pilayrou a écrit :
La Chine d'aujourd'hui est un exemple à suivre... au niveau économique !!!
Il se pourrait que ça ne soit même pas le cas.
Les statistiques seraient mensongères. La corruption et les entraves politiques annuleraient tous les bénéfices des entreprises étrangères comme nationales.
Gros bémols sur la santé financière de la Chine populaire :
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Rares en effet sont les entreprises étrangères installées en Chine à faire des bénéfices. Rien ne leur est épargné : protectionnisme, absence d’État de droit, racket policier, espionnage, chantage de jeunes diplômés pas si bien formés que cela et pas si bon marché non plus… L’autre livre, « L’année du Coq », de l’essayiste et grand voyageur Guy Sorman, relate sa découverte du peuple chinois. [...] Lecture passionnante. Dont voici des extraits.
[…] L’échec de Shanghai permet d’en douter. […] Sa Bourse, après avoir ruiné des millions d’épargnants, est une place secondaire, tandis que les grandes entreprises chinoises partent se faire coter à Hongkong. Les services ? Pas plus que dans le reste de la Chine il n’existe une culture du service, ni dans l’hôtellerie, ni dans le commerce, ni dans quelque prestation que ce soit. […] Cinéma, musique ? L’Opéra de Shanghai, conçu par un architecte français, longtemps resté désert, ne fait recette qu’en invitant des musicals de Broadway.
[…] Ses entreprises bénéficient de monopoles, les autorités locales veillant sous des prétextes divers à ce qu’aucun concurrent chinois ou étranger ne leur porte ombrage. […] Au bout de 200 kilomètres, l’autoroute rétrécit, puis se dégrade, le revêtement disparaît ; les camions s’enlisent dans les ornières, certains chutent dans les ravins. Nous venons de franchir la frontière entre le Shaanxi et le Gansu : une route en tofu, m’explique-t-on, en pâte de soja, parce que des fonctionnaires ont détourné les fonds. Certains ont été incarcérés, mais les cadres du Parti n’ont pas été inquiétés ; ils le sont rarement. La préférence accordée aux autoroutes, tout comme celle accordée à la voiture individuelle, est irrationnelle dans un pays si vaste et si pauvre ; le chemin de fer serait mille fois mieux adapté aux déplacements de grandes distances. Mais la seule voie de chemin de fer dans laquelle le gouvernement chinois a récemment investi est celle qui dessert le Tibet. Son utilité économique sera faible, mais elle permettra aux chinois de coloniser plus facilement la province rebelle et d’y acheminer l’armée. Les Tibétains le ressentent et le disent.
Si le gouvernement a accordé la priorité aux autoroutes, c’est qu’elles enrichissent plus vite les donneurs d’ordres. Les dirigeants sont impatients : ils cherchent un profit immédiat. En Chine nul ne pense au long terme. […] Si les capitaux sont engloutis dans les infrastructures, et non pas dans l’éducation et la santé, c’est que le développement de la Chine n’est pas fondé sur la formation et l’essor des ressources humaines. C’est tout l’inverse de ce qui a été fait au Japon et en Corée. »
[…] Dire que les villages du Shaanxi ou du Gansu sont pauvres décrit mal le dénuement qui y règne ; les maisons sont vides, hors la literie indispensable, un réchaud et quelques tabourets. Les murs de pisé ne protègent ni des étés de plomb ni des hivers effroyables. L’hygiène est inconnue, l’eau courante exceptionnelle. […] En juillet 2005, le ministre de la Sécurité a reconnu, au cours d’une réunion secrète du gouvernement, que la Chine en 2004 avait connu 74 000 incidents de masse impliquant 3,76 millions de personnes et que le nombre de ces incidents progressaient à grande vitesse. »
[…] La main-d’œuvre ? Le Parti en garanti l’acheminement et la docilité ; telle est sa véritable contribution, décisive : pourvoyeur de prolétariat. La stratégie du gouvernement privilégie l’enrichissement rapide par l’exploitation de la main-d’œuvre ; les salaires restent d’autant plus bas que le Parti interdit toute organisation syndicale, mais favorise une sainte alliance du Parti et du patronat national étranger pour le comprimer. En Corée et au Japon, la situation fut inverse : les revendications syndicales autant que la fin de l’exode rurale obligèrent les entrepreneurs à la mécanisation et à l’innovation. Les entreprises chinoises assemblent ou reproduisent ce qui a été conçu ailleurs : il n’existe pas une parque, une innovation, un procédé significatif de qualité mondiale qui soient chinois. »
« Sans l’apport massif de capitaux étrangers, la Chine ne se développerait pas. Mais ces entreprises font-elles des profits en Chine ? […] L’explication qui prévaut pour ce silence embarrassé des investisseurs étrangers est l’absence de profits réels : tous estiment qu’il faut être en Chine non pour s’enrichir, mais pour y être avec l’espoir de s’enrichir. […] L’honnêteté ne fait pas partie du modèle économique chinois : les comptabilités sont truquées, les contrats signés n’engagent personne, la justice est sous influence… »
[…] Dans cette course au développement, la Chine en apparence a pris la tête avec 9 % de croissance en moyenne, contre 6 % à l’Inde. En apparence, en revenu par tête d’habitant, les Chinois, partant du même niveau que les Indiens, sont devenus, en quinze ans, deux fois plus riches : 1 200 dollars par an en moyenne, contre 600. La croissance chinoise doit beaucoup aux investisseurs étrangers (souvent eux-mêmes chinois). Pourquoi ceux-ci préfèrent-ils la Chine à l’Inde dans un rapport de 12 à 1 ? Parce que le Parti communiste expédie les formalités, met à disposition des salariés dociles, ne s’inquiète ni de droits sociaux ni de l’environnement. C’est l’avantage d’une administration autoritaire. Dans l’Inde démocratique où les citoyens ont des droits, tout devient d’autant plus lent. À long terme, l’Inde est plus prévisible que la Chine. Mais les profits rapides s’engrangent en Chine.
[…] Si le paysan indien obtiendra dans son village l’électricité, la route, l’école, le dispensaire que ne verra jamais le paysan chinois, c’est parce que le premier vote, et l’autre non. […] La politique renforce les tendances : décentralisation en Inde, concentration des capitaux en Chine. Avec la puissance nationale et non pas le bien-être pour finalité ; la fraction – 20 % – des Chinois qui en retire un avantage matériel ou moral (la fierté nationale) constitue la Chine « utile » en quête de puissance ; tous les autres ne sont que du carburant humain.
Observons aussi la relation – indémontrable, mais réelle – entre l’innovation dans les métiers de l’information, création de logiciels en particulier, et la culture politique ; les pays créatifs se trouvent être démocratiques : Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Corée du sud, Taïwan et Inde, contre Russie, monde musulman et Chine. (2006, Le Point 1740, 70-73)
« Les banques sont le poumon de l’économie. Et quand leur santé est fragile, c’est tout le pays qui s’enrhume. Si cette théorie est vraie, la Chine semble partie pour une bonne crève. Tous les experts sont d’accord sur ce point : les banques chinoises sont dans un état déplorable. Les quatre grandes banques du pays (le “premier étage”, qui contrôle 60 à 70 % des capitaux) sont techniquement insolvables, percluses de mauvaises dettes et rendues aussi gracieuses que des mammouths par leurs méthodes de gestion qui n’ont guère évolué depuis les heures glorieuses de la planification à la soviétique. Venant s’ajouter à la mauvaise gestion, la corruption et le siphonnage des fonds sont également des pratiques courantes dans les banques chinoises. Alors que l’État cherche à faire entrer en Bourse ses trois plus grosses banques, les scandales semblent s’accumuler. […]
Devant la déconfiture des quatre plus grandes banques d’État, l’espoir du système bancaire chinois résidait dans les “banques du second étage”, plus dynamiques et entreprenantes que leurs consœurs. Ces banques plus ouvertes à l’économie mondialisée ne rechignent pas à vendre certaines de leurs parts à des concurrents étrangers. Ainsi, le géant britannique HSBC a déboursé 1,4 milliards d’euros en 2004 pour s’offrir 19,9 % de la banque des Communications. La rigueur britannique ne semble pas avoir réussi à se faire adopter en Chine : en mars 2005, un ancien employé de la banque a été arrêté pour le vol de 5,5 millions d’euros des coffres de son ex-employeur. (2006, Le Point 1740, 72)
Les économistes du Bureau d’État des statistiques de Pékin sont formels. La Chine n’a pas connu en 2004 une croissance de 9,5 %, mais de 10,1 % ! « Malgré ses performances économiques stupéfiantes, prévient Cai Chongguo, dans “Chine : l’envers de la puissance”, on ne peut que douter de la fiabilité des données officielles. » Avec seulement 5 à 7 % de croissance dans les années 50 à 70, des pays comme le Japon, la Corée du sud ou Taïwan ont vu toute leur économie se transformer. Rien de tel en Chine, constate cet ancien professeur de philosophie, réfugié en France depuis les émeutes de Tiananmen. Pour lui, la Chine ment à l’Occident et l’Occident se ment sur la Chine. L’empire du milieu a connu plus de 60 000 grèves ouvrières et agitations paysannes l’an dernier. […] un pays très pauvre (900 millions de Chinois vivent au-dessous du seuil de pauvreté), une dette publique colossale […]. (2006, Le Point 1740, 73)