Harrachi78 a écrit :
Le terme tout d'abord. "Arabisation" impliquerait -ou tout au moins suggèrerait- une action volontariste et/ou une politique consciente de changement d'identité, que cela soit imposé aux gens avec obligation de rėsultat. Or, et vous l'avez vous-même fini par le constater, il n'y eut à aucun moment de la part de personne la volonté d'obliger les Berères en géneral ou les Kabyles en particulier à changer quoi que ce soit dans ce domaine, ni avant l'ère coloniale ni pendant ni après. Nous somme donc face à un processus d'acculturation (un phénomene plus "naturel" donc) en cours depuis des siècles et non pas une "arabisation", et dont le rėsultat s'est plutôt stabilisé au cours des deux dérniers siècles puisque la proportion Arabes/Berbères au sein de la population s'est en quelque sorte fixée au plus ou moins 75/25 actuel durant tout ce temps.
Attention, "arabisation" désigne pour moi le phénomène d'extension de l'usage de l'arage, sans considération de volonté. S'il y en a une, je préfère parler de "politique d'arabisation". Je vous accorde qu'une telle politique avant 1962 n'existe pas.
Ceci dit, le processus est réel. Les chiffres que j'ai trouvés, avec toutes les précautions dues aux chiffres arabes
, font état d'un passage de 29% de locuteurs berbérophones à 19% entre 1905 et 1962. Aujourd'hui, nul ne connaît le nombre de locuteurs, puisque tout nouveau recensement est interdit. Il y a donc bien eu rétraction du berbère au cours de la période coloniale.
Citer :
Elle ressort sous une forme ou sous une autre dans tous les programes des nationalistes algériens à toutes les époques, jusqu'au manifeste fondateur du FLN en Novembre 1954.
Le FLN n'est qu'une des composantes dans la lutte pour l'indépendance. Les revendications berbères ont trouvé une expression politique au sein du PPA-MTLD, de Messali Hadj. Cela a mené la crise berbèriste en 1948-1954 à l'issue de laquelle les militants partisans d'une Algérie pluri-ethnique ont été écarté.
Après la crise berbériste, l'accusation de "berbérisme" au sein du FLN équivaut à une trahison. En 1955, les responsables envoient le message suivant aux organisations de France :
" Les principaux responsables de l’Oranie, Algérois et Constantinois, réunis quelque part en Algérie, après avoir pris connaissance de votre rapport général non daté, vous renouvellent leur confiance et vous assurent d’un appui total dans votre travail de clarification, de consolidation du FLN en France et de liquidation des Berbéristes, Messalistes, et autres contre-révolutionnaires qui continuent leur travail de sape et de division au sein de l’émigration algérienne »Citer :
I y eut donc reconnaissance exclusive dans les textes de la dimension identitaire arabe, le reste étant tacitement relégué dans la catégorie folklore, un peu comme l'avait fait l'Etat français dans son développement post-révolutionnaire. C'est uniquement sur ce point qu'il y a intersection avec la politique nationale d'arabisation puisque celle-ci (anti française et pas autre chose à la base) ne peut que verser dans le sens de l'idée d'identité nationale arabe telle que proclamée, mais ca ne veux pas dire pour autant que l'objet de ladite politique soit d'arabiser des populations non arabophones.
Le gouvernement algérien n'allait tout de même pas annoncer explicitement la lutte contre un élément berbère dont il niait l'existence.
Nous avons vu que les partisans d'une identité berbère étaient considérés comme traîtres.
Après 1962, le FLN nie la culture berbère (suppression de la chaire de berbère à l'université d'Alger, impose une liste de prénoms à l'état-civil, qui exclut les prénoms berbères, et passe à la répression armée quand le besoin s'en fait sentir. L'interdiction de publication d'oeuvres berbères mènera au "Printemps Berbère" de 1980.
Donc, l'objectif était bien la disparition de la culture berbère. C'est la résistance de la population et sa capacité à défendre sa culture, qui lui ont permis de subsister. Le fait que l'Arabe littéraire ne soit pas parlé a certainement joué dans cette survie. Trop de dogmatisme a fini par nuire à l'efficacité de la politique.