Dalgonar a écrit :
Pierma a écrit :
à partir de quand ont-ils été sollicités ?
Dès le 25 avril, Gorbatchev sollicite la Suède et la RFA. Cf ce titre d'époque:
On y lit aussi que la France a immédiatement proposé son aide.
Là il va falloir s'entendre sur le timing : l'essai puis l'accident ont eu lieu dans la nuit du 25 au 26. (L'explosion d'hydrogène qui fait voler en hauteur la dalle du réacteur, puis éventre celui-ci a lieu à 1h24 du matin, le mercredi 26.)
Cette Une du Figaro ne colle pas, elle est en contradiction avec tout ce qu'on sait du timing.
ça cloche complètement.
Déjà, en France les quotidiens du matin partent de Paris dans la nuit pour être distribués en province à partir de 6 heures. (Si c'est le cas du Figaro - qui est un quotidien du matin, sauf erreur - il faudrait effectivement que l'information soit tombée la veille, donc, comme vous le dites, le 25. Mais le 25 c'est AVANT l'accident !?)
De plus, il faut regarder les sous-titres :
- fusion du coeur du réacteur, alors que les occidentaux n'en savent encore rien.
- nombreux morts, SOS lancé par la Russie (dans la nuit ?)
- le dernier sous-titre évoque déjà un nuage radioactif, alors que la Suède ne le détecte que deux jours plus tard !
Regardons le timing donné par Wikipédia, et par une autre source, La Dépèche, dans une rétrospective de 2006 :
La détection du nuage radioactif par les occidentaux a lieu le 28, si l'on en croit Wiki, et de plus les informations n'arrivent que de façon fractionnaire :
Citer :
Le 28 avril au matin, un niveau de radioactivité anormal est constaté dans la centrale nucléaire de Forsmark en Suède, qui entraîne l'évacuation immédiate de l'ensemble du site par crainte d'une fuite radioactive interne. Mais les premières analyses montrent que l'origine de la contamination est extérieure à la centrale et vient de l'est. L'après-midi du même jour, l'Agence France-Presse rapporte l'incident.
À partir de ce moment, toutes les hypothèses sont formulées par les médias occidentaux. Les informations arrivent au compte-goutte (entretien à Kiev de personnes évacuées de la zone, etc.). L'agence de presse TASS parle le 29 avril d'un accident « de gravité moyenne survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl » tandis que les photos satellites du site de la centrale fournissent les premières images de la catastrophe.
C'est donc le samedi 29 que les occidentaux ont l'info définitive par satellite, et donc l'explication du nuage radioactif : le bâtiment réacteur de Tchernobyl est fracassé et le coeur est à ciel ouvert.
Il est curieux que l'URSS n'ait pas anticipé et évalué ce problème du nuage radioactif et de sa dérive.
Donc les Suédois ont été les premiers à le détecter. Je retrouve cette date du 28 avril - pour la détection du nuage - dans la Dépêche :
https://www.ladepeche.fr/article/2016/11/29/2468262-catastrophe-tchernobyl-dates-clefs-pire-accident-nucleaire-histoire.htmlCiter :
La première alerte publique n'a été donnée que le 28 avril par la Suède, qui a détecté une hausse de la radioactivité sur son territoire.
Sur place à Tchernobyl, les largages par hélicoptères commencent le 27, qui est également le jour de l'évacuation de Pripyat, et donc de l'engagement de moyens massifs par les autorités.
Tout cela fait justice, à mon avis, de l'idée de Gorbatchev "averti par la Suède". (on pourrait en effet remettre en cause cette date du 28, mais elle est logique avec la durée de parcours du nuage radioactif : les vents - au moins pendant cette première phase - ne l'ont pas dirigé vers le pays occidental le plus proche.) Ou alors il faudrait imaginer que Gorbatchev n'est pas tenu au courant par le KGB, ni par personne, des opérations engagées sur place, ce qui est fou. (les hélicos sont rameutés de partout, vous avez indiqué qu'on en comptera jusqu'à 600 engagés, les militaires sont mis sur le pied de guerre, etc...)
Autres éléments de timing dans l'article de la Dépêche :
Citer :
L'AIEA (Agence internationale de l'Energie atomique) reçoit notification officielle de l'accident le 30. Mais le chef de l'Etat soviétique Mikhaïl Gorbatchev n'avouera publiquement que le 14 mai.
Rien de scandaleux, malgré les apparences : on comprend là que Gorbatchev ne fait connaître la gravité de l'accident que tardivement à l'ensemble de la population d'URSS, ce qui est dans la plus pure tradition soviétique (Le public occidental sait à quoi s'en tenir) mais il s'agissait certainement de ne pas affoler les centaines de milliers de "liquidateurs" qu'on a fait venir sur le site. La notification à l'AIEA est de pure forme dès l'instant où une aide officielle a été demandée aux pays européens qui pouvaient l'apporter. (Mais au fait, finalement, à quelle date, cette demande d'aide ? Et quid de la France ?)
Donc, je me pose la question : d'où sort cette Une du Figaro ? Le 26, ce journal ne peut pas avoir ni l'info sur la fusion du réacteur, ni celle sur le nuage radioactif.
(On dirait une Une refabriquée à postériori comme si le journal avait eu toutes les informations en temps réel. Peut-être une série spéciale de collection, bien des années plus tard, du genre "mémoire du siècle" ?)
Bref, j'aimerais comprendre. (d'autant que cette Une fait plus vraie que nature.)nico69 a écrit :
Est-ce qu'une forme de coopération internationale sur la sûreté nucléaire s'est développée après l'accident et notamment après la fin de l'URSS ?
Et aujourd'hui, connait-on (ou peut-on connaitre) quel est le niveau d'expertise des techniciens et opérateurs du nucléaire en Russie ? Par ailleurs est-ce que leur culture de la sûreté a profondément changé ?
Des échanges entre Français et Russes existent-ils ?
la réponse est oui à toutes les questions, pour la Russie, mais aussi pour l'Ukraine. (en plus de l'aide spécifique apportée à l'occasion de la crise de Tchernobyl.)
Il faut tout de même imaginer les angoisses des occidentaux à la suite de la chute du communisme et de la dislocation de l'URSS :
- le premier sujet de cauchemar portait sur les armes nucléaires.
En effet, certains sites de lancement se trouvaient hors de Russie, et donc des pays indépendants depuis peu, dont les dirigeants étaient de parfaits inconnus, devenaient du jour au lendemain des pays armés jusqu'aux dents.
C'était spécialement le cas de l'Ukraine. la solution adoptée, après négociation, a été tout simplement de leur racheter ces installations pour les démanteler. (Je me souviens que pour l'Ukraine, ce sont les USA qui ont mis le chèque sur la table, j'ai en tête l'ordre de grandeur de plusieurs milliards de dollars.)
Je sais que ça a concerné, dans une moindre mesure, un ou plusieurs des pays "en stan" (les fameux Tadjikistan, Ouzbekistan, etc...) mais de façon plus anecdotique, parce que les sites de missiles soviétiques, dans l'ensemble, ne se trouvaient pas là. (On en a peu parlé, leurs dirigeants n'avaient pas d'ambitions géopolitiques, bref, chèques dessus et sans doute dessous la table, mais rien qui ait posé souci.) Pour la Biélorussie - le Bélarus - je n'ai pas souvenir, mais elle a été neutralisée aussi.
- le second sujet était évidemment, dans l'état de délabrement où se trouvaient les économies de la Russie et de l'Ukraine, d'abord la question de la maintenance des installations, parce que la maintenance d'un réacteur nucléaire ça coûte très cher, et ensuite la gestion du personnel, et sa formation à la sûreté.
Je sais qu'il y a eu une coopération durable, en toute transparence, sur ces deux sujets, financée par l'Europe - et peut être par d'autres sources - mais je ne connais pas les détails. (On peut imaginer que les autorités russes et ukrainiennes, après Tchernobyl et alors que leurs pays respectifs n'avait plus un rond, ne devaient pas être très rassurées non plus sur ces sujets là.) EDF en tous cas y a participé, Narduccio pourra peut-être nous en dire plus.
(Il faut se représenter, pour situer ce que "pas un rond" veut dire, que les réacteurs de certains sous-marins nucléaires ancrés à Mourmansk - Moscou n'avait plus les moyens d'entretenir toute sa flotte - ont tout simplement été raccordés au réseau électrique de la ville. - j'ai vu des images de ces sous-marins avec les câbles électriques qui sortaient par le kiosque. On a beaucoup parlé à l'époque de ces navires à propulsion nucléaire qui rouillaient là, et plus encore à Vladivostok. Tout ce que je peux en dire est qu'il n'y a pas eu de drame majeur, mais il me semble qu'on a parlé de faibles contaminations radioactives en mer.)
la situation actuelle des centrales russes est même encore plus rassurante : je ne saurais pas situer l'année - avant 2000, en tous cas - mais la Russie est allée jusqu'à commander à EDF une mise à niveau de sûreté des équipements de ses centrales. Là encore avec une aide européenne.
La page suivante de l'INRS, plus précise, contient un encart (en bas de page) qui distingue deux phases sur la mise à niveau :
- sur les RBMK une phase de modifications immédiates : barres de ralentissement permanent, compensées par un combustible plus riche, pour les rendre plus stables, et arrêt d'urgence aligné sur celui de la France, en faisant tomber les barres de contrôle.
- et une phase ultérieure, celle dont j'ai parlé pour la Russie, de mise à niveau général des équipements de sécurité sur tous les réacteurs.
https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-tchernobyl-1986/2016-Tchernobyl-30ans-apres/Pages/1-Tchernobyl-2016-30ans-apres-accident-deroulement.aspxOn peut donc considérer que la Russie et l'Ukraine ont aujourd'hui, tant que faire se peut, des réacteurs qui se rapprochent davantage de la culture européenne de la sécurité. A un (gros) détail près : leurs réacteurs ne sont toujours pas confinés. Hors on a vu à Fukushima que c'était un point décisif en cas d'accident majeur.
je me suis un peu avancé : je ne sais pas si cette coopération continue aujourd'hui, mais vu l'expertise apportée par EDF, ça serait logique. (Narduccio, as-tu cette info ?)
@Narduccio : sur le nuage radioactif en France, je ne lisais pas Libé à l'époque, en revanche je me souviens bien d'une intervention d'un spécialiste mandaté par l'état, au journal de 20 Heures, expliquant qu'il n'y avait rien à craindre. (je ne saurais pas dire s'il s'agissait du professeur Pélerin ?) L'idée que j'en avais retenue à l'époque, était que le nuage s'était redéposé sur les pays au nord et à l'est de la France. (Il n'apparaissait même pas que toute la RFA avait été touchée, il ne s'agissait donc pas d'un "arrêt à la frontière" caricatural.)
J'ai surtout retenu cette intervention, mais elle a été corrigée ultérieurement - je dirais une semaine, mais sans être affirmatif - puisqu'il y a eu débat sur les régions de France dont la production agricole devait être détruite, ou simplement "rincée avec soin."
(J'ai en mémoire des points en Alsace et en Corse, mais ce n'est certainement pas exhaustif.) En tous cas je me souviens avoir regardé les reportages sur les destructions massives de produits agricoles en Allemagne avec une certaine incrédulité : qu'est-ce qui leur prenait à ces Allemands ? encore une parano des écolos ?