marc30 a écrit :
Discrimination positive ?
Positive ? ... En fait, "on" avait décidé de réserver certaines terres au "petits blancs". Une espèce de colonisation intérieure. Sans rien demander aux intéressés, bien entendu. Mais, "on" avait peur que la pression démographique des noirs devienne trop importante. Il s'agissait donc de déporter une partie de cette population, des jeunes que l'on pourrait considérer comme surnuméraires pour les transplanter dans les régions agraires sous-peuplées où ils étaient appelés à remplacer les journaliers qui allaient à la ville trouver de meilleures conditions. Mais, ces journaliers allaient aussi à la ville trouver un travail qui disparaissait dans nos campagnes.
Quelque part, on voit une sorte de mépris envers toutes les classes populaires qu'elles soient blanches ou noires de la part de l'administration départementale réunionnaise. Ces gens-là pensent qu'il suffit de donner un lopin de terre aux "petits-blancs réunionnais" pour que ceux-ci s'en sortent économiquement. Tout le monde sait bien qu'il suffit de donner une bêche à un contremaître d'une sucrerie pour qu'il devienne un bon agriculteur ... C'est de l'ironie, bien entendu. Ensuite, il y a le trop plein de main d’œuvre. Pour les administrateurs, la solution est simple : il suffit de les transplanter. On va les faire "adopter" par des familles d'agriculteurs où ils vont servir de garçons de ferme. Une espèce de sous-prolétariat où l'on se contente de livrer le couvert et le logement. Dans l'esprit des décisionnaires, c'est en échange d'une formation pratique aux travaux des champs à l'occidentale... Dans la réalité, cela ne s'est pas souvent passé comme cela.
Mais, il faut relativiser, un apprenti-boulanger de première année, à l'époque est souvent très peu payé, voire pas payé par le patron qui lui apprend le boulot. Bref, dans l'étude il y a des choses qui nous semblent anormales de nos jours, mais qui étaient normales ou acceptées par la société en 1950-60. Mais, certaines réactions ont montré qu'en fait les pratiques mises en lumière dans cette étude étaient déjà à la limite de l'acceptable, à ce moment-là. C'est aussi ce que montre cette étude. Il y a des pratiques "anciennes" qui perdurent, mais, dans le même temps, il y a des résistances qui montrent que la société est en train d'évoluer et que de plus en plus de gens ne trouvent plus ces pratiques normales.
La greffe n'a pas réussi. Elle n'a pas réussi parce que ces mineurs ne se sont pas intégrés dans une société qui n'était pas prête à les recevoir. Comme le dit le titre de l'un des chapitres, il y a un "traitement jacobin" d'un problème ultramarin. Mais, les problèmes se situent à de très nombreux niveaux. Des familles d’accueil se désistent. Mais, il y a aussi un autre problème, à aucun moment on ne se donne les moyens de réussir. L'administration décide de placer un certain nombre de jeunes, sauf que les capacités d'accueil, de logement, de transport ne correspondent pas aux besoins prévus.
Mais, l'étude met aussi en évidence que ces placements d'enfants adoptables ne cachent pas un traffic d'enfants à des fins serviles, comme certains l'ont dénoncé. On pense agir "dans l'intérêt de l'enfant", en pensant que ces enfants adoptés par des gens retournant en métropole vont aider ces enfants à trouver une place, leur place dans la société. Ce sera souvent le cas pour les enfants en bas-âge, pas pour ceux qui sont plus âgés.
Mais, historiquement, ces placements peuvent sembler être la persistance d'anciennes pratiques. Depuis Saint Vincent de Paul, il est souvent arrivé que des orphelins, ou des enfants miséreux des grandes villes françaises soient placés dans des familles de paysans. Il y a dans cela une intention louable, diminuer la misère de ces enfants, quitte parfois à les arracher à leurs familles. Il y en a une seconde qui est moins louable, diminuer le nombre de futurs délinquants, car on pense que tous ces enfants finiront par plonger dans la délinquance.