Cuchlainn a écrit :
Pour schématiser, Staline était persuadé qu'Hitler ne serait pas assez fou pour attaquer l'URSS. Il n'avait pas compris que la guerre à l'Est était la raison d'être du régime nazi, son leitmotiv et son But, et pas un discours de propagande.
Ça pour schématique, c'est schématique, il pensait effectivement que l’Allemagne essayerait d’abord de finir ce qu’elle avait commencé, à savoir vaincre l’Angleterre et en juin 1941, il nourrit encore quelques illusions sur une attaque allemande pour l’année prochaine. Mais il est évident qu’il se prépare à cette attaque.
Cuchlainn a écrit :
Il voyait en Hitler une sorte d'autre lui-même - un autre despote cynique - avec qui se partager le monde.
Staline qui voit en Hitler une sorte d’autre lui-même, vous avez une source concernant cet état d’esprit. A mon avis, il prenait plutôt Hitler pour un aventurier, pas pour un partenaire fiable et sûrement pas pour un alter-ego.
Cuchlainn a écrit :
Il ne précipite donc pas la modernisation de l'Armée rouge, qui entrera en guerre non seulement en manque d'officiers compétents après les purges, mais avec un grand nombre de matériels (chars, et surtout avions) dépasés aux côtés de trop rares machines performantes. Jusqu'aux derniers jours, il respecte les clauses du Pacte en matière d'échanges économiques, de livraisons de matières premières.
Pourtant en matière de blindés, les soviétiques gardent une supériorité technologique jusqu’en 1943. L’armée rouge de 1941 est en pleine modernisation et l’effort industriel est de grande envergure et se poursuivra malgré le transfert des industries. Le manque d’officiers compétents ne me paraît pas une conséquence des purges, le nombre d’officiers est passé de 300.000 en 1937 à plus de 600.000 en 1941 (les officiers arrëtés lors des purges, surtout des colonels, des généraux et des
politruks, sont environ 35.000, quelques milliers ont été relâchés rapidement et plus de 10.000 sont réintégrés à partir de 1940). Un corps d’officiers compétents ne se construit pas en un jour.
Cuchlainn a écrit :
Il est averti, il constate le refroidissement des relations, mais il ne veut pas le croire : parce que ça lui paraît quand même absurde, parce qu'il a pour habitude que tout plie devant sa volonté et que ce qu'il ne désire pas n'arrive pas... Il ne voyait pas dans le Pacte un vulgaire expédient, lui.
Qu’est-ce que Staline voyait dans le pacte ? Je ne pense pas que le pacte était un but en soi, une véritable envie de construire avec l’Allemagne un partenariat à long terme. Ce pacte est tout de même en contradiction avec toute la politique soviétique des années 30, entre autres celle des fronts populaires pour laquelle l’URSS s’est engagée dans une guerre. Donc pour l’URSS le pacte est aussi un expédient, une manière d’orienter la guerre à venir et de l’éloigner de l’URSS. Bien sûr en 1941, Staline reste très attaché au pacte, il n’a aucun intérêt à être le premier à le briser.
Cuchlainn a écrit :
Aussi, il n'a cru ni Sorge, ni les autres signaux d'alarme, et pourtant il y en a eu. Le 21 juin au soir, il est au Bolchoi et son armée n'est pas en alerte, ce qui entraînera, notamment, la destruction au sol de la majeure partie de l'aviation soviétique dans les premières dizaines d'heures du conflit.
Au Bolchoi, quels sont vos sources ? Jaurès et Roy Medvedev ont retracé dans
The Unknown Staline,(Londres 2006, P;229-230) la journée du 21 juin 1941 d’après les documents disponibles. Qu’est-ce que ça donne: Vers 13.00 h la Whermacht reçoit le signal
Dortmund et rejoint ses positions d’assaut, la chose est rapidement signalée aux autorités soviétiques. Le 20, Sorge a déjà avertit les renseignements soviétiques, le 21 non seulement l’ambassadeur britannique (vers 14.00h), mais aussi Mao Zedong par l’intermédiaire de Dimitrov avertisent de l’imminence d’une attaque allemande, sans parler des déserteurs allemands ou des pompiers de Moscou qui signalent que l'ambassade allemande brûle ses documents. Dans l’après-midi, Staline téléphone personnellement au commandant du district militaire de Moscou pour lui ordonner de mettre la défense aérienne en état d’alerte maximale. A 20.50 h, à lieu au Kremlin (et non au Bolchoi) une réunion entre Joukov, Staline et Timochenko, on y corrige une directive qui sera envoyée 2 heures plus tard. Cette directive est claire, il s’agit d’une préparation militaire maximum des troupes, l’état d’alerte est déclenché. Staline téléphone encore plusieurs fois à l’Etat-Major avant de rejoindre sa dacha vers 2.00 h du matin, il est réveillé 1 heure 40 plus tard par Joukov qui lui apprend que la guerre a commencé.
Les troupes à la frontière sont déjà, au moment où elle reçoivent le message en état d’alerte militaire, la transition vers l’alerte maximale doit prendre une heure ou deux. Pour l’aviation les déplacements de nuit, pour mettre les avions à l’abri s’avèrent difficiles, mais si l’état d’alerte n’a pas permit de sauver des milliers d’avions, souvent de type ancien, elle aura permit de préserver pas mal de personnels. (pour la dernière partie voir Medvedev, op. cit.,p.230).
En fait ce n'est pas l'attaque en elle-même qui est une surprise pour les Soviétiques, mais la rapidité d'exécution des manœuvres et le caractère généralisé (frontal) de celle-ci qui sera la surprise pour les Soviétiques et les empêchera de manœuvrer comme prévu depuis les années trente en opérant une série de contre-attaques d'envergure depuis le second échelon.