Si vous permettez, Noacyl, je souhaiterais reprendre certains des points que vous avez soulevés.
Noacyl a écrit :
C’est un des plus grands stratèges de l’Histoire. Ce fut un tacticien de génie.
Ne confondons pas : le stratège décide de la manière dont la guerre sera menée : il fait les choix économiques, décide de l'ordre dans lequel vaincre les ennemis...
Hitler assura ce rôle, avec un certain succès au début, mais sans vision à long terme.
Le tacticien décide comment chaque bataille sera menée : formation de combat, armement des soldats, doctrine de feu... Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, Hitler n'eut qu'une occasion de jouer au tacticien : lors de la bataille de Berlin. Avec le succès que l'on sait.
Entre la tactique et la stratégie prend place l'art opérationnel, qui désigne la manière dont les forces seront employées afin d'abattre un adversaire donné.
(Les frontières entre les trois domaines étant plus que floues).
Ce dernier domaine, Hitler le délégua d'abord à ses généraux, puis s'y impliqua de plus en plus au fur et à mesure qu'ils échouaient à remplir les objectifs stratégiques qu'il avait fixé.
Noacyl a écrit :
Alors deux conclusions s’imposent. Soit vous avez des lacunes en ce qui concerne la biographie d’Hitler, soit vous avez des problèmes de jugement.
D'après ce que je sais de la biographie de Hitler, il ne mena qu'une guerre et se suicida pour échapper aux ennemis qu'il avait envahi, et qui venaient de ravager son pays.
Noacyl a écrit :
Hitler a en effet conquis des territoires énormes (Autriche, Tchécoslovaquie) sans tirer aucun coup de feu ! Uniquement grâce à ses dons de stratège...Si ça ce n’est pas de la grande stratégie je ne sais pas ce que c’est!
De bon choix stratégiques indubitablement, et un certain courage politique et diplomatique, ainsi qu'une certaine clairvoyance. Aussi abjecte qu'il ait été, je vous accorde que le moustachu devait avoir quelques qualités.
Rappelons tout de même quelques erreurs stratégiques d'un certain poids :
- Pas d'économie de guerre avant début 1942
- Pas de coordination entre la marine et les autres armes
- Pas de vêtements d'hiver pour les troupes durant le premier hiver russe
- Rien n'était prévu pour vaincre l'Angleterre après la France
Noacyl a écrit :
Mais tout ceci n’est encore qu’un amuse-gueule. Viens maintenant la Blitzkrieg, véritable révolution militaire qui grâce aux chars soutenus pas l’aviation va percer et prendre de vitesse toute défense. Rappelons que Hitler au début des années 30 fut un des rares a avoir conscience cette révolution technologique et stratégique. Il critiqua les généraux allemands pour leur conservatisme aveugle et fit tout de suite confiance à des généraux comme Guderian qui partageaient ses visions stratégiques modernes.
Le concept de blitzkrieg dérive directement de celui des "StossTruppen" de la Première Guerre Mondiale. Toutes les armées étudièrent les possibilités de l'arme blindées, et les théories françaises étaient très étudiées à Berlin. La contribution des Soviétiques n'est pas non plus à négliger, notamment dans le développement de l'arme parachutiste. Les Allemands et les Russes eurent de fructueux échanges d'expérience dans le cadre de leurs exercices combinés (afin de masquer leur réarmement, dans les années 30, ils allaient s'entraîner en Russie).
Hitler ne participa pas à ce mouvement d'idée. Sa seule contribution fut de s'entourer des généraux les plus ambitieux et les plus agressifs, ceux qui lui promettaient la victoire contre la première armée du monde (l'armée française). Après la victoire, il s'attribua la paternité du concept de blitzkrieg - qui expliquait la victoire de manière plus flatteuse plutôt que d'envisager une incurable incompétence de la part des généraux français -, mais oublia cela après l'échec de Barbarossa : "Je n'ai jamais employé le terme blitzkrieg pour la bonne raison qu'il est complètement idiot". (ma source :
Le mythe de la guerre éclair, de K. H. Frieser)
Comme je l'ai dit, le plan du "coup de faucille" de 1941 fut élaboré par von Manstein. Hitler avait fait le choix stratégique de ne pas respecter la neutralité de la Belgique et de la Hollande, mais c'est von Manstein qui imagina d'attirer les alliés dans un piège en Belgique avant de les prendre à revers en passant par les Ardennes.
Durant l'opération Barbarossa, c'est Hitler qui décida de partager ses forces entre l'Ukraine et Moscou, en envoyant notamment l'infanterie vers cette dernière destination, alors que les chars étaient plus indiqués.
Ensuite, dès qu'Hitler prend la direction des opérations, il apparaît que la retraite n'est jamais à l'ordre du jour. Ceci, à mon avis, montre qu'il n'a pas compris le principe de la guerre moderne : le mouvement est plus important que l'offensive à outrance.
Ainsi, il laisse ses troupes se faire enfermer dans Stalingrad et dans la poche de Falaise. A l'opposé, lorsque la Wehrmacht bat en retraite, contrainte et forcée, après Stalingrad, von Manstein (encore lui) lance la contre-offensive de Karkhov et arrête l'Armée Rouge.
L'Italie est défendue de manière statique, par des lignes de défense appuyées sur les montagnes.
Et ne parlons pas de la bataille d'Allemagne, où une résistance, statique mais sans espoir, est organisée.
Mon impression, je le répète, est que, si Hitler fut le premier à mettre en oeuvre la guerre mobile et blindée, il la termina comme la première.