dom calmet a écrit :
pourquoi cette période de révolution sociale est ignorée par les historiens ?
Il y a des historiens qui se penchent sur certains éléments de cette "révolution sociale" :
Le Monde : La Sécurité sociale, un « vestige communiste de 1945 » ?Citer :
Le système de protection sociale français est plutôt le fruit d’un consensus partagé par tous les partis politiques et l’opinion publique à la Libération, selon les historiens Bruno Valat et Fabrice Grenard.
Et ils démontrent que cette révolution sociale fut le fruit d'un consensus assez généralisé où des gaullistes et des communistes œuvrèrent ensemble pour instaurer la sécurité sociale. Mais, par la suite, les communistes se présentèrent comme les seuls artisans de cet épisode de la vie française. Ils ont si bien réussi leur détournement qu'aujourd'hui pas mal de gens pensent que c'était bien le cas.
Citer :
Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 donnent un cadre légal à la Sécurité sociale souhaitée par le CNR. Elles sont préparées par Alexandre Parodi, un haut fonctionnaire membre du Comité des experts dans la Résistance puis ministre du travail et de la Sécurité sociale gaulliste entre septembre 1944 et octobre 1945.
Pour Fabrice Grenard, historien et directeur historique de la Fondation de la Résistance, son rôle est tout aussi important que celui de son successeur au ministère du travail et de la Sécurité sociale, le communiste Ambroise Croizat, et du gaulliste Pierre Laroque. Le premier s’occupera de l’application des ordonnances à partir du 1er janvier 1946 avec le second, directeur général de la Sécurité sociale.
« Dire que la Sécurité sociale est uniquement une œuvre communiste est un non-sens total », explique Fabrice Grenard.
« Il y a à la Libération un consensus politique sur les questions économiques et sociales qui n’a jamais eu d’autre équivalent dans l’Histoire contemporaine. (…) Je crois beaucoup au phénomène de générations. Il y avait une vraie attente de la part de ceux qui étaient nés en 1900, qui avaient vécu la première et la seconde guerre mondiale, de construire un monde meilleur, plus juste et plus égalitaire. D’où le passage d’une logique d’assurance, où chacun cotise pour soi, à une logique de transfert social, où on cotise pour les autres, ceux dans le besoin. »
L’« historiographie communiste » à l’origine de cette idée reçue
Comment expliquer que, dans l’imaginaire collectif, évoqué par Anne Bourdu au micro de LCI, perdure l’idée que la Sécurité sociale est un acquis communiste ?
Pour Bruno Valat, la raison est à chercher du côté du Parti communiste français.
« Le PCF a cherché rapidement à récupérer à son compte le crédit de la création de la Sécu. Ambroise Croizat a alors été présenté par l’historiographie communiste comme le père de la Sécurité sociale : mais c’est faux puisqu’il n’est devenu ministre du travail que le 21 novembre 1945. Il n’a donc joué aucun rôle dans les décisions fondamentales. Par contre, il a soutenu par la suite avec beaucoup d’énergie la mise en œuvre de la législation et la mise en place des caisses de sécurité, pour lesquelles la CGT s’est démenée. »
Selon lui, ce « mythe » perdure encore dans des œuvres culturelles récentes, comme le film La Sociale, de Gilles Perret, qui, en prenant ce parti pris historiographique, se situe « très loin de la réalité historique ».