Pour avoir une idée des conditions aériennes sur la Manche, voici un témoignage de Closterman :
http://www.opex360.com/2014/06/06/les-plages-du-debarquement-vues-par-pierre-clostermann-le-soir-du-6-juin/Citer :
Il est difficile de donner une impression d’ensemble du débarquement tel que nous l’avons vu à vol d’oiseau.
La Manche est encombrée par un inextricable fouillis de navires de guerre, de bateaux de commerce de tout tonnages, de pétroliers, de transporteurs de tanks, de dragueurs de mines, tous traînant le petit ballon de barrage, argenté au bout d’une ficelle.
Nous croisons une demi-douzaine de remorqueurs peinant, fumant et souffant, qui traînent une espèce d’énorme tour en béton juchée sur un coffre grand comme un dock flottant – c’est un élément de port préfabriqué, appelé ‘Mulberry’.
Le temps n’est pas fameux. La Manche est hachée de vagues courtes et nerveuses qui semblent éprouver les petits bâtiments. Les nuages bas nous obligent à descendre au-dessous de l’altitude Z prévue, et à sortir des couloirs de sécurité.
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Notre zone de patrouille est comprise entre Montebourg et Carentan, et a pour nom de code Utah Beach. Nous couvrons les 101e et 82e divisions aéroportées américaines tandis que la 4e division qui vient de débarquer marche sur Sainte-Mère-l’-Eglise. On ne voit pas grand chose. Des maisons isolées flambent. Quelques jeeps sur les routes. Du côté allemand, pratiquement rien.
Deux croiseurs bombardent des batteries côtières près du fort de l’Ilette.
Il y a des chasseurs américains plein le ciel, par paires. Ils se promènent un peu au hasard, nous foncent dessus, viennent nous renifler avec suspicion de très près. Quand ils paraissent trop agressifs, nous montrons les dents, et nous faisons face en dégageant. Un Mustang sortant d’un nuage en arrive même à tirer une rafale sur Graham. Le Mustang a de la chance, car Graham dont l’oeil est aussi bon que le caractère est mauvais ouvre le feu sur lui et le manque.
L’absence de réaction de la part de la Luftwaffe est bien étonnante. Aux derniers renseignements d’Intelligence, ils ont en France 385 bombardiers à long rayon d’action, 50 avions d’assaut, 750 chasseurs, 450 chasseurs bimoteurs de nuit, des avions de reconnaissance – au total 1750 avions de première ligne (*). Ces effectifs seront certainement renforcés sous peu si les terrains ne sont pas trop bombardés.
Ma deuxième patrouille est une patrouille de nuit sur Omaha Beach. C’est un cauchemar. La nuit est sombre, avec des nuages bas. Dans l’ombre circulent sans se voir des centaines d’avions aveuglés par les incendies qui font rage, de Vierville à Isigny. La bataille semble féroce dans ce secteur. Sur les plages, la mer déchâinée balaie les débris calcinés de péniches de débarquement, illuminés par les départs des batteries implantées sur le sable.
Tous les pilotes se concentrent sur leur PSV (**) et cherchent surtout à éviter les collisions. Une cinquantaine de Junkers 88 – première apparition en force de la Luftwaffe – en profitent pour bombarder en piqué, un peu au hasard, les concentrations d’hommes et de matériel qui se pressent dans l’étroite bande de terrain du ‘beach head’. J’entends par la radio trois pilotes de la 611 qui poursuivent 6 de ces JU-88, et je reconnais la voix de Marquis criant :
- I got one of the bastards (***)
En effet, là-bas, à gauche, une boule de feu tombe des nuages.