Squalll a écrit :
Beaucoup de choses me surprennent donc. Tout d'abord, comment expliquer que cet événement conserve encore une certaine force évocatrice chez les Américains ? Sans doute, le fait qu'il s'agisse d'une des rares attaques perpétrées sur leur territoire national peut donner des éléments.
L'attaque de Pearl Harbour a été lancée délibérément par surprise ce qui est ressenti par les Américains comme une opération criminelle et le comportement des Japonais, antérieurement en Chine (les massacres de Nankin) et ultérieurement dans tous les territoires qu'ils ont occupés, n'a pu qu'aggraver ce ressentiment. Elle a créé un choc dans l'opinion publique et la mémoire en est restée vive parce que le bilan de l'attaque a été lourd humainement et matériellement, que les Etats-Unis n'en avaient jamais connu de comparable antérieurement et que c'est l'évènement marquant qui les a fait entrer dans la seconde guerre mondiale.
Squalll a écrit :
Je me trompe peut-être, mais j'ai toujours vu Pearl Harbor comme un acte relativement mineur par rapport aux crimes commis par l'armée japonaise pendant le conflit.
L'attaque de Pearl Harbour ne paraît pas en elle-même un acte aussi barbare que bien d'autres perpétrés par les forces japonaises. C'est implicitement ce qu'a jugé le tribunal militaire international de Tôkyô en ne condamnant à mort que les coupables de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité et non ceux qui avaient été condamnés seulement pour crimes contre la paix, dont l'attaque de Pearl Harbour. Mais elle a plus marqué l'opinion publique que le reste.
Squalll a écrit :
Quant à la qualification de crime de guerre, beaucoup d'autres pays ont-ils été condamnés pour le même motif (attaquer sans déclaration préalable) lors du conflit ?
Aucun. Attaquer sans déclaration préalable ou ce qui pouvait en tenir lieu, comme un ultimatum, était une violaion de la troisième convention de La Haye de 1907. Mais, en 1940, il n'existait pas d'instance juridictionnelle internationale compétente pour condamner un Etat et encore moins pour condamner ses dirigeants à titre individuel. Du reste, le Japon, comme l'Allemagne, avait quitté la SDN. Les crimes jugés par les tribunaux de Nuremberg et de Tôkyô avaient été définis par l'accord de Londres du 8 août 1945 conclus entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Union Soviétique et la France et non dans une convention antérieure. Y étaient distinguées trois catégories, les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Les préoccupations du tribunal de Tôkyô ont plus particulièrement porté sur les crimes contre la paix parce qu'une paix durable, qui impliquait la prohibition de la guerre, était l'objectif premier des Nations-Unies dont la charte venait d'être adoptée.
Par la suite, la guerre étant exclue par la charte des Nations-Nations, les déclarations de guerre sont tombées en désuétude. Les condamnations prononcées par le Conseil de Sécurité ne portent que sur les agressions armées, toutes illégitimes qu'elles aient été ou non précédées d'une déclaration préalable. Afin de rétablir l'ordre international, le Conseil de Sécurité peut autoriser l'usage des armes et une telle autorisation vaut déclaration de guerre contre les Etats déclarés fauteurs de troubles.
Le tribunal international de Tôkyô a considéré que l'attaque de Pearl Harbour constituait un crime contre la paix sans qu'il fût nécessaire de chercher à savoir si elle avait été menée en violation de la convention de La Haye de 1907. Son caractère criminel procédait de la décision du cabinet Tôjo de passer outre l'embargo américain en recourant à la force afin de poursuivre les agressions en Chine et ailleurs planifiées dès 1928.