoir. Ils ont joué tous les deux avec Hitler et ont perdu.

Citer :
Hindenburg ne veut pas que Hitler soit chancelier. A quel moment Hindenburg a-t-il changé d'avis ? En janvier.

Ah ? Un Hindenburg résistant de la première heure à Hitler, en somme ? Pourquoi ne le remplace-t-il donc pas par la suite, puisqu'il n'en veut pas et qu'il aurait été forcé de le nommer ?

Citer :
Que reste-t-il des espoirs d'Hitler à la fin de l'année 1932 ?

Vous plaisantez ? Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, où tout semble s'arrêter (et encore...) une fois que le chef de l'exécutif est désigné, mais en Allemagne, dans une démocratie parlementaire.
Ce n'est pas parce que le NSDAP a une trentaine de députés en moins, qu'il n'en demeure pas moins le premier parti en Allemagne ! Ce parti constitue la plaque tournante pour toute coalition de droite potentielle, qui ne pourrait se maintenir sans lui. Il a pratiquement le double d'élus du SPD, seul parti de gouvernement soutenant encore les institutions de Weimar, les autres ayant pratiquement tous sombrés.

Citer :
Vous affirmez que Papen n'était qu'un « pantin entre les mains des nazis » pendant l'année 1932. Rien n'est moins sûr. Je considère que Hitler et ses amis (Goering, Goebbels, Hess, etc) étaient en plein désarroi après les élections législatives de novembre 1932. C'est un moment difficile pour eux. Ils ne se doutent pas encore que Papen va mener une intrigue qui permettra à Hitler d'être chancelier.

C'est vrai, Hitler et ses proches ne savent rien, ne sortent jamais, ne lisent rien et ne parlent à personne. Ils n'ont absolument pas compris ce qu'il se passait depuis le printemps 1932.
En novembre, à la tête du premier parti d'Allemagne, ils se préparent tous à se suicider.
Non, mais franchement... :rool:

J'ai tout (ou presque...) noté dans mon message précédent, je n'ai rien à ajouter devant pareille mauvaise foi (je vais éviter la sortie d'aller ouvrir les ouvrages de spécialistes de la question). Vous n'avez pas envie de comprendre, tant pis.

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Message Publié : 26 Oct 2018 1:02 
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https://www.lesinrocks.com/2018/09/15/a ... 111124332/

Citer :
Avant de commencer cette interview vous me disiez, en rigolant à peine, que vous n’en aviez "rien à faire d’Hitler". Alors que vous publiez une biographie sur lui, cela est original.

Christian Ingrao - Ce n’est pas tout à fait "rien à faire" d’Hitler. Seulement, nous pensons que le nazisme est un système. Or, au centre d‘un système, il n’y a pas un homme, un individu mais quelque chose d’autre que, justement, nous essayons de faire apparaître dans le livre. On a essayé de montrer qu’il y avait une autre manière d’écrire sur Hitler, sans avoir pour autant la prétention de faire mieux que des historiens comme Ian Kershaw ou Peter Longerich [deux auteurs de conséquentes biographies sur Hitler, nldr]. On voulait montrer qu’Hitler était une sorte de condensât, de précipité de quelque chose qui s’est cristallisé à l’orée du XXe siècle, c’est-à-dire la période allant de 1890 à 1914, et finit par le transformer en sorte de paradigme, de quelque chose qui doit sortir, donner un système d’idée, puis un Etat.
.
C’est votre postulat, Hitler serait avant tout un produit de circonstances avant d’être une force de volonté individuelle pliant le réel à ses désirs ?

CI - Si vous me dites force de circonstances, ça ne marche pas. Si vous me dîtes "produit d’une conjoncture", on peut commencer à s’entendre.

Johann Chapoutot - Effectivement, il est à la fois symptôme et acteur. Le problème, c’est qu’on a beaucoup trop longtemps insisté sur le côté acteur, et acteur unique en plus, jusqu’à confondre nazisme et hitlérisme. Cette focalisation sur l’homme, alors que c’est un acteur parmi d’autres qui a eu une capacité d’action qui reste à élucider pour l’historien, est problématique. Par ailleurs, sa biographie est intéressante dans la mesure où elle est un symptôme d’une époque.


Chapoutot et Ingrao ont voulu montrer qu’Hitler était une sorte de « condensât, de précipité de quelque chose qui s’est cristallisé à l’orée du XXe siècle ».
Plutôt qu'« une force de volonté individuelle pliant le réel à ses désirs », Hitler était le « produit d’une conjoncture » pour paraphraser Ingrao.

Cette analyse se marie bien avec celle de Heinrich A. Winkler, auteur d'un ouvrage sur l'histoire de l'Allemagne. L'auteur évoque « l'érosion de la confiance dans l'État démocratique » qui serait à l'origine de l'effondrement de la république de Weimar.

Je cite Heinrich Winkler :
Citer :
La faiblesse dont souffrait immédiatement, à Weimar, la « foi dans la légitimité », dont Max Webber faisait la principale ressource immatérielle de pouvoir, reposait sur des motifs qui étaient liés à la naissance de la République née de la défaite de la Première Guerre mondiale et qui, en même temps, remontaient bien au delà de cette guerre. S'il existe une cause « ultime » de la première démocratie allemande, elle réside dans le report historique de la question de la liberté au XIXe siècle — autrement dit, dans l'asynchronisme de la modernisation politique de l'Allemagne : la démocratisation précoce du droit de suffrage et la démocratisation tardive du système de gouvernement.


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Message Publié : 26 Oct 2018 6:54 
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Bonjour Iturraspe,

Il y a un fil ouvert consacré à l'ouvrage d'Ingrao et Chapoutot.

Ce serait mieux de ne pas mélanger les deux sujets, qui sont assez proches.

Il s'agit de "Histoire d'une recension."

Merci d'avance.

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Message Publié : 26 Oct 2018 7:50 
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Cette analyse se marie bien avec celle de Heinrich A. Winkler, auteur d'un ouvrage sur l'histoire de l'Allemagne. L'auteur évoque « l'érosion de la confiance dans l'État démocratique » qui serait à l'origine de l'effondrement de la république de Weimar.

Je ne pense pas, justement, qu'il y ait, forcément, corrélation entre les deux phénomènes placés côte à côte.
La France ne semblait pas non plus prête pour le régime républicain en 1848, d'autant que le régime était en quelque sorte mort-né après les journées de juin, ce n'est pas pour autant que les idées nazis s'y soient développées.

Que les cadres wilhelmiens soient demeurés après 1918 en Allemagne dans l'armée, la justice, la police, etc. mais aussi dans une conception du fonctionnement de l'Etat est manifeste et explique, en grande partie, les faiblesses d'un régime né de la défaite - il suffit d'observer aussi l'érosion dans les urnes des partis qui ont "fait" Weimar, cela dès 1924, bien avant la crise économique et sociale : Zentrum, SPD et DVP, voire le progressif revirement du premier vers 1928 en direction d'un raidissement idéologique.
Cela dit, cela n'explique pour autant pas la prise de pouvoir des nazis.

Dans de nombreux pays d'Europe les démocraties vacillent à la fin des années 1920, ce n'est pas un parti nationaliste et raciste qui triomphe pour autant.
Attention, encore une fois, au déterminisme du sonderweg...

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Message Publié : 26 Oct 2018 20:33 
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Duc de Raguse a écrit :
Papen ne semble pas hostile au personnage d'Hitler s'il faut passer, finalement, par là pour contrôler le NSDAP (comme si Hitler allait se faire contrôler... lol ) et avoir une majorité de gouvernement pour sortir de la crise politique dans laquelle se trouve l'Allemagne depuis la chute de Brüning.

Le pessimisme des chefs nazis pendant l'automne 1932 me fait penser qu'ils n'avaient pas cette croyance que Papen allait conduire Hitler à la chancellerie. Et tous les chefs nazis savaient bien que Hitler n'était pas intéressé par un poste de vice-chancelier. Il voulait être chancelier.

Arkoline affirme que Hitler et ses amis (Goering, Goebbels, Hess, etc) étaient en plein désarroi après les élections législatives de novembre 1932.

Nous n'avons aucune raison de penser que les chefs nazis avaient des doutes quant à l'objectivité des journalistes étrangers (par exemple le Populaire en France) qui annonçait des jours moroses pour le parti nazi.

Il est intéressant de lire le journal de Joseph Goebbels aux éditions Tallandier, avec les notes et commentaires de Pierre Ayçoberry en fin d'ouvrage. On peut lire ce commentaire : "Hindenburg a reçu Hitler le 19 novembre 1932, dans le cadre d'une consultation générale des dirigeants politiques. Le Chef [Adolf Hitler] a revendiqué le poste de chancelier, avec un curieux raisonnement : « Il est de l'intérêt de la patrie que mon Mouvement soit préservé, et cela exige qu'il reçoive la direction du pays. » Mais Hindenburg lui reste hostile."

Le président Hindenburg a donc écouté les revendications de Hitler le 19 novembre. Quelques jours plus tard Hitler obtient une réponse du président. Goebbels note dans son journal : « Au Kaiserhof : vu le chef tout de suite. Il attend la réponse [du président Hindenburg]. Très calme, il sait que ce sera un refus. Exact, à 3 heures il est là sans détour. Le Vieux n'a pas confiance en lui. »

Il est intéressant de lire "Histoire de l'Allemagne de 1806 à nos jours" écrit par Johann Chapoutot.
Citer :
Le 30 janvier 1933 est un prodige pour les nazis qui pensaient avoir échoué : entre les élections de juillet 1932 et celles de novembre (après dissolution), les nazis passent de 230 à 196 sièges, amorçant ainsi un recul qui provoque le désespoir des chefs du parti. Hitler sombre dans la mélancolie et Goebbels, à la fin de l'année 1932, confie sa dépression à son journal. À l'étranger, on est rassuré : Léon Blum, dans le Populaire, note que « Hitler est désormais exclu du pouvoir, il est même exclu, si je puis dire, de l'espérance même du pouvoir ». [...] La stratégie de von Papen est un cadeau inespéré, et le parti nazi se remet en ordre de marche.


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Message Publié : 26 Oct 2018 22:25 
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Encore une fois, tout ceci ne change pas la donne et ne prend absolument pas en compte la crise politique allemande depuis la chute de Brüning au printemps 1932 et la nécessaire coalition recherchée par Papen et Schleicher avec le NSDAP.
Le DNVP et la droite conservatrice ont besoin du NSDAP pour avoir la majorité au Reichstag, avoir une assise parlementaire pour former un gouvernement, qui puisse dépasser la cinquantaine de députés - il y a plus de 190 députés du NSDAP.
Il ne faut nullement extrapoler le semi-échec du NSDAP de novembre 1932, le contexte ne change pas profondément - si ce n'est une trentaine de députés en moins et des difficultés de trésorerie du parti.
Vous faites comme tout ceci n'existait pas et c'est bien dommage. On ne peut résumer la nomination de Hitler à la chancellerie, uniquement et seulement par les intrigues de Papen. Lorsque Schleicher est lâché par Hindenburg à la mi-janvier 1933, il donne le même conseil.

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Message Publié : 26 Oct 2018 22:30 
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Ontario a écrit :
Nous n'avons aucune raison de penser que les chefs nazis avaient des doutes quant à l'objectivité des journalistes étrangers (par exemple le Populaire en France) qui annonçait des jours moroses pour le parti nazi.

permettez-moi de sourire.

Nous avons de très bonnes raisons de penser que les chefs nazis faisaient tout leur possible pour intoxiquer - et rassurer, si nécessaire - les journalistes étrangers, et se fichaient totalement de l'avis du Populaire sur la situation politique allemande. :rool:

(il est permis de penser que les nazis étaient mieux renseignés que les journaux parisiens sur ce qui se passait à Berlin. Un peu de bon sens...)

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Message Publié : 27 Oct 2018 14:33 
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On pourrait aussi ajouter aux propos précédents que l'échec relatif du NSDAP aux élections de novembre 1932 ne signifie pas qu'il s'agisse d'un coup d'arrêt dans la stratégie hitlérienne de se placer comme l'arbitre central de la crise politique majeure qui agite l'Allemagne depuis le début de l'année 1932, d'autant qu'aux élections du Landtag de Lippe-Detmold, le 15 janvier 1933, le NSDAP recueille 39,6% des suffrages exprimés. Le parti est donc loin d'être à l'agonie - comme nous le présentent Arkoline et Ontario à la seule lecture d'un Que sais-je ? écrit par Chapoutot - qui est surtout spécialiste de l'idéologie nazie (doctorat portant sur le nazisme et l'Antiquité), mais certainement pas de la République de Weimar.
Les intrigues de Papen (étrange qu'Oskar Hindenburg, fils du maréchal-président, ne soit d'ailleurs pas cité dans ce résumé… voire de Blomberg), dans sa revanche qu'il veut prendre à l'égard de son ancien "meilleur ami" Schleicher, ne suffisent pas à expliquer l'accession d'Hitler à la chancellerie du Reich (oui, cela peut piquer les yeux, mais ce nom était bien utilisé pour qualifier la République de Weimar, noté en tête de la Constitution) .

Pour illustrer la stratégie d'Hitler dans la conquête du pouvoir suprême entre 1930 et 1933 - même si j'ai déjà noté certains éléments plus haut -, je préfère laisser le mot de la fin au spécialiste français de Weimar, à savoir Christian Baechler - qui fera prendre à nos échanges une plus grande hauteur pour laisser le poncif de la "responsabilité Papen" comme explication unique :

Citer :
Les succès électoraux de Hitler et sa popularité croissante, qui dépasse le cercle des militants à partir de 1930-1931, sont la condition nécessaire pour que l'on envisage sa nomination à la chancellerie. Ce qui nous ramène aux causes des succès nazis à partir de 1929-1930. Hitler exploite les possibilités ouvertes par la crise de légitimité du régime de Weimar, à la suite de la crise économique et sociale, et l'incapacité des élites politiques à s'accorder sur les solutions. Cette crise de légitimité se greffe - c'est ce qui distingue la République de Weimar des autres démocraties occidentales touchées par la crise - sur l'absence de consensus sur le régime né de la défaite et d'une révolution inachevée. La propagande nazie a d'autant plus de succès que la légitimité du nouvel Etat est fragile, comme le montrent l'opposition de droite et de gauche, mais aussi les projets de réforme qui fleurissent, surtout à partir de 1928.
L'ambiguïté même de la constitution, hésitant entre un système parlementaire et un système présidentiel, laisse subsister une sorte d'incertitude sur le droit. Hitler a l'habileté de combiner une tactique légaliste à une stratégie de destruction de la démocratie proprement révolutionnaire. Le légalisme sans cesse réaffirmé, accrédité par la collaboration avec les forces nationales*, le fait apparaitre à partir de juillet 1932, comme la seule force d'ordre face à la montée du parti communiste révolutionnaire. La stratégie de destruction de la démocratie par le chantage à la guerre civile avec l'action, jamais désavouée, des SA exerce une pression constante sur les gouvernements, rendant encore plus difficile la solution de la crise. Le tout est habillé par une habile propagande, orchestrée par Goebbels qui utilise tous les moyens de communication modernes. L'antisémitisme est volontairement mis de côté, même s'il y a des débordements antisémites, jamais dénoncés, après les élections de septembre 1930 et de juillet 1932. On n'évoque plus guère la guerre de revanche**. On insiste sur un avenir lumineux, sans lutte des classes, ou bourgeois et ouvrier se réconcilieront au sein d'une communauté nationale fondée sur la justice sociale, une Volkgemeinschaft où nationalisme et socialisme seront réconciliés, où chacun trouvera "travail et pain".


Baechler Christian, L'Allemagne de Weimar 1919-1933 , Fayard, 2007.

* Les "forces nationales" constituent pour l'auteur l'agrégat de partis et associations socio-professionnelles, qui comptent, entre autres, le DNVP, le Stahlhelm, certains reliquats du DVP et/ou du Zentrum d'accord sur la stratégie du front de Harzburg.
** Cela dit, certains officiers supérieurs de l'armée allemande - comme Schleicher et Blomberg - souhaitent en finir avec Weimar pour entrer dans une politique de remilitarisation.


Dans tous les cas, l'aveuglement de ces forces conservatrices - souvent nostalgiques de l'Empire -, est patent. Hitler et le NSDAP constituent à la fois un obstacle à contourner, ou à "amadouer", mais aussi des alliés objectifs pour en finir avec Weimar. A ce jeu, il est faux de présenter Hindenburg comme une sorte d'opposant à Hitler et au nazisme, puisque depuis l'été 1932, il sait que toute combinaison gouvernementale ne pourra passer qu'avec une entente avec le NSDAP, bien trop puissant au Reichstag et dans les Landtag locaux pour être ignoré ou écarté par les "forces nationales".
La crise est devenue bien trop profonde pour que des cabinets de barons (cabinet Papen de l'été 1932) puissent éternellement se maintenir sur la seule autorité du président de la République, en vertu de l'article 48 de la Constitution.
Hitler en est parfaitement conscient et c'est pour cela qu'il refuse les premières propositions de juillet 1932 pour être vice-chancelier dans un cabinet Papen. Il ne veut pas être utilisé, mais bien utiliser les conservateurs à ses fins.

Ce qui nous fait retomber dans l'essence même de notre sujet de discussion, portant sur la personnalité d'Hitler au sein du NSDAP et de la vie politique (et publique) allemande avant le décret présidentiel du 28 février 1933 qui met fin, officiellement et définitivement, à la démocratie en Allemagne : non, vraiment, non, Hitler n'est pas un être isolé dans son parti - en témoigne la tentative de débauchage de Strasser par Schleicher en décembre 1932, ainsi que sa volonté de scinder le NSDAP, qui se soldent par de graves échecs (Hitler ne lui pardonnera jamais cela !) - ou comme n'importe quel autre adhérent ou cadre du parti nazi, facilement interchangeable, somme toute.
Car c'est bien lui - et personne d'autre ! - qui impulse toute la stratégie du parti et tire le meilleur profit du contexte du moment, marqué par une crise politique sans précédent dans la République de Weimar.
Ch. Baechler, entre autres, le démontre bien : Hitler exécute, avec brio , la partition du parfait maître-chanteur, après avoir sondé et perçu, avec pertinence - là où les partis politiques traditionnels sont totalement dépassés et pire, là où ils ne voient pas à leur juste mesure, les dangers du personnage et de son parti, une fois arrivés au pouvoir -, les lignes de force et les tendances lourdes de la société et de la vie publique du moment en Allemagne.

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Message Publié : 28 Oct 2018 12:37 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Je rajouterai que la baisse du score, et des résultats, du NSDAP s'expliquent en partie par la baisse de la participation (de 84% à 80%), lui même induit par le f ait que les élections de novembre sont très (trop) proches de celles de juillet ; or, il est établi que des scrutins à répétition démobilisent les électeurs des principaux partis. Le NSDAP a donc très probablement été victime de cet effet ; il est possible d'objecter que d'autres partis progressent, comme le KPD, mais il s'agit doit de partis très faibles ou, sur le spectre politique, à l'opposé des vainqueurs du précédent scrutin et, alors que la répétition électorale démobilise l'électorat des vainqueurs, il mobilise les militants des partis marginaux.


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