Jean R a écrit :
Pierma a écrit :
Pour ce qui est du souvenir que ces pays auraient pu garder du fonctionnement libéral d'une économie je n'y crois guère.
Je tiens cette explication d'un ingénieur EDF qui a souvent été envoyé comme consultant ou auditeur pour les centrales électriques des pays concernés, sur les plans technique et économique. Il m'a expliqué par exemple qu'en ex-URSS les directeurs de ces centrales obtenaient leurs pièces de rechange en menaçant les entreprises de leur couper le courant.
Anecdote amusante et très illustrative du défaut majeur du communisme : l'absence d'intérêt (financier ou personnel, sous quelque forme que ce soit) de faire son travail.
Dans un pays où chacun est fonctionnaire, où il n'y a aucune incitation quelconque à se battre pour satisfaire les clients, le dynamisme économique n'existe pas.
ça me rappelle un récit de Cavanna, je crois, qui avait accompagné le "camarade" Wolinski (il dessinait alors aussi pour le journal l'Humanité) dans un voyage en URSS. Il racontait que Wolinski avait commencé à comprendre le fonctionnement du communisme lors d'une soirée au Bolchoï : dans les vestiaires pour le public, immenses et prévus pour stocker les monceaux de manteaux, pelisses et bonnets dont les Russes se couvrent en hiver, il y avait 10 préposés occupés à garder... un seul et unique chapeau : on était en été !
Et donc, comme chacun sait, il n'y avait pas de chômage en URSS. D'où le proverbe qui courait les rues de Moscou :"faites semblant de travailler et nous ferons semblant de vous payer."
je ne crois pas à votre explication par "la mémoire" que les pays de l'est auraient gardé de l'économie libérale, je crois plutôt que le fait d'être passés au communisme après Staline (qui a vraiment tué en URSS toute espèce d'initiative économique) leur a permis de laisser un certain nombre de biais dans le système qui permettaient - tant bien que mal - de le faire fonctionner mieux qu'en URSS. Par exemple les Polonais disaient volontiers qu'il avaient chacun deux métiers : le métier officiel, et le métier pour gagner de l'argent (au noir) Dans une certaine mesure le travail au noir (payé lui à sa juste valeur) permettait de faire fonctionner de façon souterraine un système qui aurait été complètement bloqué sans cela.
Le communisme a commencé lorsque les paysans d'Ukraine et d'ailleurs, apprenant que leur bétail et leurs chevaux appartenaient désormais à l'état, on cessé de s'en occuper. Ils laissaient les chevaux dehors en hiver sans trop se préoccuper de les nourrir, disant que les chevaux "lisaient le journal", autrement dit cherchaient un peu d'herbe sous la neige. (Un "journal" était l'unité de mesure d'un arpent de terre.)
Et le communisme a pris fin lorsque le KGB lui-même a fait le constat que le communisme n'avait jamais marché, ne marchait pas et ne marcherait jamais.
Après, sur la façon d'en sortir et de revenir à un fonctionnement sous le régime de la propriété privée, on conçoit que le problème n'était pas simple et demandait d'y aller progressivement et de façon ordonnée. La Russie a choisi la pire des voies possibles : l'anarchie et la propriété attribuée au plus fort, ce qui conduit au gangstérisme pur et simple.
Les Russes ont gardé un souvenir de cauchemar de la décennie 90. J'ai entendu récemment (à C'est dans l'Air) un économiste indiquer que le PIB par personne était passé en Russie de 1500 dollars annuels dans les années 90 à 15000 dollars actuellement. Etonnez-vous que la mise au pas des oligarques par Poutine ait reçu l'approbation massive du peuple ! (là je suis hors limite chronologique.)
je me souviens avoir vu dans les années 90 un reportage style "Envoyé Spécial" à Moscou, sur la situation d'un grand magasin : la directrice et ses adjoints s'étaient déclarés propriétaires du magasin, et avaient embauché des policiers privés pour garder les lieux. Les employés, mécontents des salaires proposés, s'étaient à leur tour déclaré propriétaires collectivement du magasin, via le veux syndicat communiste de l'établissement, et les chefs syndicaux avaient à leur tour fait appel à une milice privée pour prendre possession des lieux. Résultat : les deux groupes de gardiens armés, peu désireux de s'entretuer, tapaient le carton ensemble dans un coin, aux frais de l'établissement, tandis que direction et syndicats cherchaient à trouver un accord de propriété partagée, avec sales coups crapuleux en coulisses, la grève asséchant pendant ce temps toute rentrée financière. L'anarchie totale.