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Message Publié : 17 Mars 2016 23:04 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Je reproduis ici une remarque très pertinente de Pierma qui s'exprimait sur le salon géopolitique :

"J'ai été effaré quand Gaston Deferre a passé la loi de décentralisation en 82. Toutes ces entités , à commencer par 36000 communes, qui allaient devenir décisionnaire de plein droit. Comment ont-ils pu pondtre une absurdité pareille ? ( En France, disait De Gaulle, la gauche trahit l'état et la droite trahit la nation.)"

Je vous propose cher Pierma quelques éléments de reponse dont hélas je dois taire les sources...

Primo, et c'est LE grand secret des lois Defferre : la décentralisation était une réforme consensuelle entre la Droite et la gauche. La violence du débat politique interdisait de le dire publiquement mais en fait les élus locaux de droite comme ceux de gauche étaient bien heureux d'échapper à la tutelle de l'Etat. D'ailleurs Giscard envisageait une réforme analogue en cas de réélection. Le projet préparé pour VGE a été recyclé pour Mitterrand. Et surtout les élus de droite ne voulaient à aucun prix se trouver sous la tutelle de représentants d'un État socialiste.

Secundo, Mitterrand, Mauroy et Defferre étaient pragmatiques. Pour la raison qui précède ils savaient tque la réforme allait relativement bien passer au parlement et ensuite serait aisément appliquée. Pourquoi compliquer tout cela en élargissant le débat à des aspects très clivants. C'est pour cela que toutes les questions qui fâchaient vraiment comme la taille des communes ou le doublon régions/départements ont été mises de côté.

Tertio, il fallait aller vite pour éviter que le projet ne s'enlise sous la pression des technocrates de Bercy (toujours à la recherche d'économies) ou d'autres ministères (qui auraient expliqué que leur champ de compétence était tellement spécifique qu'il ne pouvait être décentralisé ).

Quarto, Mitterrand n'était pas maire et était indifférent aux réalités locales. Mauroy et Defferre étaient maires de grandes villes et ne voyaient pas alors l'enjeu intercommunal.

Quinto la réforme communale de 1971 avait été un échec complet qui avait beaucoup agité les villages pour ne déboucher sur presque rien. Autant éviter de refaire la même chose dix ans plus tard.

Sexto nul ne savait comment le conseil constitutionnel (à droite à 100%) allait réagir. Autant ne pas trop charger la barque.


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Message Publié : 18 Mars 2016 12:08 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Je vous remercie pour cet éclairage.

En somme il était plus facile de tout laisser courir plutôt que de chercher une décentralisation, forcément plus limitée, basée sur une réflexion d'ensemble.

Je n'aurais pas pensé à la méfiance des maires de droite à l'idée d'être encadrés par des préfets "socialistes" mais il faut se souvenir de l'ambiance de l'époque. (C'est tout juste si la droite ne craignait pas une soviétisation de la France.)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 18 Mars 2016 19:30 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Merci Aigle de ce témoignage qui éclaire et confirme des choses lues çà et là.

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Message Publié : 18 Mars 2016 22:48 
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Marc Bloch
Marc Bloch

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Localisation : Versailles
Dans les années 1970 la tutelle n'avait elle pas été substantiellement allégée ?


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Message Publié : 25 Mars 2016 12:25 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Le philosophe Marcel Gauchet dresse un bilan de la décentralisation dans la dernière livraison de la revue Acteurs publics (laquelle ne traite pas de cinéma mais de la fonction publique !). Il indique que le promoteur de la réforme, Gaston Defferre, était maire de Marseille et ancien ministre de la IVe République. À ce double titre, il n'est pas crédible de soutenir que la réforme visait à renforcer la transparence des décisions et le pouvoir des citoyens.

Pour Gauchet, il faut lire cette réforme à la lumière des mécanismes de la Ve République. Ceux ci imposeraient en effet la formation de partis puissants, bien ancrés sur le territoire et aptes à conduire la campagne présidentielle. Des collectivités puissantes et autonomes formeraient selon lui de bonnes bases politiques dans cette perspective.


http://www.acteurspublics.com/2016/03/0 ... l-ancienne


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Message Publié : 03 Jan 2019 11:26 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Jerôme a écrit :
Le philosophe Marcel Gauchet dresse un bilan de la décentralisation dans la dernière livraison de la revue Acteurs publics (laquelle ne traite pas de cinéma mais de la fonction publique !). Il indique que le promoteur de la réforme, Gaston Defferre, était maire de Marseille et ancien ministre de la IVe République. À ce double titre, il n'est pas crédible de soutenir que la réforme visait à renforcer la transparence des décisions et le pouvoir des citoyens.

Pour Gauchet, il faut lire cette réforme à la lumière des mécanismes de la Ve République. Ceux ci imposeraient en effet la formation de partis puissants, bien ancrés sur le territoire et aptes à conduire la campagne présidentielle. Des collectivités puissantes et autonomes formeraient selon lui de bonnes bases politiques dans cette perspective.


http://www.acteurspublics.com/2016/03/0 ... l-ancienne


Je suis étonné par cette analyse. Pour moi la tutelle des préfets n a jamais empêché Defferre ou Mauroy de faire à peu près ce qu ils voulaient à Marseille ou à Lille ...

Je suggère à la modération de fusionner ce fil avec l'autre sur les lois de décentralisation.


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Message Publié : 04 Jan 2019 14:33 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Bonne idée de fusionner les débats

Mais sur le fond il s agit de l'opinion de Gaucher. Pas de la mienne.


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Message Publié : 05 Jan 2019 15:35 
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Inscription : 04 Déc 2011 22:26
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Localisation : Paris
Aigle a écrit :
D'ailleurs Giscard envisageait une réforme analogue en cas de réélection. Le projet préparé pour VGE a été recyclé pour Mitterrand.

A l'été 1977, Giscard avait même adressé un questionnaire à l'ensemble des maires de France sur l'idée d'une décentralisation et leur ressenti en matière de gouvernance publique. En avril 1980, le Ministre de l'Intérieur Christian Bonnet est ensuite venu présenter un projet de loi sur le développement des compétences locales devant le Sénat.

Citer :
Texte complet, il a accru les libertés locales, prévu de nouveaux moyens pour l'exercice de ces libertés et déterminé un partage des compétences entre l'Etat, la commune et le département.

Supprimant les principales entraves aux libertés locales, le projet de loi reconnaissait une liberté juridique aux collectivités locales en précisant que les décisions des autorités locales prenaient un caractère exécutoire dès leur affichage. Le dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture était maintenu mais uniquement pour permettre au préfet d'exercer son contrôle de légalité par la voie du pouvoir d'annulation qui était préservé, à l'exclusion de tout contrôle d'opportunité. Le nombre de cas où l'approbation de l'autorité de tutelle était exigée pour les délibérations des conseils municipaux était réduit à trois : emprunts et garanties d'emprunt au-delà de certains seuils d'endettement, traitement et indemnités des personnels, interventions dans le domaine économique et social.

Parallèlement le projet de loi allégeait la tutelle financière et prévoyait la fin de la tutelle technique, un processus d'allègement des normes devant être engagé ainsi que leur codification dans un code des prescriptions techniques soumis au Parlement et qui serait seul opposable aux collectivités locales.

Afin de faciliter l'exercice de ces libertés nouvelles, le projet de loi prévoyait des dispositions relatives aux mandats locaux qui tendaient notamment à accorder un temps suffisant aux salariés du secteur privé pour exercer leur mandat. Il cherchait également à améliorer le statut du personnel communal, en renforçant leur qualification, en rapprochant leur statut de celui des fonctionnaires de l'Etat et en affirmant le rôle des élus notamment en matière de nomination.

Le titre II du projet de loi comprenait un ensemble de dispositions relatives à la clarification des compétences. Parmi les compétences transférées à l'Etat figuraient la justice et la police. Les compétences étaient partagées selon le principe des blocs de compétences. Tel était en particulier le cas pour l'action sociale et l'éducation. Ainsi, dans ce dernier domaine, le département se voyait confier les transports scolaires et les collèges. L'Etat ne conservait que les lycées et les universités. Il prenait en charge l'indemnité de logement des instituteurs. Des compensations financières aux transferts de charges étaient prévues.

Source : Michel Mercier, Rapport du Sénat, Pour une République territoriale : l'unité dans la diversité, juin 2000, pp. 41-42.

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


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Message Publié : 05 Jan 2019 18:36 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 23 Déc 2010 13:31
Message(s) : 682
Aigle a écrit :
Je suis étonné par cette analyse. Pour moi la tutelle des préfets n a jamais empêché Defferre ou Mauroy de faire à peu près ce qu ils voulaient à Marseille ou à Lille ...

D'une manière générale, la tutelle ralentissait quand même l'action locale puisque les textes adoptés n'entraient en vigueur qu'après exercice de la tutelle ; la décentralisation renverse le système en plaçant la tutelle a posteriori. C'est-à-dire qu'un texte s'applique dès qu'il a été transmis à la Préfecture et non après le visa préfectoral.
Ensuite, pour Deferre, Mauroy et autres politiques nationalement connus, il importerait de savoir si cette liberté d'action venait du fonctionnement normal des institutions ante-décentralisation ou si le poids politique national de ces personnes faisaient que le fonctionnement normal était adapté par le Préfet pour intégrer ces situations (sans compter le fait que ces élus pouvaient faire jouer le gouvernement et, au travers des ministres, avoir une action, une pression sur leur Préfet).


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