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Je dirais que Le Maghreb à l'Epreuve de la Colonisation de Daniel Rivet pourrait une excellente synthèse sur le sujet, assez complet sans être hyper lourd à digérer pour qui aimerait juste survoler le sujet. Pour le cas algérien de manière plus précise, je crois que L'Algérie des Passions de Pierre Darmon pourrait faire l'affaire et il est très attachant dans le sens où il livre parfois des pans de la vie locale dans les "deux Algéries" de l'époque. Sinon, pour un panorama plus large, plus varié et plus concis et plus centré sur les événements, je crois que L'Histoire de l'Algérie à la période Coloniale peut éclairer peut faire l'affaire, quitte à aller plus profond par la suite sur le thème qui intersesse. Sur le thème précis de la société algéroise de l'époque ottomane, je crois que l'un des rares ouvrages dédié au sujet à ce jour est La Famille à Alger au 17e et 18e siècles de Fatiha Loualiche et il s'agit surtout d'une exploitation de documents d'archive de l'époque.
Merci beaucoup pour les sources, Harrichi78, surtout la dernière, que je me procurerai.
Harrachi78 a écrit :
Pour la période indiquée vous parlez plutôt de Kabyles (on disait Zwâwa en ce temps).
Les Kabyles font partie des Berbères.
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Il n'y eut pas plus de résistance qu'ailleurs puisque le nouveau régime, une fois constitué à Alger, comptait autant de tribus alliées (makhzen) qu'ailleurs.
Oui, mais des tribus choisirent l'alliance avec les Français, comme les Mokrani. De plus, quand vous dites "pas plus de résistance qu'ailleurs", c'est que cette résistance a été efficace : du xviie siècle au xixe siècle, les principaux se produisent en 1609 (les Kabyles dévastent la Mitidja et menacent Alger), puis entre 1758 et 1770 (dans toute la Kabylie) et enfin entre 1805 et 1813 (dans la vallée de la Soummam). En 1823 les tribus des Bibans et de Béjaïa se soulèvent et s'emparent du caïd de la ville.
Turcs et Français, comme les Almoravides avant eux, sont bien engagés dans la même démarche impérialiste. La religion ne vient que pour servir de déclencheur politique aux révoltes, mais les Berbères se débrouillent très bien sans elle.
Après, j'ai l'impression que tout est question de savoir où placer le curseur. Pour moi, la démarche coloniale dès la conquête. Sinon, on peut dire que le Maroc, qui est demeuré un protectorat, n'a jamais été colonisé
Pour ce qui est du ressenti des populations elles-mêmes, je ne crois pas que le discours officiel algérien parle d'une colonisation en tant que telle, mais d'une occupation militaire qui s'est achevée en 1962. Inutile donc de chercher à qualifier une colonisation sur cette base.
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Exactement. Les français de 1830 et d'après étaient naturellement mus par leurs propres principes qu'ils tiraient de leur propre histoire et de leur propre univers culturel et mental. Combattre l'Islam ou la religion en tant que soit ne pouvait s'inscrire dans les textes officiels ni s'afficher dans le discours formel des autorités, comme bien même ca pouvait s'inscrire dans l'arrière-pensée de certains cercles ou de certains auteurs pour diverses raisons internes au contexte français et qui peuvent même être opposés (anticléricaux, conservateurs catholiques ... etc.).
Les Français n'avaient pas l'intention de combattre l'islam, pas plus en Algérie qu'ailleurs. L'opposition à l'assimilation portait principalement sur le mode de vie.
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Mais rien de tel ne pouvait être perçu par un algérien de 1830 ni même d'après car, pour lui la chose pouvait se résumer au fait -carrément cataclysmique et humiliant pour lui- que son pays musulman est tombé sous le pouvoir des maudits chétiens (nssâra), et toute tentative de changer son "way of life" sera perçue comme une tentative de détruire l'Islam car c'était cela le marqueur identitaire majeur en ce temps. Les réactions étaient donc les mêmes pour tout ce qui était entrepris par l'administration coloniale : que ce soit pour un vaccin où pour l'établissement d'un registre d'Etat-civil, tout était louche ; alors de là se voir inviter à devenir "français" c'est que le monde était devenu fou à leurs yeux ...
Tout-à-fait, je suis persuadé que des mesures de modifications du mode de vie sont considérées comme plus intrusives que la religion du dirigeant, qui relève du discours politique. Les peuples d'Algérie, comme avant ont alterné les périodes de soumissions / révoltes.
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Dans un sens, ceux parmi les Européens qui considéraient la masse des algériens comme inassimilables avaient raison, ou en tout cas leur jugement collait avec l'idées que le commun des algériens se faisaient d'eux-mêmes, même si les raisons et la lecture que se faisaient les uns sur les autres n'avait rien de commun !
Les choses ne sont pas si tranchées : il y a eu des évolutions. Ainsi, le système éducatif mis en place par les Français, qui ne faisait pas recette durant tout le XIXe siècle, refusait du monde après la Première Guerre Mondiale. Il était même totalement engorgé. Il y a eu une expansion de l'usage du français en Algérie, qui explique qu'encore aujourd'hui il y a beaucoup de francophones.
Même s'il est évident que l'empire colonial était condamné par la géopolitique (émergence du sentiment national, opposition des Etats-Unis et de l'URSS), nul ne peut dire à long terme ce qui ce serait passé par l'effet des seules évolutions internes.
En tout cas, il serait intéressant de savoir si la principale résistance à l'assimilation provenait des Algériens eux-mêmes ou de l'administration coloniale.
Barbetorte a écrit :
Certes, mais vu le nombre d'Algériens qui, après l'indépendance, sont venus s'établir en France et ont demandé la nationalité française, la greffe n'a pas été entièrement rejetée.
En terme de greffe, après la "guerre", l'Algérie constitue pour la France, en dépit des rodomontades des gouvernements, un partenaire commercial, fournisseur d'hydrocarbures, puis de main-d'oeuvre. Tout ce qu'on pouvait demander d'une colonie. Investir des moyens militaires pour garder une administration directe du territoire était rigoureusement inutile (une fois la décision prise d'abandonner les populations qui feraient les frais des changements politiques...).