Iturraspe a écrit :
CEN_EMB a écrit :
Ce n'est pas parce que le terme "blitzkrieg" a été forgé ultérieurement que la Westfeldzug n'est pas un Blitzkrieg. D'ailleurs, je suis désolé, mais la campagne à l'Ouest est même la "mère" des Blitzkriege "à l'allemande", le modèle de référence qui sert de validation au concept (même si les Allemands ne l'appellent bien entendu pas ainsi), notamment dans les Balkans et en URSS
A partir de juin 1940, Hitler et ses généraux considèrent que la guerre victorieuse contre l'armée française doit servir de modèle pour les prochaines campagnes militaires, notamment la guerre contre l'Union soviétique.
Le fait de reformuler exactement ce que j'ai dit, c'est pour ne pas avoir à dire que vous êtes d'accord ?
Iturraspe a écrit :
CEN_EMB a écrit :
Vous citez d'ailleurs Frieser qui dit que c'en est une, quoi qu'elle ait été improvisée.
Frieser insiste beaucoup sur cette « improvisation » à l'Ouest en 1940.
Bis repetita placent... Le fait de dire la même chose que moi, c'est pour se rassurer ?
Pour le reste, vous êtes le tenant d'une vision datée des évènements de 1939-1941, celle qui a fait florès dans les années 1950 et 1960. Je la résume comme suit : Hitler est un âne bâté qui ne comprend rien à rien, les généraux allemands, d'un bel unanimisme, ont tous essayé de le dissuader de ses folies, la main sur le coeur, mais vu que ce n'est qu'un "böhmische Gefreiter" sans éducation et et sans aucune connaissance militaire, il n'en a fait qu'à sa tête, alors que la guerre, grosse Katastrophe.
De mon point de vue, c'est idiot, et ne correspond pas aux faits.
1) la Generalität n'est absolument pas un tout homogène. Elle est très divisée, avec ses "jeunes Turcs" (Guderian et Manstein au premier chef en 1940) et ses réactionnaires (qui ont généralement été vidés en 1938 au plus tard), avec une majorité entre les deux (qu'Halder incarne parfaitement, mais un Kleist ou un Bock également). Asséner des lieux communs tels que "La Generalität arrive donc à la conclusion que l'idée d'une guerre courte contre l'armée française est une illusion", "Il veut déclencher l'offensive en novembre, ce qui provoque la consternation de la Generalität", "La Generalität n'aime pas les idées novatrices" n'en fait pas des vérités.
En fait, ce que vous donnez, c'est au mieux le point de vue de Halder, dont on a d'excellentes raisons de douter de la candeur de ses écrits (vu qu'il était un pion d'Hitler jusqu'en septembre 1942, malgré des dissensions réelles avec lui, et qu'il est devenu celui des Américains après 1945). Je peux citer de nombreux généraux (donc membres de droit de la Generalität) qui ne sont pas de l'avis que vous leur attribuez bien légèrement (et j'ajoute que mettre un terme allemand ne rend pas une explication boîteuse moins boîteuse).
2) des dizaines d'historiens ont fait un sort à une telle vision depuis les années 1980, en mettant en exergue le processus de "lave plus blanc" initié par les généraux en question après la guerre pour se dédouaner de leurs propres turpitudes. Cela avait débuté avec le livre de Liddell Hart (The other side of the Hill) et avait été poursuivi (accéléré même) au début des années 1950, quand Guerre Froide oblige les Américains veulent recréer une armée ouest-allemande et comptent s'appuyer sur les généraux du Führer pour ce faire. Sauf qu'on sait très bien aujourd'hui que ce n'est pas la réalité. Hitler a bien sûr commis des erreurs nombreuses et évitables, mais il n'était clairement pas le clown pathétique et excessif dépeint par ces généraux pour qu'ils paraissent par contraste modérés et moraux ; Halder était un pion du Führer, sélectionné par lui après le "coup de majesté" de février 1938 qui vide le commandement de l'armée de Terre de ses résistances politiques en expulsant Fritsch et Blomberg, puis Beck en août suivant, et a été beaucoup plus compromis par le régime que ce qu'il veut bien l'admettre ;
3) les faits importent, et celui qui veut que non, l'armée allemande n'a pas trouvé une recette miracle dans un champ de manoeuvres quelconque en 1939 mais qu'elle n'a pu s'imposer de manière aussi fulgurante que grâce à un long processus de maturation doctrinale, accéléré par l'intégration des dernières technologies, est particulièrement crucial. Il s'oppose à la vision dépassée de Frieser, excellent narrateur de l'offensive dans les Ardennes, piètre interprète de ce processus qui le dépasse (ou qu'il atténue afin de rester raccord avec le storytelling développé dans les années 1950, après tout, il s'agit d'un militaire allemand qui a un devoir de cohérence avec son institution).
Iturraspe a écrit :
Quand vous mentionnez que « les racines doctrinales de ce plan sont déjà constituées » avant le début de la seconde guerre mondiale, vous fournissez aux lecteurs une explication a posteriori.
Pas du tout, je leur fournis l'explication centrale des succès allemands. L'armée allemande n'a pas soldé l'héritage militaire prussien, elle l'a conservé et développé, actualisé, ciselé, amélioré, afin de trouver une solution tactique valable.
La culture militaire prusso-allemande, depuis 1806, vise à UNE GUERRE COURTE. Tous les plans prusso-allemands depuis Scharnhorst et Gneisenau visent à cela, la plupart du temps avec succès (1864, 1866, 1939, 1940 en Scandinavie et à l'Ouest, 1941 dans les Balkans - on peut ajouter certaines opérations de la Première Guerre mondiale, comme l'offensive Mackensen en Roumanie en 1916), à deux reprises sans (et avec des conséquences dramatiques, en 1914 et en 1941). Les Allemands n'ont pas découvert la martingale tactique par hasard en 1939-1940, ils l'ont patiemment mis au point, dans un processus long de retour d'expérience et d'analyse doctrinale, fait d'avancées et de reculs.
Iturraspe a écrit :
Pendant l'automne 1940, la Generalität a-t-elle songé que ces événements (1806 | 1870 | 1936 | etc) étaient annonciateurs d'une guerre courte à l'Ouest ?
Cette phrase n'a aucun sens, puisque :
1) la Generalität n'est pas une sur le sujet (cf. ci-dessus) ;
2) bien entendu que culturellement les officiers généraux allemands sont orientés vers une guerre qu'ils veulent courte et décisive plutôt que longue et indécise. Que peu y croient et beaucoup en doutent, c'est vraisemblable, mais cela tient bien plus à une surestimation de l'armée française qu'à un manque de volonté.
Iturraspe a écrit :
Je ne crois pas que ces « concepts » ont été élaborés « très en amont ».
Eh bien si. Ces concepts sont élaborés itérativement depuis 1806, que vous le vouliez ou non. D'ailleurs, puisque vous citez Frieser, la partie la plus intéressante de son livre, en dehors de la narration des journées du 10 au 15 mai, c'est le rapprochement avec le plan Schlieffen et son inspiration hannibalienne. Cela démontre une continuité d'esprit visant à une guerre courte. Ajouté à la culture bismarckienne d'une guerre sur un seul front (renforcée en 1939 par l'hérésie commise en 1914), tout contribue à ce que les généraux allemands cherchent une guerre courte et décisive. Qu'ils ne soient pas certains que celle-ci soit réalisable est un autre problème, ils sont totalement imprégnés culturellement de sa nécessité. Parce que ces concepts ont été élaborés très en amont.
Iturraspe a écrit :
Le plan Manstein ne suscite pas l'enthousiasme de Halder.
C'est normal, ce n'est pas un concert de rock où on le présente sur une estrade et où il s'agit d'applaudir.
Il suscite l'enthousiasme de Hitler, et est jugé suffisamment crédible pour être appuyé par Rundstedt. Ceux qui lui sont défavorables sont Halder (parce que cela remet en cause le plan de l'OKH) et Bock (parce que cela le prive du premier rôle). Un partout, balle au centre.
Iturraspe a écrit :
La Generalität n'aime pas les idées novatrices.
Boum. Encore un lieu commun asséné avec la plus parfaite sérénité.
Pierma a répondu : un généralat conservateur qui a l'armée la plus innovante du monde à l'époque. Plutôt pas mal.
CEN EMB